Au moment même où l'establishment israélien analyse les conséquences du départ de son chef d'état-major, Dan Halloutz, les stratèges de l'armée poursuivent la finalisation de leur plan consistant à assurer la «revanche» sur Hezbollah. Ce dernier qui, semble-t-il, est déjà prêt à toutes les éventualités. A Tel-Aviv, on ne se cache plus derrière son petit doigt après la démission de Dan Halloutz. Son départ vient de confirmer la défaite cuisante de l'armée qu'il dirigeait lors de la deuxième guerre du Liban. Les militaires, de même que la classe politique, s'accordent à dire que sa décision de quitter le devant de la scène, devait se faire le lendemain de la fin des hostilités avec le mouvement islamique libanais. Le chef d'état-major n'est pas un bouc émissaire, mais le responsable direct du résultat de cette guerre dans laquelle la crédibilité voire l ‘honneur de l'armée israélienne ont été remis en cause. Aujourd'hui, les langues se délient au sein même de l'institution militaire qui n'est pas sortie de son mutisme depuis plus de trois mois. En effet, Dan Halloutz avait pris une série de mauvaises décisions avant et pendant cette guerre sans jamais consulter ses proches ni discuter du développement de la situation sur le terrain avec les politiques. Force est de souligner que toutes les initiatives engagées par ce grand chef militaire ainsi que celles initiées par ses «associés» politiques de circonstances, à savoir le Premier ministre, Ehud Olmert, et le ministre de la Défense, Amir Peretz, ont fni par tomber à l'eau. Halloutz n'a pas présenté sa démission qu'après avoir découvert que le comité Vinograde a pris en considération les multiples dossiers préparés par les grands généraux. Le contenu de ces documents montre la gravité des erreurs qu'il avait commises, notamment son refus de leur permettre de participer aux décisions centrales. Ce, notamment après les revers successifs essuyés depuis le village de Maroun al-Rass et après que les Israéliens aient découvert le manque flagrant d'équipements au niveau des abris situés dans les villes bombardées, commençant par Haïfa. Quoi qu'il en soit, la chute d'un symbole militaire de ce calibre suite aux pressions populaires a été un coup dur pour une armée qui, jusqu'à il y a quelques mois, imposait ses lois au pouvoir politique. Après cette crise qui a secoué la Grande muette israélienne, des voix appellent maintenant à une main mise du politique sur les détails de l'institution militaire. Ce que certains analystes considèrent comme étant l'une des leçons les plus significatives de la démission de Halloutz. Parmi les autres conséquences de cette défaite, les généraux sont devenus, du jour au lendemain, de simples personnalités publiques. Ce qui n'avait jamais été le cas depuis la création de l'Etat hébreu. Le fait de rendre le chef d'état-major et les hauts gradés militaires, des personnalités publiques, ne change pas seulement le rapport des forces existant en faveur du pouvoir politique, mais pousse les militaires à réparer les erreurs qui ont entâché l'image de leur armée connue pour avoir battu celles de tous les pays arabes. Cela dit, les généraux et le nouveau chef d'état-major qui sera nommé dans les prochains jours, devraient mettre les dernières retouches sur la «revanche» qui devra être prise sur le Hezbollah au courant de l'été prochain. Ou, lorsque les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux décideront d'attaquer l'Iran pour détruire son programme nucléaire. En dépit de cette constatation et des indices affirmant qu'Israel est rentrée, depuis début novembre dernier, dans la logique de préparer la 3ème guerre du Liban, certains observateurs estiment que cette «option» est irréalisable sans qu'un nettoyage politique soit effectué dans les plus brefs délais. Cela dit, Ehud Olmert et Amir Peretz, devraient rendre leurs tabliers. Ce, afin de créer un pouvoir politico-militaire cohérent, capable de gagner une nouvelle guerre. De ce fait, ces mêmes observateurs n'excluent pas des pressions sur ces deux responsables qui traînent derrières eux des casseroles de toutes sortes. De plus, les stratèges qui préparent le prochain round ont déjà posé leur veto contre la présence des patrons du parti Kadema et du Parti travailliste au sommet de l'Etat. De son côté, le Hezbollah qui, tout en célébrant la chute de Dan Halloutz, reste serein et vigilant. Son leader, Cheikh Hassan Nasrallah, réduit de plus en plus ses sorties médiatiques. Il atténue l'ampleur de ses discours menaçant l'Etat hébreu. Ce, au moment où des rapports ont été remis à la direction de FINUL (forces de l'ONU stationnées aux frontières libanaises avec Israël). Ceux-ci évoquant l'afflux d'armes en provenance de la Syrie qui arrivent régulièrement au Hezbollah. Parallèlement, les services de renseignement de l'armée libanaise ont, de leur côté, informé le Premier ministre libanais, Fouad Sanioura, du nombre grandissant des combattants de ce parti islamique. Ce dernier arrivant, malgré sa dense mobilisation permanente au centre-ville de Beyrouth, à gagner de plus en plus d'adhérents prêts à combattre les Israéliens. Les rappels à l'ordre répétés par la direction du Hezbollah chaque fois qu'une force de la FINUL franchit, selon elle, les lignes rouges au fleuve Litani, ou tente de prendre des photos dans un quelconque village, montre que ce parti est loin de se cantonner dans la phase du «repos du guerrier». Bien qu'ils savent décoder les messages échangés entre Syriens et Israéliens concernant d'éventuelles négociations, les «Siyyades» (dignitaires religieux) du Hezbollah ne baissent guère leur garde. Mobilisation générale Pis encore, les mesures de sécurité autour de leur grand Sayyed, Hassan Nasrallah, ont quadruplé depuis la démission du chef d'état-major israélien. On craint plus que jamais une opération-éclair contre la personne de Nasrallah. Ce qui peut, en cas de succès de cette opération, redorer, d'une part, l'image ternie du Mossad et de l'autre, récupérer la confiance perdue des Israéliens aussi bien dans leur armée que dans leurs services de renseignement. C'est pour ces raisons qu'il ne faut pas exclure une riposte militaire israélienne malgré la présence des forces onusiennes qui contrôlent la zone tampon. Les Israéliens, déjà rôdés dans les ingérences militaires, sont les mieux placés pour savoir que les soldats de la FINUL se retireront si une nouvelle guerre se déclenchait au Sud-Liban. Aucun des Etats qui avait envoyé des troupes, n'est prêt à les sacrifier pour les beaux yeux des Israéliens et du mouvement islamique libanais. A Tel-Aviv les anecdotes se bousculent chaque fois que le ministre français de la Défense, Michèle Alliot Marie, menaçait les deux parties au conflit. Seules des négociations entre Damas et Tel-Aviv pourraient réduire le rythme des préparatifs militaires en cours des deux côtés des frontières avec le Liban. C'est sur cette thèse que mise une partie importante de la société israélienne et, commence à faire des pressions sur l'establishment politico-militaire. Ce dernier aurait, selon les informations du quotidien, Haaret'z, négocié avec les Syriens dans un petit pays européen. En dépit des démentis de part et d'autre, une confrontation militaire entre les deux pays est apparemment exclue. Mais cela n'empêche pas l'armée israélienne et le Hezbollah à s'affronter. L'Etat hébreu a besoin, pour des raisons internes plus qu'externes, d'une victoire sur le parti libanais. Une revanche à capitaliser et à investir pour améliorer les positions lors du retour à la table des négociations. D'ici l'arrivée de l'été, la situation devra s'éclaircir. Le paysage politique israélien devra complètement changé. La position des pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, vis à vis de l'Iran, sera tranchée. Alors, nous pourrons affirmer si la 3ème guerre du Liban sera possible ou non.