À l'occasion de la Journée nationale de la femme marocaine, célébrée chaque 10 octobre, la Coordination féminine pour une réforme globale et profonde du Code de la famille a lancé un appel solennel pour une révision « fondamentale et courageuse » de la législation régissant les relations familiales au Maroc. Plus d'une soixantaine d'associations et de personnalités issues du monde académique, médiatique, syndical et économique ont signé ce manifeste, estimant que l'heure est venue d'adopter un Code « garantissant réellement l'égalité et la justice » entre les citoyennes et les citoyens. Dans un manifeste, la Coordination souligne que la révision attendue du Code de la famille ne saurait se limiter à quelques modifications techniques, mais constitue un acte politique et sociétal fondateur, porteur de l'avenir de l'égalité entre les sexes. « Il ne s'agit pas d'un simple ajustement de certaines dispositions, mais d'un choix stratégique pour les générations actuelles et futures », lit-on dans l'appel. Les associations signataires affirment avoir pris part, ces derniers mois, à la réflexion collective engagée depuis le Discours du Trône de 2022, dans lequel le roi Mohammed VI avait appelé à une mise à jour de la Moudawana. Elles s'adressent aujourd'hui directement aux décideurs et à l'opinion publique, rappelant « l'importance historique de cette étape » et la nécessité d'une réforme « qui dépasse les compromis conjoncturels ». Vingt ans après la réforme de 2004 Le texte rappelle qu'en 2004, la révision du Code du statut personnel, qui avait donné naissance au Code de la famille, avait constitué « un tournant majeur » salué au-delà des frontières. Le Maroc s'était alors distingué par son courage politique et sa volonté de combler les écarts entre hommes et femmes dans le cadre des relations familiales. Mais, vingt ans plus tard, « le contexte démographique, sociologique et éducatif a radicalement changé ». Les besoins et les attentes des femmes marocaines ne sont plus les mêmes, et la société a profondément évolué. La Constitution de 2011, renforcée par les engagements internationaux du Royaume, impose désormais à l'État de prohiber toute discrimination fondée sur le sexe et de garantir l'égalité dans les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, soulignent les signataires. Pour la Coordination, ce cadre constitutionnel exige un nouveau pas décisif. « Le retard n'est plus acceptable », écrivent-elles. « Aucune réforme superficielle ou limitée ne saurait répondre aux aspirations des Marocaines ni refléter l'esprit de la Constitution ». Des interrogations au cœur du débat Ainsi, les signataires posent des questions fondamentales : « Souhaitons-nous réellement consacrer le principe de l'égalité effective entre les femmes et les hommes, tel qu'inscrit dans la Constitution ? Sommes-nous prêts à ancrer la dignité et la pleine citoyenneté des femmes, au même titre que les hommes, tout en garantissant l'intérêt supérieur des enfants ? ». Ces interrogations, selon les militantes, traduisent l'enjeu de ce moment historique. Pour elles, la réforme du Code de la famille ne peut plus se contenter de demi-mesures. Elle doit être globale, structurante et cohérente, afin de consolider les acquis, rompre avec les discriminations et bâtir un cadre juridique adapté au Maroc de demain. C'est dans ce sens que la Coordination appelle à une vision progressiste qui érige la réforme du Code de la famille en véritable pilier d'un Maroc de l'égalité, de la justice et de la dignité. Le projet de loi attendu devrait, selon elles, être à la hauteur de la conjoncture constitutionnelle, juridique et politique actuelle, et non un simple compromis politique. « La réforme du Code de la famille ne peut se réduire à des demi-solutions ou à des équilibres temporaires. Elle doit incarner une volonté collective de dépasser les hésitations et d'affirmer les valeurs de la modernité démocratique, en harmonie avec les ambitions du Maroc pour un développement global et une consolidation de son leadership régional et international », insiste le texte. Les associations affirment que la crédibilité du Maroc dans son processus démocratique et son respect des engagements envers ses citoyennes et citoyens dépendront de la nature et de l'audace de cette réforme. Une réforme comme moment de transformation En rappelant que le Code de 2004 fut une « étape fondatrice », la Coordination estime que la révision actuelle doit, à son tour, constituer un moment de transformation décisif. « Notre pays doit montrer qu'il est capable d'avancer, non de reculer, et qu'il dispose du capital politique et constitutionnel nécessaire pour écrire une nouvelle page dans l'histoire de la justice et de l'égalité citoyenne », écrivent les signataires. L'appel se conclut sur un avertissement clair : « L'histoire retiendra si, à ce moment charnière, nous avons choisi la justice et le progrès, ou si nous avons privilégié les calculs de circonstance et les compromis conservateurs au détriment des droits des femmes et de la moitié de la société ». La Coordination exprime enfin sa conviction que « la mémoire collective retiendra ceux et celles qui auront fait triompher la justice et honoré les femmes marocaines, en élevant le Maroc vers de nouveaux horizons d'égalité ». L'appel est signé par plus de 60 associations féminines, de défense des droits humains et de développement, parmi lesquelles l'Union de l'action féminine, l'Association démocratique des femmes du Maroc, l'Association marocaine de défense des droits des femmes, la Fédération de la Ligue des droits des femmes, Jossour – Forum des femmes marocaines, ou encore la Fondation Ytto. S'y joignent également des organisations œuvrant dans différentes régions du pays : de Casablanca à Ouarzazate, de Tétouan à Khénifra, de Marrakech à Al Hoceïma, ainsi que des réseaux thématiques tels que la Coalition marocaine pour la justice climatique et la Réseau national des espaces multifonctionnels pour les femmes.