La rencontre annoncée entre Vladimir Poutine et Donald Trump intervient dans un moment charnière pour la scène internationale : l'impasse stratégique en Ukraine et l'émergence d'un ordre multipolaire affirmé. Après plus de deux années d'un conflit prolongé, les investissements massifs et les innovations technologiques déployés par les puissances occidentales n'ont pas permis de renverser la dynamique militaire. La Russie, au lieu de s'affaiblir, a consolidé sa puissance, s'appuyant sur le soutien explicite ou implicite des BRICS. L'hypothèse centrale ici est que l'accord attendu entre Washington et Moscou – parfois surnommé « Accord d'Alaska » – pourrait sceller la reconnaissance américaine de la Crimée comme territoire russe, entériner la situation acquise dans les quatre régions annexées, et écarter définitivement l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Un tel compromis ne serait pas seulement un règlement régional, mais un jalon structurant dans la redéfinition des zones d'influence mondiales, comparable aux grands compromis diplomatiques du XXe siècle. L'échec occidental et la consolidation stratégique russe Le projet occidental de contenir et d'affaiblir durablement Moscou s'est heurté à une résistance inattendue. Malgré les sanctions économiques, la fourniture d'armements sophistiqués et le soutien en renseignement, les lignes de front n'ont pas basculé en faveur de l'Ukraine. Sur le terrain, la Russie aligne désormais environ 2,5 millions de soldats, consolide ses positions dans les oblasts de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, et dispose d'une puissance de feu inégalée en Europe de l'Est. Cette évolution illustre la remarque de John Mearsheimer, spécialiste du réalisme offensif, selon laquelle « les grandes puissances finissent toujours par reconnaître la réalité des rapports de force, même lorsqu'elle contredit leurs ambitions initiales ». L'économie russe, loin de l'effondrement annoncé, s'est adaptée grâce à des partenariats renforcés avec l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine, validant partiellement l'idée de Henry Kissinger que « la véritable victoire réside dans la capacité à transformer un succès militaire en avantage politique durable ». Un accord structurant : redéfinir les zones d'influence Les éléments probables de l'« Accord d'Alaska » incluraient : reconnaissance américaine de la Crimée, acceptation implicite des annexions, et exclusion formelle de l'Ukraine de l'OTAN. Un tel dispositif rappelle la Doctrine Monroe de 1823, qui affirmait l'exclusivité d'une sphère d'influence américaine sur le continent. Dans le même esprit, une « doctrine poutinienne » pourrait contraindre l'Europe à composer avec une Russie triomphante. Cette perspective rejoint l'analyse de Kissinger, pour qui « la clarté sur les rapports de force est l'élément essentiel d'une politique étrangère réaliste ». L'extension mondiale de l'accord : Arctique, Moyen-Orient et Afrique L'Arctique, riche en ressources et au cœur des nouvelles routes maritimes, est déjà largement contrôlé par Moscou. Des décennies d'investissements ont permis à la Russie d'y déployer un réseau dense de bases militaires et de systèmes de surveillance, verrouillant l'accès à ses rivaux. Des compromis au Moyen-Orient et en Afrique, où la Russie a accru sa présence au Sahel et en Afrique centrale, pourraient compléter cet accord. Cette projection globale valide l'avertissement de Zbigniew Brzezinski : « qui contrôle l'Eurasie détient une influence déterminante sur le destin du monde ». Les dimensions économiques : un levier de puissance La présence du ministre russe des Finances dans la délégation signale une dimension économique centrale. Pour Donald Trump, pragmatique et homme d'affaires, un tel axe ouvre la voie à des accords énergétiques et commerciaux d'ampleur. Cela reflète la maxime de Lénine, adaptée au contexte actuel : «la politique est l'expression concentrée des rapports économiques ». Si l'« Accord d'Alaska » se concrétise, il pourrait être considéré comme un moment fondateur comparable à Yalta. L'Europe, grande perdante, verrait sa marge stratégique réduite, tandis que la Russie, consolidée sur les plans militaire, diplomatique et économique, s'affirmerait comme pivot entre Washington et Pékin. Dans cet ordre multipolaire, le réalisme pragmatique l'emporterait sur l'idéologie, et le centre de gravité du pouvoir mondial se déplacerait vers l'Eurasie.