La Pologne a noué des relations diplomatiques avec le Maroc en juillet 1959. Ces dernières se sont développées dans une ambiance amicale pendant tout le règne du Feu le Roi Hassan II. Son successeur, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, maintient les bonnes relations avec les pays de l'Europe centrale et orientale dont la Pologne, en voyant en eux les futurs membres de l'Union européenne à laquelle le Maroc est lié par des liens politiques et économiques très forts. Sur les changements traversés par la Pologne dans le cadre de l'Union européenne et ses relations bilatérales avec le Maroc, l'Ambassadeur de la Pologne à Rabat nous explique l'état actuel de la coopération maroco-polonaise. La Gazette Du Maroc : Que représente la fête nationale pour les Polonais? Joanna Wronecka : Je ne sais pas si nos amis marocains connaissent un peu l'histoire de la Pologne, mais pour ajouter quelques précisions je vous dirai que le 3 mai, qui marque notre fête nationale, représente en fait l'anniversaire de la naissance de notre Constitution qui s'appelait la constitution du 3 mai 1791 et qui a été acceptée par le parlement polonais au 18ème siècle. Cette Constitution était très révolutionnaire pour l'époque, car elle était emprunte de nos notions démocratiques. Imaginez qu'à cette époque déjà, cette charte donnait leurs pleins droits aux paysans, à la noblesse polonaise… etc. Et dans l'histoire européenne, elle est considérée comme l'une des premières Constitutions démocratiques d'Europe. Nous sommes donc très fiers de fêter cet événement, et je pourrais aussi ajouter que durant le pouvoir communiste, la fête nationale a changé de date pour enfin reprendre en 1989 sa place d'origine, car cette date représente pour nous un symbole de démocratisation. Maintenant, après l'effondrement du régime communiste et votre adhésion à une Europe unie, en quoi la Pologne peut-elle bénéficier de cette adhésion à l'Union européenne ? Vous savez, la Pologne est devenue membre de l'Union européenne le premier mai 2004, c'est-à-dire depuis deux ans. Notre situation géographique sur le continent européen a fait qu'il était tout à fait naturel que nous adhésions d'abord à l'OTAN qui est une organisation à vocation sécuritaire couvrant les intérêts de ses membres, Europe, Canada, Etats-Unis d'Amérique, puis l'Union européenne. Ces deux dernières années ont permis d'évaluer les avantages et inconvénients de notre adhésion et, pour être exacte, il y a deux ans, un peu plus de 50% des Polonais voulaient joindre l'Union européenne ; aujourd'hui, ils sont plus de 70% approuvant cette adhésion, ce qui vous donne un aperçu sur l'état d'esprit général vis-à-vis de ce point précis. Bien sûr, l'intégration a été douloureuse parce que nombre de concessions ont eu lieu du côté polonais. On a dû remplir certains standards, accepter certaines lois. Mais vous savez, les Polonais sont ouverts d'esprit, et ils ont vite compris que cette opportunité allait nous permettre d'assimiler plus facilement et plus rapidement les énormes progrès, la modernité et tout ce que ce siècle nous apportera de positif. Pour répondre à votre question, je dirai que nos jeunes ont bénéficié de cette ouverture. Ils ont appris à réagir dans un espace temporel et géographique marqué par l'économie libre. Et vous savez très bien que l'économie libre veut dire concurrence. Vu les problèmes de chômage en Europe, cela a ouvert les esprits de nos jeunes qui savent que leur survie dépend fortement de leur volonté à se battre et à relever les défis. Nous avons aussi appris que l'éducation et le développement doivent être notre principale occupation. D'ailleurs, le point fort de la Pologne, c'est aujourd'hui l'éducation. D'après des statistiques européennes, nous sommes le deuxième pays d'Europe à produire le plus d'étudiants. Dans cette optique, vers 2010, nous aurons près de 3 millions et demi d'étudiants qui seront mis à la disposition du marché de l'emploi avec un important bagage et une bonne éducation. Concernant les côtés négatifs de notre adhésion, je vous citerais le point de vue des agriculteurs qui étaient contre cette adhésion. Car, disaient-ils, cette intégration va toucher profondément nos valeurs, acquis et traditions. Mais aujourd'hui, ces agriculteurs sont les premiers à en profiter par le biais de dotations qu'ils utilisent pour développer leurs plantations… etc. Pour les jeunes, l'intégration s'est passée sans problèmes. Cependant, pour les agriculteurs, c'était plus difficile. Et si aujourd'hui, comme je vous l'ai dit, ces agriculteurs sont satisfaits, cela veut dire que le processus d'adhésion est très positif. Pour ce qui est des statistiques économiques, le produit national brut polonais est très élevé, le développement, cette année, sera au niveau de 4.5%. Où en sont les relations maroco- polonaises ? Nos relations diplomatiques remontent à près de cinquante ans et ont toujours été imprégnées d'une bonne entente. Aujourd'hui, avec tous ces changements en Pologne et le développement très positif au Maroc, le besoin se fait sentir dans le sens d'un dialogue qui nous change un peu de ces conventions traditionnelles. Il nous faut commencer par nous connaître mutuellement. Personnellement, je travaille sur un programme d'échange d'idées politiques ainsi qu'au niveau des échanges ministériels et sectoriels, parce que c'est l'administration qui fait marcher les choses. Au niveau des populations et des jeunes, il n'y a aucun problème. Maintenant, c'est au tour des officiels d'œuvrer à une meilleure collaboration. C'est mon rôle ici de travailler à cette fin. Et l'ambassadeur marocain en Pologne doit certainement s'atteler à faire de même. Sur le plan économique, vous savez bien que ce volet fait marcher les relations diplomatiques et d'après les statistiques de l'année dernière, la situation est très positive (160 millions de dollars en échanges commerciaux), mais il nous faut diversifier un peu ces échanges. Des missions économiques composées d'hommes d'affaires marocains et polonais circulent de plus en plus entre les deux pays. Ensuite, je vais faire mon possible pour attirer les investisseurs polonais vers le Maroc. La Pologne doit participer, et j'y travaille aussi, à des projets dans le cadre de l'Initiative nationale de développement humain « INDH ». Que pensez-vous de la restructuration du CORCAS ? C'est une bonne initiative. Notre objectif est de trouver une solution acceptable par toutes les parties sous l'égide des Nations Unies, à travers les concertations et les négociations, pour mettre fin à un problème qui a duré longtemps.