La demande adressée par les jeunes de la « Génération Z » au souverain, appelant à la démission du gouvernement, a déclenché un vif débat constitutionnel au Maroc. Cette revendication, relayée par le collectif « GenZ212 » dans une ébauche de cahier politique, s'appuie sur une lecture de l'article 47 de la Constitution de 2011. Selon ce texte, affirment-ils, « le Roi a la compétence de nommer et de révoquer le chef du gouvernement ainsi que les membres de l'Exécutif ». Une interprétation que plusieurs constitutionnalistes contestent avec force, estimant que les choses ne fonctionnent pas de cette manière. Parmi eux, Abderrahim Allam, professeur de droit constitutionnel et de sciences politiques à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, rappelle que « la destitution du chef du gouvernement par le Roi est constitutionnellement impossible, car la Constitution confère une immunité à sa fonction. C'était d'ailleurs l'une des revendications centrales exprimées par la société lors de l'élaboration de la Constitution de 2011 ». Interpellé par Hespress, Allam souligne avec insistance qu'« il n'est pas concevable de remplacer un chef de gouvernement à chaque cycle de contestation populaire. Cela conduirait à une instabilité politique chronique, alors que le principe fondamental demeure le respect des dispositions constitutionnelles ». Pour Allam, la chute d'un gouvernement n'est possible que dans des circonstances bien précises, et en aucun cas à l'initiative directe du Roi. « Les jeunes et les citoyens ont pleinement le droit de réclamer la démission du gouvernement. C'est une expression légitime de la liberté de manifestation et de parole. Toutefois, transformer cette exigence en réalité suppose une organisation et une maturité considérables. La démission du chef du gouvernement reste envisageable si la pression populaire atteint un seuil critique », explique-t-il. Il avertit néanmoins « qu'une révocation du chef du gouvernement par le Roi constituerait une violation de la Constitution. Une semaine de protestations ne saurait suffire pour imposer un départ, autrement nous tomberions dans une succession infinie de révocations à chaque crise ou mouvement social »., explique-t-il. Le constitutionnaliste note aussi une particularité frappante dans les revendications de la Génération Z : « On ne trouve aucune mention aux collectivités territoriales, alors même qu'elles sont des institutions élues, investies d'une responsabilité dans les politiques publiques et les services rendus aux citoyens ». Enfin, Allam précise que « le départ du chef du gouvernement peut se faire par voie parlementaire à travers un retrait de confiance. Quant au Roi, il peut, après concertation, révoquer certains membres de l'Exécutif sans toucher au statut constitutionnel du chef du gouvernement. Mais dans une telle hypothèse, celui-ci se verrait contraint de démissionner, car il se retrouverait isolé. Le scénario peut aussi prendre la forme de consultations discrètes, où le souverain amènerait le chef du gouvernement à céder volontairement. Quoi qu'il en soit, ces revendications restent légitimes et mettent en lumière l'existence de problèmes réels et profonds qui appellent des réponses solides ». Une analyse que partage, sous un autre angle, Abdelaziz Khalil, chercheur en droit. Celui-ci insiste sur le fait que « la question est parfaitement balisée par la Constitution marocaine. L'article 47 octroie au Roi le pouvoir de nommer le chef du gouvernement et les membres de son cabinet, et lui confère également la faculté de révoquer ces derniers sur proposition du chef du gouvernement ». Dans une déclaration accordée à Hespress, Khalil rappelle que cette disposition « fixe de manière précise les mécanismes qui régissent les changements au sein de l'exécutif ». Il précise que le même article prévoit explicitement l'hypothèse de la démission du chef du gouvernement : « Celui-ci remet sa démission au Roi, qui en conséquence met fin aux fonctions de l'ensemble de l'Exécutif. Le gouvernement devient alors chargé de la gestion des affaires courantes jusqu'à la nomination d'une nouvelle équipe ». Le chercheur souligne également que « le Roi dispose du pouvoir de dissoudre le Parlement. Toutefois, une telle décision n'intervient qu'après consultation des présidents des deux chambres ainsi que du président de la Cour constitutionnelle ». Une dissolution, explique-t-il, « doit être suivie d'une allocution solennelle à la Nation. Elle entraîne automatiquement la chute du gouvernement, qui se transforme en simple équipe de gestion provisoire, en attendant la tenue de nouvelles élections destinées à recomposer la scène politique ». Pour Khalil, « ces dispositions constitutionnelles démontrent que l'intervention du Roi se fait toujours dans le respect de la loi suprême du pays. Le souverain exerce ses prérogatives dans les limites tracées par la Constitution, tout en veillant à préserver la stabilité de l'État et la continuité des institutions ». Et de conclure que « les prérogatives du Roi sont vastes, lui permettant d'agir en tant qu'autorité suprême du pays, guidé par la recherche permanente de l'intérêt national ».