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EPORTAGE : Le business de la Zakat et les faux mendiants
Publié dans La Gazette du Maroc le 20 - 10 - 2007

Mendier est une profession, souvent dictée par la nécessité. Un travail comme un autre qui rapporte, parfois, très gros. Mais ce métier n'obéit à aucune loi visible, plutôt à un mélange de règles secrètes, de codes cachés que seuls les gens du milieu maîtrisent. Organisé sous forme de petits conglomérats d'individus avec gestionnaires et sous-fifres, le métier de mendiant règle ses pas sur ceux d'une mafia hybride où le pognon est le maître mot, le seul credo qui ait du sens. Pour qui roulent les mendiants, quelles sont leurs techniques, qui sont ceux qui font la manche par obligation, par pauvreté extrême, et quels sont les rouages d'un trafic humain qui a ses propres ficelles ? Descente dans les bas-fonds de la misère et son corollaire le business des faux mendiants sur fond de Zakat.
N'est pas pauvre qui veut. Pas plus qu'il n'est riche qui en fait le souhait. Mais un mendiant Made in Maroc peut jouer avec ces deux conditions humaines, séparées par un Grand Canyon existentiel. Le tour de force est simple en apparence. Les soubassements, eux, sont plus retors. Difficile d'avoir une réponse claire de la part de plus de trente professionnels de la manche, que nous avons interrogés pour les besoins de ce reportage. Impossible, non plus, de faire un diagnostic de la vie réelle de chacun d'entre eux. Un flou artistique qui drape une existence vouée à quémander, pousser les autres à s'apitoyer, jouer sur le sentiment et son corollaire le sensationnel, moyennant une panoplie de technicités très inventives. Pour éviter les écueils habituels dans ce type de reportage, on s'intéressera uniquement à des cas extrêmes de mendicité où le besoin est un facteur très secondaire.
Les professionnels de la manche
Abdelaziz, sa femme Saïdia et ses deux enfants suivent un mode de vie, que le paternel a tracé, bien avant de décider de fonder un foyer. Autant parler d'un projet de vie et d'une vision à long terme. Le bonhomme, la quarantaine bien tassée, le visage émacié de celui qui doit afficher sa faim, le corps noueux d'un homme en voulant à la terre entière de l'avoir, dans un sens, forcé à trouver une porte de sortie aussi éreintante. Une chemise de circonstance, qui vient cacher le haut d'un pantalon de bonne coupe (sûrement donné par un nanti par un jour de fête) et des sandales en cuir, bien astiquées. Abdelaziz ne fait pas sale, mais il laisse paraître son dénuement. Tout est dans cette nuance. Ni délabré, ni fringant, mais clean sous des oripeaux qui crient famine sans heurter la sensibilité ni rejeter une bonne action. Rien de rébarbatif, non plus dans le verbe et les syllabes bien répétées qui accompagnent sa ronde de seize (16) heures par jour. Un phrasé lent, doucereux, avec des trémolos pour bien incarner le pauvre qu'il n'est pas mais que vous et moi devrions prendre pour tel : «Je suis pauvre. Très pauvre même, et d'ailleurs nous sommes tous des mendiants devant le Tout Puissant. Cela fait plus de dix ans que je vis à Derb Ben J'dia. Je paye un loyer de 230 dhs pour une petite chambre avec une entrée et une cuisine. (Abdelaziz a hérité d'un petit studio où il paye un loyer de pacotille dans un bâtiment art déco de bonne facture, mais qui tombe en ruine). J'ai vendu de la menthe, des légumes, j'ai travaillé au marché de Derb Ben J'dia, j'ai même été porteur. C'est là que j'ai rencontré ma femme qui, elle, faisait le ménage chez les gens pour quelques dirhams par jour. On a décidé ensemble de taper à la porte de Dieu (Dok bab Allah) pour vivre ». Une histoire pour le moins curieuse entre un homme et une femme qui ont, un jour, décidé d'unir leur destin pour ne plus travailler, ne plus suer en faisant le porteur, ni la bonne à tout faire, mais en tendant la main sous le soleil, sous la pluie, devant les marchés, les boulangeries, les cafés, les villas cossues, les mosquées et autres bars et restaurants. «Ma femme travaille dans un secteur et moi je fais les quartiers des gens riches (li labass alihoum). Ma femme sort avec la petite et moi, j'emmène le garçon. Le soir à dix heures, on rentre à la maison, et on dit Alhamdou Lillah pour ce que la journée nous a donné». Sous cape, Abdelaziz avoue se faire jusqu'à 500 dhs par jour, sans compter la bouffe, quelques habits qu'il revend à l'ancienne médina, des bibelots, des restes de farine, de pâtes, de riz, tout ce qui peut avoir une valeur marchande est bon à prendre. Et l'inventaire peut s'avérer impressionnant. Abdelaziz dit avoir accepté des sachets usités, des brosses à dents éculées, des bouteilles de limonades vides, des bidons, des restes de pots de fleurs, du charbon, des cartons, des sacs éventrés, de la Halfa, des restes de cordes, des pinces à linges qui ne fonctionnent plus… «Tout se vend. Il faut juste savoir à qui». Les enfants ne vont pas à l'école (ils ne sont pas encore en âge d'être scolarisés) mais les deux époux semblent avoir plié le destin des mômes : mendier est un métier plus sûr semble dire le rictus du père devant notre interrogation sur l'avenir des enfants non-scolarisés.
Les estropiés de la vie quotidienne
Là, nous sommes devant une catégorie à part. Ceux qui ont fait le vœu d'être handicapés. Nés en parfaite santé, les besoins du métier les ont poussés à trouver la bonne astuce. Khalid est un habitué des sorties de bars que tous les buveurs devant l'éternel connaissent et charrient sur cette jambe en bonne santé qui fait office de « patte » malade et bouffée par une pathologie jamais diagnostiquée. Sa saillie préférée est déclinée sous orme de devinette : «Alach Tergoud Leghnem (comment dort le bétail?) » Réponse de l'inventeur du calembour à rebours : « Ala rjila Wahda (sur une seule patte) ». Jamais l'ironie n'a touché des sphères aussi hautes. Ce type a tellement joué à l'estropié que sa jambe pliée prit le pli du handicap fictif. La jambe est ramassée sous le pantalon dans une position assise où seul le genou apparaît. Avec un exercice aussi éprouvant pour les muscles ankylosés sous le poids du corps, la jambe a réduit de volume en plus de dix ans de contorsions : «Je sais, mais je n'ai pas le choix. Il faut que j'arrive à convaincre les passants. Il y a des gens qui savent que je ne suis pas handicapé, mais ils ont pris l'habitude de me jeter une pièce. L'un dans l'autre, je m'en sors très bien». Khalid ne veut pas travailler pour la simple raison que c'est pas pour lui. Il est venu à la mendicité très jeune. Jamais il n'a eu honte de tendre la main, ni de quémander un bout de pain. Arrivé de Ben Ahmed chez une tante, il n'aura été à l'école qu'une saison avant de finir ses journées au cimetière à faire la queue tous les vendredis devant la mosquée Chouhada et à suivre les enterrements pour récolter les miettes de la mort. Résultat, coût et bénéfice de la manœuvre ? Pas moins de 300 balles jour, une jambe qui fout le camp sous le pantalon et une condamnation à vie à changer d'emplacement pour éviter tous ceux qui ont compris l'astuce. Et quand Khalid se lève et marche à la fin de la journée, il boitille un peu avant de retrouver une démarche presque normale quelques pâtés de maisons plus loin en allant vers Derb Ghallef où il loue sur une terrasse deux chambres avec deux autres mendiants de haut vol. «On partage le loyer (200 dhs, la tête) et pour le reste, on se débrouille». Le reste, la nourriture et les à-côtés de la vie, c'est selon. «Au hammam, je ne paie pas et pour la bouffe, il suffit de trouver des restes. Il y a les snacks et les cafés ou les petits restos de poisson ». C'est simple, en dehors des deux cents dirhams de sa part de loyer et quelque 40 dhs entre eau et électricité, Khalid n'a aucun autre frais. Et depuis plus de dix ans que cela dure, faites le calcul à raison de 300 dhs jour, ce type est loin d'être dans le besoin. Mais jamais, sa vie ne changera : «Allah Li Bgha (c'est Dieu qui a décidé) alors je fais ce que je peux ».
Associations de mendiants
Les profils de la mendicité sont légion. Il suffit de sillonner la ville pour se résoudre à l'idée que rien ne peut arrêter l'ingéniosité humaine. L'une des facettes de ce métier est le travail en groupe. Oui, on forme un conglomérat d'individus, hommes, femmes et enfants, et on parcourt le dallage des jours, les mains tendues vers les autres. Ce type de challenge collectif opère dans les zones les plus insoupçonnées des villes. Les Kissariats, les marchés, les cimetières et les mosquées sont les terrains de jeu favoris des groupes de la mendicité urbaine. Généralement pour que le groupe prenne et soit soudé, il faut assurer des gains conséquents. Et surtout avoir dans les rangs un infirme ou deux. D'ordinaire un aveugle ou deux font l'affaire. Cela frappe les esprits, et puis, nous avons pitié d'un homme ou d'une femme qui sont frappés de cécité. On marche en file indienne ou côte à côte, bloquant les passages, forçant les gens à vous voir et bousculant la vie des autres. Genre, « merde, je suis là, il faut payer ton dû pour passer. Et si tu ne me regardes pas, je m'arrangerais pour que tu aies mauvaise conscience. » Le message a le mérite d'être clair.
Tayeb est un aveugle qui a trouvé un groupe pour lui offrir une place de choix dans ses rangs. Tayeb a aussi une voix qui porte, ce qui est un atout de taille quand on doit persuader l'autre de l'importance d'un geste pour sauver le pauvre et le nécessiteux : «Je suis vraiment aveugle, et j'ai une famille. Avec les autres (les gens du groupe) Je suis comme le chef, un maestro qui guide les pas et règle le rythme) C'est moi que les gens regardent, et les autres me guident et veillent sur moi. C'est toujours moi qui ait l'argent et en fin de soirée, on partage à part égale, sauf pour les enfants.» Les enfants sont compris dans le pourcentage des parents. Plus tard, ils pourront compter pour des individus à part entière, capables de générer du bénéfice propre. «Li Jab Allah. Je remercie dieu de ce qu'il me donne. Moi, je veux juste de quoi nourrir ma famille.» Li Jab Allah peut aller jusqu'à 200 dhs par jour, ce qui fait un bon salaire à la fin du mois. Surtout que Tayeb n'habite qu'une chambre avec des voisins à Derb El Koudia, à Hay Mohammadi où il ne paye que 600 dhs par mois. D'autres mendiants travaillent par sexe. Que des femmes ou que des hommes. Là, pas de mélanges de genres, ni de styles. Par groupes de deux ou de trois, Aïcha, une sexagénaire, très futée fait sa journée à la Kissariat de Sidi Bernoussi pas loin des quartiers Amal. Il suffit de traverser le boulevard pour atterrir devant la mosquée, histoire d'arrondir les fins de journées. «Ana maktouaâ men chajra (une branche coupé d'un arbre) Je suis seule, je n'ai jamais eu d'enfants, mon ancien mari a trouvé une autre femme qui a pu lui en donner. J'ai tout fait dans ma vie, et depuis des années, je viens ici, pas loin de mon domicile et je travaille, je tends la main, et les bienfaiteurs sont nombreux qui ont pitié de moi». À trois, c'est encore mieux. Imaginez, trois mamis, toutes fripées, menues qui marchent ensemble et demandent d'avoir à manger. Qui va oser dire non ? Peu de gens en sont capables. Alors la journée de Mi Aïcha est assurée. Et elle ne paie ni loyer, ni eau, ni électricité vu qu'elle vit chez des gens qui l'ont prise pour ne pas la laisser à la rue. Son argent ? Ce qu'elle en fait?? Mystère.
Quoi qu'il en soit, mendier est l'affaire de tous. La pauvreté y est pour beaucoup. Mais souvent, nous n'avons affaire qu'à des gens qui ont trouvé le moyen le plus facile, en apparence, pour gagner leur vie. « Mendier, tendre la main, marcher et supplier à longueur de journée… facile ? Je veux bien vous y voir. C'est une corvée que je ne souhaite à personne », conclut Mi Aïcha.
Les rouages de la supercherie
Les fêtes, le mois du ramadan, toutes les occasions religieuses sont un prétexte pour s'improviser mendiant et tenter de se faire un max de blé à moindre frais. L'investissement est grégaire. Il suffit de se mettre en condition, d'endosser le manteau de circonstance avec une seule destination : les quartiers chics, les bourgades bourgeoises, les villas et les zones résidentielles de haut standing. Une invasion qui met face à face deux couches sociales : ceux qui ont des moyens et ceux qui veulent un peu des moyens des autres. Une espèce de Zakat forcée, du fait que tel mendiant vient devant chez toi faire le guet, et tendre la main en insistant pour que tu passes tes deux minutes de mauvaise conscience sociale. Celle-ci est blanchie, lavée, remise à jour avec deux dirhams, un bout de pain, un croissant ou alors un verre de thé et un plateau de couscous, si c'est un vendredi. Le mot d'ordre est clair aussi : « ils sont riches, ils mangent bien, il suffit de jeter un œil aux poubelles où l'on trouve du pain, des restes de nourriture, des morceaux de viande, des bouts de fruits, des plats presque entiers jetés dehors. Alors, on vient faire les poubelles et sonner pour demander un peu d'argent, des vieux habits, des meubles dont les gens ne se servent plus, des pneus usés. Tout ce qu'ils veulent bien nous donner. Et heureusement, on tombe toujours sur des gens généreux qui nous nourrissent et nous dépannent.» Ce mendiant de circonstance est aussi vendeur dans un marché à Derb Ghallef, mais les jours de fête, c'est congé. Il va devant les villas et fait ses emplettes. «C'est ça la Zakat : le riche aide le pauvre. Et grâce à Dieu, les bonnes consciences existent toujours. Eux, ils mangent et nous font manger avec eux. Dieu leur a tant donné et eux, ne nous oublient pas ».
L'autre version, celle du riche propriétaire de la ville, qui roule en Cayenne est toute différente : «Je n'ai pas mauvaise conscience. Moi, j'ai travaillé pour avoir ce que j'ai, mais je veux bien aider les autres qui sont dans le besoin. Mais il y en a de plus en plus, et tous les jours, j'en vois devant chez moi, des hommes, des femmes, des enfants, et même des jeunes qui sont en bonne santé et qui refusent de travailler. C'est du vice. Mais bon, je ne vais pas entrer en conversation avec eux sur ce qu'ils doivent faire ou non, si j'ai de la monnaie, je fais ce que je peux, et souvent je dis aux gens qui travaillent chez moi de leur donner à manger. Mais rien ne m'oblige à le faire. C'est un plaisir d'aider. Si je sens que l'autre me tord la main, je dis niet ». Une autre dame parle, elle, d'escroquerie et de haine sociale. «Ils nous en veulent parce que nous habitons dans des villas et que nous avons à manger. C'est Dieu qui a choisi de faire cette différence entre nous. Moi, je pense que ce sont souvent des gens animés de mauvaises intentions et qui, s'ils avaient la possibilité, pourraient nous faire du mal.» Devant une telle saillie, une jeune mendiante dans la fleur de l'âge qui a déjà, apparemment refusé le métier de bonne, dit?: «Elle a mauvaise conscience, c'est pour cela qu'elle a peur, la riche ». Mais la jeune fille oublie que cette même riche lui a proposé du boulot qu'elle a refusé parce quelle ne veut pas trimer chez elle.
Les dortoirs de Mohammedia
C'est dans le quartier d'Arrachidia que nous avons trouvé un type nouveau de locataires, mâtiné de spécimens rares de propriétaires qui ne louent qu'aux mendiants. Ce sont deux maisons que nous avons visitées, aménagées pour des locataires mendiants qui paient 15 dhs la banquette pour la nuit. «J'ai le droit de louer à qui je veux. Je connais la loi et je connais mes droits», crie un bonhomme très au fait de ce qu'il entreprend comme business. Les locataires, eux, sont très heureux de trouver où dormir. Mais « nous n'avons pas le droit de cuisiner, ni de manger ici. On ne se lave pas non plus ici. Nous avons loué la banquette (Seddari) pour la nuit. On paie chaque soir avant de dormir et le lendemain, on sort. La fille du propriétaire s'occupe de tout nettoyer. Et le soir, à la tombée de la nuit, on revient ici.» Correct, pas correct ? Les mendiants ne se posent pas ce type de questions. «Non, moi, je viens de très loin. Je suis originaire d'Oulad Saïd. J'ai trouvé cet endroit pour dormir. Et la journée je fais toutes les mosquées de Mohammedia. Je paie ce qu'il faut, et le reste je l'emmène au bled. Dans le douar, certains disent que des mendiants ont du bétail, des constructions en dur, acheté d'autres lopins de terre. Mais ce sont des « on dit ». La réalité est que les dortoirs marchent bien. Le gérant du café attenant à la maison aux banquettes, dit qu'il y a pas moins «de vingt mendiants qui dorment ici chaque nuit. Ils viennent manger au café, je les connais presque tous. Le type qui a cette maison est un voleur pour moi. Il exploite la misère des gens. C'est hchouma. Mais bon c'est son affaire, un jour il va devoir s'expliquer devant la justice pour ça». Vingt locataires, 15 dirhams par nuit : cela fait 300 dhs nets et sans impôts. Un montant de loyer qui peut avoisiner les 10 000 dhs chaque mois. Pas mal pour des banquettes. Et l'astuce a vite fait des émules puisque, outre les maisons que nous avons visitées, il y'en a au moins trois autres à Mohammedia, confirmation faite par les mendiants eux-mêmes.


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