Les défaites cumulées aussi bien dans le village de Maroun Al-Ras que dans la ville de Bint Jbeil, ont obligé l'armée israélienne à effectuer un retrait «tactique» de ces deux localités stratégiques. Revers qui ont contraint le président américain à dépêcher pour la 2ème fois en une semaine son ministre des Affaires étrangères pour proposer, cette fois, un cessez-le-feu auquel il s'est fermement opposé, quelques jours auparavant, au congrès de Rome. Mercredi 26 juillet, lors de la tenue de la conférence internationale de Rome, le secrétaire d'Etat américain, Condoleeza Rice, croyait toujours que le délai d'une semaine accordé par son administration à Tsahal était suffisant pour terminer sa mission visant à écraser le Hezbollah . De ce fait, elle campait sur ses positions, refusant catégoriquement l'appel au cessez-le- feu immédiat formulé par les représentants des quinze pays présents dans la capitale italienne. Pis encore, Rice n'a pas hésité à «justifier» l'opposition de Washington à l'adoption d'une déclaration condamnant le bombardement d'un poste de la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) qui a coûté la vie à quatre observateurs de cette dernière. Le gouvernement israélien ainsi que l'administration Bush ont, après trois semaines de guerre, découvert que la victoire sur le mouvement islamique libanais s'avère non seulement quasi- impossible, mais elle risque de se répercuter de façon néfaste sur la société israélienne et sur les intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient. En effet, les stratèges auprès du Pentagone estiment que si le Hezbollah sortira indemne de cette épreuve de force, toute la donne dans la région aura tendance à changer. C'est pour cette raison qu'il faut trouver rapidement une solution qui assurera, d'une part, une sortie «honorable» à Israël de ce bourbier libanais, notamment après les humiliations consécutives essuyées depuis plus de quinze jours ; et freiner l'élargissement des divisions de la communauté internationale apparue aussi bien à Rome qu'à New York, où le Conseil de sécurité des Nations-Unies est plus que jamais impuissant. Au point qu'il n'arrive pas pour la première fois depuis son existence, en raison de l'opposition farouche des Etats-Unis, d'imposer un quelconque cessez- le-feu. C'est apparemment sur demande d'Ehud Olmert et non sur conseil du Premier ministre britannique, Tony Blair, que George Bush a finalement accepté de dépêcher une deuxième fois, dans l'intervalle d'une semaine, le chef de sa diplomatie. Condoleeza Rice, qui quelques heures avant cette décision, avait déclaré qu'il n'y avait aucune raison ni le moindre changement dans la position de Washington à l'égard de la guerre du Liban qui impose un retour dans la région. De sources françaises et libanaises concordantes, on apprend, que le soir même du jeudi 27 juillet dernier, date de la convocation par Olmert de son cabinet de sécurité, de nouvelles tractations ont démarré. Les intermédiaires italiens et allemands ont transmis un message au Premier ministre libanais, Fouad Sanioura, ainsi qu'au président du Parlement, Nabih Berri, à qui le Hezbollah a confié la mission de négocier le sort des otages à sa place, selon lequel Washington serait prête à réviser sa position concernant le cessez- le-feu immédiat. Les intermédiaires sont allés même jusqu'à dévoiler les grandes lignes de la proposition américaine initiée par Tel-Aviv. Il s'agit, en premir lieu, d'épauler la force de la Finul, à travers une force multinationale dans laquelle Européens, Russes et Arabes feront partie. Cette force s'étalera sur un corridor des deux côtés des frontières israélo-libanaises. En deuxième lieu, les négociations sur la libération des prisonniers israéliens et libanais entreront en vigueur. Information confirmée à La Gazette du Maroc par le ministre libanais des Affaires étrangères, Fawzi Salloukh. L'après… après Haîfa Les Israéliens qui craignent maintenant que le secrétaire général du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah, «honore», comme à l'accoutumée ses engagements, tentent par tous les moyens de marquer les points dans le temps perdu. Ce, afin de sortir la «tête haute» de cette guerre, au moins pour la forme. Les revers qu'ils continuent à essuyer successivement, depuis plus d'une semaine, à Maroun Al-Ras et à Bint Jbeil ainsi que le bombardement d'Affoula, accélèrent sans doute la recherche d'une issue rapide. Même si cela consistera à ouvrir des négociations indirectes avec le Hezbollah. Contrairement aux déclarations du président américain menaçant Damas, les responsables israéliens confirment à la Syrie qu'ils n'ont aucunement l'intention de la toucher. Au même moment, les Américains envoient des messages au président Bachar al-Assad par l'intermédiaire des Allemands, des Italiens et des Qataris, dans lesquels ils lui demandent d'intervenir pour libérer les prisonniers israéliens. Ce dernier, qui ne croit plus aux promesses de l'administration Bush après le rôle joué par cette dernière pour le pousser à quitter le Liban, prend seulement acte sans donner de suite. De son côté, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, déclara que Washington devra s'adresser directement à la Syrie, si elle veut réellement une aide dans la région. En attendant le déblocage de la situation de guerre avec l'arrivée de Condoleeza Rice, le Hezbollah ne semble pas être prêt à faire aucune marche arrière, même dans le cadre de l'apaisement du rythme de la confrontation sur le terrain. Le Parti islamique, qui vient d'avoir le soutien de la majorité de la population arabe, sunnite comme chiite, semble être déterminé plus que jamais à aller jusqu'au bout de l'humiliation de l'armée qui avait vaincu toutes les armées arabes rassemblées. «Le changement remarqué de la part des régimes arabes prouve que ces derniers ont maintenant très peur sur leur existence», disait à la Gazette du Maroc, cheikh Naïm Qassem, le numéro 2 du Hezbollah. Et ce pur et dur de poursuivre : «leurs rêves de voir notre Parti balayé par la machine de guerre israélienne, et ses dirigeants morts, sont tombés à l'eau. De ce fait, ils cherchent aujourd'hui à tout prix le cessez-le-feu dart ils ne voulaient pas, il y a quinze jours». L'après … après Haïfa, cette phrase prononcée calmement par cheikh Hassan Nasrallah, devenu le symbole de l'héroïsme des populations arabes et d'une grande majorité des musulmans- à part quelques Daâyias saoudiens qui continuent à jouer sur les contradictions purement confessionnelles entre chiites et sunnites-, ne cesse de semer la panique aussi bien en Israel que partout dans le monde. Car, d'après les services de renseignements israéliens, il ne s'agit pas cette fois de bombarder Tel-Aviv mais probablement le centre nucléaire de Dimona. Dans ce contexte de panique, force est de souligner que la répartition des batteries de type Patriot, partout en Israël, n'a pas empêché les salves des missiles lancés par le Hezbollah d'atteindre leurs objectifs. Mais ce que craignent Israéliens et Occidentaux, c'est que l'après … après Haïfa, voulait dire que la guerre pourrait franchir à n'importe quel moment les frontières israélo-libanaises pour atteindre des objectifs ailleurs. C'est pour cette raison que les services de renseignements israéliens ont donné des consignes fermes à leurs responsables vivant à l'étranger, à leurs chefs de réseaux ainsi qu'à tout leur corps diplomatique d'adopter la plus grande vigilance. A cet égard, les dirigeants du Hezbollah affirment que les résultats réalisés sur le terrain sont tellement satisfaisants au point qu'il ne serait nécessaire, au moins pour l'instant, de passer à une vitesse supérieure sans pour autant donner plus de détails. Quoi qu'il en soit, le Hezbollah ne se contentera pas de tester son dernier missile abattu sur Al-Affoula, vendredi dernier, baptisé «Khaïbar 1», mais s'apprête à lancer d'autres plus sophistiqués et plus meurtriers au cas où l'armée israélien utilisera les «missiles intelligents» qui lui ont été livrés la semaine dernière par les Etats-Unis. C'est l'avis d'Anshel Pfeffer, qui a fait remarquer dans le plus conservateur canard, le Jerusalem Poste, que «le principal objectif du Hezbollah est de garder la capacité de menacer Israël après ce round de combat» ; et d'ajouter : «C'est une des raisons pour lesquelles, le Hezbollah n'a pas encore utilisé ses missiles de plus grande portée préférant les garder comme une menace voilée». La fissure s'élargit Pour la première fois depuis la création de l'Etat juif en Palestine les soldats israéliens sont insultés par les colons. Ces derniers lancent en leur direction patates et œufs. Ils les accusent de salir l'honneur de Moïse et de participer à la perte du rêve du Grand Israël. Dans ce même ordre de contestations, les éditorialistes, toutes tendances confondues, s'en prennent notamment aux services de renseignement. Ils affirment que le temps joue contre Israël, malgré les déclarations d'Ehud Olmert et de son «incompétent» ministre de la Défense, Amir Peretz. Alors que les hommes clés de l'establishment israélien tentent d'absorber les chocs en indiquant que l'«I», comme l'avait souligné, mardi dernier, le procureur général de la Cour suprême d'Israël, Menachem Mazuz ; ou bien, comme l'avait déclaré le ministre de la justice, les Israéliens dont la moitié se trouve dans les abris ne croient plus à rien. Ils sont convaincus que leur armée a échoué ; d'autant, qu'elle est incapable d'établir cette fameuse zone tampon entre leur pays et le Liban. En d'autres termes, ils n'arriveront pas à repousser le Hezbollah de quelques kilomètres à l'intérieur. Des voix commencent à se faire entendre appelant à avoir recours à l'ancien chef militaire et ancien Premier ministre, Ehud Barak, pour sauver la face et les meubles. «L'armée a besoin de cette race de combattants et leaders militaires courageux et non pas de ceux qui ont fait perdre à l'armée et à l'Etat d'Israel son honneur». Ces propos montrent que la fissure au sein de la société israélienne et même au sein de l'establishment ne cesse de s'élargir. Ce, au moment où la décision politique et militaire est de plus en plus perturbée. Ce qui donnera, selon certains analystes politiques à Tel-Aviv, l'initiave à cheikh Hassan Nasrallah d'imposer ses conditions. La thèse israélienne visant à convaincre les Occidentaux que cette guerre défend aussi bien leur sécurité que leurs intérêts au Moyen-Orient, a été vouée à l'échec. C'est ce qu'affirment deux ministres européens présents à la conférence de Rome. Ces derniers ajoutent que personne n'est maintenant prêt, y compris les Etats-Unis, à suivre les plans mis en place par Tel-Aviv, comme cela a été le cas pour l'Irak. «Personne ne veut provoquer ni la Syrie ni l'Iran», disent-ils ; et de préciser : «cette guerre du Liban et ses conséquences est une dure leçon pour l'Etat Hébreu et ceux qui l'avaient cautionnée, y compris quelques régimes arabes». En dépit de la visite de Rice dans la région et de ses propositions faites pour mettre sur les rails un cessez- le-feu immédiat, la direction du Hezbollah reste vigilante voire méfiante. Elle craint le bluff tant que l'armée israélienne est perdante ; et qu'elle n'a pas pu réaliser un de ses objectifs. C'est pour cette raison que, ce Parti restera sur ses gardes et intensifiera ses ripostes, comme nous avons pu le constater samedi matin à Bint Jbel et Maroun al-Ras.