Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté, ce mercredi 24 septembre à Rabat, les conclusions de son avis portant sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l'Union européenne et ses répercussions sur les exportations marocaines. Cette rencontre, présidée par Abdelkader Amara, président du CESE, a réuni des représentants des départements ministériels, d'institutions publiques, d'organisations nationales et internationales, ainsi que des acteurs de la société civile et des experts. Dès l'ouverture de la séance, Amara a souligné l'importance stratégique du sujet, en soulignant que « ce mécanisme, qui entrera en vigueur dès janvier 2026, revêt une importance immédiate et structurelle pour nos industries exportatrices, l'Union européenne étant le premier partenaire commercial du Maroc ». Le président du CESE a rappelé que le MACF constitue l'un des instruments phares du Pacte vert européen et qu'il est conçu en cohérence avec le système d'échange européen de quotas d'émission (SEQE1) mis en place depuis 2005. Selon lui, « les autorités européennes affirment que ce mécanisme vise à limiter les risques de fuite de carbone et à garantir des conditions de concurrence équitables entre industriels européens et partenaires hors UE ». Dans sa première phase, le dispositif ciblera les secteurs les plus émetteurs, à savoir l'acier, l'aluminium, le ciment, les engrais azotés, l'hydrogène et l'électricité. Toutefois, Amara avertit que, de facto, « les exportations destinées au marché européen devront supporter le coût des émissions générées lors de leur production, comme c'est déjà le cas pour les industriels européens ». Une situation que certains partenaires commerciaux de l'UE qualifient de « barrière douanière carbone » plutôt que d'outil environnemental. Un impact limité à court terme, mais potentiellement élargi Pour le Maroc, l'effet immédiat reste relativement contenu. « La part des exportations marocaines concernées ne dépasse pas 3,7 % de l'ensemble des échanges avec l'Union européenne, dont 2,9 % pour le seul secteur des engrais », a précisé Amara. La majorité des industriels touchés sont des groupes disposant déjà de stratégies bas carbone ou des capacités d'adaptation aux normes européennes. Néanmoins, le président du CESE a averti que cette donne pourrait rapidement évoluer : « Si l'Union européenne élargit le champ d'application du mécanisme aux produits manufacturés et aux émissions indirectes, une part plus importante des exportations marocaines sera impactée, notamment dans des secteurs stratégiques comme l'automobile, l'agriculture, le tourisme et l'aéronautique ». Il a également souligné un risque d'effet domino, notant que « certains partenaires commerciaux du Maroc envisagent d'adopter des dispositifs similaires, ce qui accentuerait la pression sur nos exportations et affecterait leur compétitivité sur d'autres marchés au-delà de l'UE ». Le Maroc n'est pas resté inactif. Amara a rappelé que « notre pays s'est engagé depuis plusieurs années dans des politiques ambitieuses visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la neutralité carbone à l'horizon 2050 ». La Stratégie nationale bas carbone constitue, selon lui, le socle de cette transition, en intégrant des mesures anticipatives, l'instauration progressive d'une taxe carbone nationale et la création d'un marché marocain du carbone. Depuis l'annonce du MACF en 2023, les autorités publiques ont lancé des projets destinés à accompagner les industriels. Mais les défis persistent. « L'élargissement de l'accès à l'électricité issue des énergies renouvelables, la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, le coût élevé de la modernisation des outils de production et le manque de compétences spécialisées dans le calcul des émissions selon les standards européens demeurent des obstacles majeurs », a-t-il noté. Des recommandations structurantes À partir de ce diagnostic, le Conseil a formulé une série de recommandations. Amara a insisté sur la nécessité d'« une approche intégrée et coordonnée pour renforcer la préparation de nos exportateurs et accélérer la décarbonation des secteurs énergétique et industriel ». Parmi les mesures phares préconisées figurent la création d'un mécanisme national de suivi du MACF pour coordonner les efforts? un fonds spécial de soutien aux PME exportatrices vers l'UE afin de réduire les coûts liés aux bilans carbone et d'encourager leurs investissements bas carbone, le développement de filières de formation spécialisées ainsi que l'accélération de l'accès généralisé à l'électricité verte et au gaz naturel pour les industries concernées. Aussi, parmi les recommandations figurent l'ouverture rapide de négociations avec l'UE pour faire reconnaître le système marocain de vérification des émissions de GES, la réalisation d'études approfondies sur les différents outils de tarification du carbone, à moyen terme, la création d'un système marocain d'échange de quotas carbone, accompagné d'un mécanisme d'ajustement aux frontières et enfin, le renforcement de la coopération maroco-africaine pour défendre une position commune vis-à-vis du MACF. Un objectif stratégique : faire du Maroc une plateforme bas carbone Enfin, le président du CESE a résumé la vision de long terme en soulignant que « l'ambition est de permettre au Maroc de se positionner comme une base de production et d'exportation de biens bas carbone, en conformité avec ses engagements de réduction des émissions et les standards internationaux ». Avant de céder la parole à Amine Mounir Alaoui, rapporteur du dossier, Amara a tenu à remercier l'ensemble des partenaires et participants. « Je tiens à exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de cet avis, que ce soit à travers les séances d'écoute ou les ateliers de travail qui ont constitué un espace riche d'échanges et de débats », a-t-il déclaré.