L'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) est prêt à faire une croix ou "croissant" sur ses 500 000 euros de subsides publics annuels, selon son président le Belgo-Turc Mehmet Üstün. « C'est une volonté du cabinet du ministre de la Justice de nous déstabiliser pour pouvoir s'ingérer dans la gestion du culte islamique ». Et de pester, « ces 500 000 euros nous allons nous les trouver nous-mêmes ». Mais cette tension entre les deux exécutifs (culte musulman et gouvernement belge) ne date pas d'aujourd'hui. En janvier dernier, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), écartait l'ancien président de l'EMB, Salah Echallaoui, accusé par la Sûreté de l'Etat d'être un agent du Maroc. Aussi dans le cadre du « renseignement », tout est fait pour dissoudre l'EMB, cette institution « d'espionnage » accusée d'organiser la subversion politique en liaison avec les services secrets d'autres pays. Salah Echallaoui souvent considéré comme le « décideur de l'ombre » de l'EMB en devient président en mars 2016, il remplaçait Nourredine Smaïli et la succession provoquera de vives tensions. Mais qu'à cela ne tienne et quoiqu'on lui reprochât d'être lié à l'ambassade du Maroc, Echellaoui présidera aux destinées de l'EMB deux ans durant jusqu'en mars 2018 et celui qui est réputé pour propager un Islam modérateur officiera en tant que vice-président jusqu'à son éviction. Pour le ministère de la Justice belge, le constat est on ne peut plus clair : « cet exécutif n'a jamais bien fonctionné depuis sa création, en 1999 » au point, selon la tutelle, que l'on peut se demander si ce modèle d'un organe » chef de culte » peut vraiment fonctionner pour l'Islam. Et c'est là, le vrai point de discorde. En effet, la reconnaissance du culte islamique par la loi du 19 juillet 1974 va tarder à produire ses effets à cause de l'extrême difficulté qu'ont éprouvé les musulmans et les autorités belges à faire émerger pour les premiers, à reconnaitre pour les seconds, un interlocuteur représentatif. Il a fallu donc, créer une instance qui représente cette confession à travers la construction d'un mécanisme complexe d'élection, au départ des Mosquées, tenant compte des puissantes fédérations de Mosquées qui restent encore très liées aux pays d'origine de la plupart des Musulmans de Belgique : la Turquie et le Maroc, le Royaume étant la première communauté musulmane (sunnite) en Belgique. Et l'EMB devint en 1999 grâce notamment à « la Diyanet » (l'administration religieuse turque, directement liée à Ankara), le Millî Görüs (association très proche de l'AKP, parti, au pouvoir en Turquie) et aussi le Rassemblement des Musulmans de Belgique qui, lui, représente plutôt l'Islam modéré sous influence du Maroc. Le lien avec les pays d'origine restait donc très fort, au point qu'il a fallu imaginer pour l'Exécutif belge, un système d'alternance à la présidence de l'exécutif (des mandats coupés en deux) pour partager le pouvoir entre Musulmans marocains et turcs. On a alors, puisé dans cette entité pour toute une série d'enjeux liés à sa reconnaissance officielle : la reconnaissance des Mosquées et le contrôle de leur budget, la reconnaissance des Imams (salariés par l'Etat belge, au titre de ministres du culte), l'agréation des enseignants de religion islamique ou encore l'agréation des aumôniers voire la formation en général. Pour ce qui est de l'organisation des élections pour le renouvellement de l'EMB qui devaient déjà avoir lieu en 2020, Mehmet Üstün qui ne se représentera pas, estime qu'elles pourront se tenir au début de l'année prochaine, en 2022 et plaide les circonstances atténuantes de Dame COVID pour ce report de près de deux ans. » Il n'y a que ceux qui s'engagent qui se font critiquer » a fustigé, agacé Mehmet Üstün. En attendant l'EMB a décidé de franchir le pas vers sa propre autonomie ce qui fait grincer les dents à certains. Cela va de soi !