La guerre commerciale/technologique entre les USA et Huawei a pris une nouvelle tournure. La compagnie chinoise vient d'engager une procédure à l'encontre des Etats-Unis, à un moment où certains de ses représentants ont affirmé le lancement d'un OS maison et où Huawei continue de dépasser Apple en termes de ventes de smartphones. À l'heure où le pays de l'Oncle Sam semble vouloir tourner son dos définitivement à la compagnie de l'empire du Milieu, Huawei est bien loin d'avoir baissé les bras face à son sort. Le géant technologique chinois a décidé de mener une action en justice en Amérique face à l'administration Trump, qui a décidé un blocus sans pareil sur la compagnie, que ce soit au sein des USA tout aussi bien qu'auprès des partenaires économiques des Etats-Unis. Huawei, représenté par son juriste en chef, Song Liuping, accuse la décision de l'administration Trump d'être « tyrannique », dans la mesure où elle se veut anticoncurrentielle. La décision de Donald Trump se base en grande partie sur le National Defense Authorization Act, voté une année auparavant, et qui se veut pénalisant pour les entreprises chinoises en particulier. Cela dit, la demande de Huawei pour abolir les pénalités des USA à son encontre n'est pas « illogique », dans la mesure où cette décision cible le constructeur chinois parmi tant d'autres entreprises de l'empire du Milieu qui opère dans le même secteur d'activité. Liuping a indiqué qu'«Aujourd'hui ce sont les télécoms et Huawei, demain ce pourrait être votre entreprise, votre industrie, vos consommateurs», à un moment où la compagnie plaide haut et fort que ses équipements ne représentent aucun problème sécuritaire, que ce soit pour les USA tout aussi bien que le reste du monde. Il faudrait bien prendre un moment pour méditer sur ces propos, qui ne sont pas totalement faux, dans la mesure où n'importe quelle compagnie opérant dans le secteur télécom, ainsi que dans le développement d'applications, s'adonnent à la collecte des informations des utilisateurs. Aujourd'hui, il suffit de voir que n'importe quelle application que l'on installe sur son terminal, demande l'accès aux contacts, aux SMS, aux appels, aux mails, à l'appareil photo, au microphone, à la galerie d'images, etc., tant d'autorisations pour « profiter » d'un service « gratuit ». Or, il faut savoir que rien n'est gratuit, puisque la contrepartie de ces services n'est rien d'autre que nos données personnelles, qui sont stockées dans des bases de données, qui sont revendues par la suite à des compagnies pour publicité ciblée. Cela permet à des noms connus, notamment des moteurs de recherche, des applications et des réseaux sociaux par exemple, d'établir un profil détaillé de chaque individu, afin de lui « proposer » un contenu qui lui est adapté, dans l'objectif de réaliser des profits au passage. Les utilisateurs ne sont donc pas des clients, mais des produits. Huawei joue la carte fairplay Huawei comprend que sa situation est épineuse, puisque le blocus risque de lui coûter cher pour ce qui est de sa position de n° 2 mondial de la téléphonie mobile face à Apple, que la compagnie ne souhaite pas qu'elle soit sanctionnée à son tour en Chine. En effet, Ren Zhengfei, CEO de Huawei, a indiqué qu'il espère que le gouvernement chinois ne prendra aucune mesure pénalisante vis-à-vis de la marque à la pomme, malgré les sanctions imposées par les USA sur sa compagnie. The CEO of Huawei says heʼd "be the first to protest" if China retaliates against Apple pic.twitter.com/uWkN0T9H0V — TicToc by Bloomberg (@tictoc) May 26, 2019 Par ailleurs, il est à noter que malgré sa situation peu avantageuse, Huawei a réussi à maintenir sa position de n° 2 mondial de la téléphonie mobile, selon les données du cabinet Garter pour le mois de mai 2019. Si Samsung se tient toujours à la tête du classement du premier trimestre 2019, avec une part de marché de 19,2 % (71,62 millions d'unités écoulées), Huawei vient en second lieu avec une part de marché de 15,7 % (58,43 millions d'unités écoulées), alors qu'Apple maintient sa 3e place avec une part de marché de 11,9 % (44,56 millions d'unités écoulées). Cela dit, le ban des USA sur ses produits pourrait bien impacter ses performances. En effet, même si le constructeur indique disposer d'un stock de pièces lui permettant de tenir presque une année, le décret signé par Donald Trump devrait l'impacter négativement dans la mesure où la compagnie ne peut plus s'approvisionner en technologies made in USA. En plus de Google, le ban s'étend à des compagnies telles qu'ARM, Intel, Qualcomm, etc., qui constituent de grands fournisseurs de la compagnie pour le développement de ses équipements. Dans ce sens, le cabinet Gartner indique que « l'indisponibilité des applications et des services de Google sur les smartphones de Huawei, si elle est mise en œuvre, bouleversera son activité internationale, qui représente près de la moitié de son activité téléphonique mondiale, affirme Anshul Gupta. En particulier, cela suscite l'appréhension des consommateurs, ce qui limite la croissance de Huawei à court terme ». Si le scénario du ban est reproduit en Chine, Apple devrait subir des pertes de 15 milliards de dollars annuellement, soit 30 % de ses bénéfices, selon les estimations de Goldman Sachs. Le CEO de Huawei a d'ailleurs indiqué clairement qu'il s'opposerait personnellement à cette décision si jamais elle a lieu d'être, indiquant que l'interdiction de la vente d'iPhone en Chine ne pourrait qu'impacter négativement la concurrence du marché. Mais ces propos, aussi « nobles » qu'ils soient, ne semblent pas avoir d'impact sur Trump, qui a tout de même accordé un sursis de 90 jours, qui prendra fin le 19 août prochain, pour Huawei, afin que la compagnie trouve une solution à son « problème ». Un système d'exploitation imminent ? Il n'est pas chose secrète que les constructeurs de smartphones cherchent à développer leurs propres OS. Que ce soit Huawei, Samsung, les grands noms de la téléphonie mobile aspirent à s'éloigner de « l'emprise » de Google pour le développement de leurs univers. Dans ce sens, les discussions concernant le lancement d'un système d'exploitation maison par Huawei, afin de faire face à l'interdiction d'utiliser Android fait rage ces derniers jours. Cela dit, la compagnie a bien confirmé l'existence, voir même le déploiement d'un tel système, sans toutefois donner plus d'informations dans ce sens. Ce qui intrigue maintenant, est la sortie d'Alaa Elshimy, vice-président de Huawei Entreprise Business Groupe au Moyen-Orient, qui a déclaré au média spécialisé dans les nouvelles technologies, Techradar, « nous savions que cela finirait par arriver, et nous nous y préparions. L'OS était déjà prêt en janvier 2018 et il s'agissait de notre plan B. Nous ne voulions pas déployer cet OS sur le marché étant donné que nous avions des relations étroites avec Google et d'autres entreprises, et nous ne voulions pas détruire ces relations. À présent, nous allons effectuer le déploiement le mois prochain ». Celui-ci est même allé à indiquer que l'OS devrait être déployé en juin 2019, chose qui a été vite démentie par la maison mère de Huawei. Toutefois, le management de la compagnie a indiqué que l'OS est bel et bien prêt à équiper les terminaux du constructeur, et que cela devrait se faire entre 2019 et 2020. En attendant, les terminaux qui existent sur le marché pourront toujours profiter de mises à jour via PlayStore, sans toutefois pouvoir accéder à des applications comme Gmail, YouTube, Maps, etc. Retirer Huawei du marché de la technologie est plus négatif que positif, dans la mesure où il n'aurait plus de réelle concurrence, pour ce qui est des terminaux opérant sous Android. Mais au-delà de la téléphonie mobile, l'on parle même d'un retard de deux années pour ce qui est du déploiement de la 5G, du fait que Huawei est le leader de la technologie réseau dans ce sens. La décision des USA devrait donc impacter négativement la Chine, mais le reste du monde à plusieurs niveaux.