Une nouvelle étude révèle un gain de popularité de l'arabe marocain (le darija) parmi les apprenants étrangers. De quoi déconstruire désormais les préjugés de longue date qui favorisent les dialectes égyptien et levantin. DR ‹ › Les apprenants étrangers de l'arabe sont de plus en plus nombreux à s'intéresser au dialecte marocain (le darija), remettant en question les stéréotypes de longue date qui ont longtemps favorisé les parlés orientaux tels que l'égyptien (masri) et le levantin (shaami). Publiée le 26 décembre 2025 dans la revue à comité de lecture Languages, une étude analyse cette évolution. Intitulée «Remettre en question les idées reçues sur l'apprentissage de l'arabe marocain : croyances des apprenants multilingues L2 au début d'une année d'études à l'étranger au Maroc», elle explique ce changement par l'ascension du Maroc en tant que destination principale pour les étudiants américains apprenant l'arabe. Depuis 2012, le royaume dépasse en effet l'Egypte, selon les données de l'Institute of International Education. Menée par Joseph Garcia et Khaled Al Masaeed de l'université Carnegie Mellon, la recherche examine la manière dont les apprenants étrangers de l'arabe perçoivent différents dialectes avant et au début d'un programme d'étude à l'étranger d'une année au Maroc, avec un accent particulier sur le darija. Des stéréotypes liés au darija Depuis des décennies, l'arabe marocain est souvent présenté comme trop mélangé avec le français ou l'amazigh, difficile ou inintelligible, moins prestigieux que les dialectes orientaux, voire dissocié de l'arabe en lui-même. Les chercheurs se sont penchés sur la manière dont ces croyances se constituent, se diffusent et si elles changent, une fois que les apprenants sont immergés au Maroc. Pour ce faire, les auteurs ont adopté une approche méthodologique combinant des questionnaires détaillés d'apprentissage des langues, des entretiens semi-structurés individuels et des observations des chercheurs. Un total de 14 apprenants avancés d'arabe ont complété les questionnaires, avec quatre participants, chacun inscrit dans un programme phare fédéral américain, sélectionnés pour une analyse approfondie. Tous les quatre ont une maîtrise avancée de l'arabe standard moderne (MSA), une exposition préalable aux dialectes égyptien ou levantin, et peu ou pas de notions en darija. Avant de venir au Maroc, aucun des quatre participants n'a voulu initialement apprendre le darija. Leur réticence s'explique par les commentaires faits par des locuteurs natifs d'arabe, des instructeurs et des pairs, ainsi que de la croyance répandue que le darija serait «trop différent» ou «difficile à comprendre», et de la perception que l'arabe masri et shaami seraient plus utiles à l'international. Perceptions et immersion Cependant, une fois au Maroc, ces perceptions ont rapidement changé. Selon l'étude, les quatre participants ont rapporté que le darija était devenu essentiel pour la vie quotidienne et que le dialecte était plus accessible qu'ils ne le pensaient. Ils ont également reconnu que les stéréotypes ne tenaient pas dans les interactions réelles et que l'apprentissage du darija améliorait leur compréhension globale de l'arabe. Les résultats de l'enquête ont montré que l'arabe marocain était en tête du classement des dialectes suscitant l'intérêt des apprenant, surpassant les variantes égyptienne et levantine. Trois participants ont évalué leur désir d'apprendre le darija à des niveaux quasi maximaux. Si le parlé marocain est teinté d'influences françaises et amazighes, les chercheurs notent que cela reflète surtout le contexte historique et social du pays. Ils soulignent que l'alternance codique est courante et fonctionnelle, même que le darija permet une compétence communicative forte au Maroc et au-delà. Plutôt que de voir ces caractéristiques comme des faiblesses, les apprenants décrivent de plus en plus le darija comme riche, flexible et pratique. Selon les auteurs, le parlé marocain mérite une légitimité égale aux dialectes orientaux, et la préparation aux études à l'étranger devrait aborder explicitement les idéologies linguistiques. Les chercheurs concluent ainsi que le arija n'est pas un obstacle linguistique, mais une porte d'entrée pour comprendre le monde arabophone tel qu'il est vécu. Article modifié le 30/12/2025 à 18h52