Souvent, la confusion est vite commise entre la pratique généraliste de consultations et de soins et la médecine du travail qui est une discipline incontournable de l'ergonomie du travail. La différence est de taille et tient dans le rôle curatif du «médecin pompier» dans le premier cas opposé à la dimension préventive du praticien spécialiste de l'amélioration des conditions de travail au sein de l'entreprise, pour le second. ême si la médecine du travail peut se prévaloir d'une existence relativement ancienne, la réalité de sa structuration et l'efficience de son intervention au sein des entités économiques s'appliquent toujours à capitaliser des pistes perfectibles. Plus grave encore, dans bon nombre d'entreprises au Maroc, témoignent les experts sur la question, l'exercice de la médecine s'opère à l'instar des cabinets de consultations généralistes dont l'esprit et la lettre se trouvent être transférés en milieu professionnel. De ce constat à la peau dure, il ressort que la courbe des statistiques sanitaires des salariés en situation de métier n'arrive pas encore à suivre une logique constante d'infléchissement salutaire, susceptible de limiter ou réduire le turn-over du personnel, l'absentéisme chronique pour cause de maladies et autres. Sans oublier que l'autre face de la médecine du travail, dont il est, paradoxalement, fait moins référence, semble s'inscrire dans une tendance à la hausse des accidents de travail entraînant des cycles longs et complexes de maladies des victimes au moment où le médecin du travail, au sens propre de sa mission bien comprise, aurait pu jouer un rôle préventif en amont pour prévenir les risques en neutralisant les facteurs récurrents ou potentiels causes d'accidents professionnels. Médecine préventive Enfin, un troisième créneau, non moins important, devrait susciter davantage l'intérêt des médecins du travail dont la mission consiste à prévenir, le cas échéant, les maladies dites professionnelles réglementairement répertoriées et dont le coût financier à supporter par l'entreprise est loin d'être négligeable, sans compter les dommages collatéraux et les conséquences humaines regrettables.A la Royal Air Maroc, l'exercice de la médecine du travail est assuré par le service de santé du travail autonome, dirigé par le Dr Ayad Ramzi, un spécialiste en la matière, qui est assisté de plusieurs collaborateurs spécialisés dans les corps des professionnels de la santé. Régi par Dahir à l'échelon national, le Service autonome de médecine du travail RAM a obtenu l'agrément du ministre de l'emploi en janvier 2001 pour localiser ses «bases» dans les deux centres d'Anfa et de Nouasser. Pour parler franc, il faut bien se résoudre à admettre que l'activité de ce service autonome, soit probablement confondus avec la médecine de soins généralistes, que nous continuons à en ignorer les tenants et les aboutissants par défaut de communication interne. D'abord, c'est quoi, au juste, la médecine du travail telle que conçue par les «cols blancs» de notre entreprise ? Le Dr Ramzi vient à la rescousse pour lever un mystère : «Le but essentiel de la médecine du travail est la prévention. Le médecin du travail ne dispense pas de soins, sauf urgence. Il ne remet ni ordonnance, ni arrêt de travail». A la Royal Air Maroc, le management de l'entreprise et la Direction de ses ressources humaines ne cessent de pousser la pratique de la protection de la santé et de la sécurité au travail dans ce sens. Nos dirigeants s'évertuent à inciter à l'exercice d'une médecine du travail opérationnelle de proximité qui surveille la santé des salariés et se montre «tatillonne» sur les conditions générales d'hygiène, de salubrité des lieux et des locaux professionnels ainsi que sur la diffusion la plus large possible des notions de base d'organisation ergonomique des postes de travail et de secourisme pour parer aux urgences. Mais la volonté, à elle-seule, ne suffit pas et l'impact positif de cette discipline ne prendrait que plus d'effet en s'appuyant sur une organisation opérationnelle concrètement dédiée, en termes de moyens humains et matériels, à la quête incessante du «risque zéro» en termes de maladies et du «zéro mort» pour ce qui est des accidents du travail, trajet compris. Nos responsables en charge du secteur persistent et signent : «le rôle de la médecine du travail est fondamentalement préventif. Le médecin du travail est responsable de la surveillance de la santé et de la sécurité du personnel au travail. Cette tâche recouvre la prévention des accidents de travail et les maladies professionnelles, mais aussi l'ensemble des nuisances liées à la situation du travail». Plus terre-à-terre, le médecin du travail est un adepte de la déontologie des métiers qui ont fait sien le credo suivant : «Mieux vaut prévenir que guérir». Que fait le médecin du travail ? Pour ce faire, il ressort des enjeux futurs de la RAM le défi jouable d'implantation d'une grande entité élargie aux filiales ainsi qu'aux activités croissantes des escales, à l'instar de celles de Marrakech, Agadir, Tanger et Oujda. L'autre défi consiste en la création d'un service médical entièrement dédié au PNC permettant d'économiser temps et argent pour les visites de licence effectuées actuellement à Rabat (concurrence oblige !). Sans oublier le troisième défi qui se traduit par les prises en charge de traitements psychologiques (stress, angoisse du terrorisme, agressions par des passagers, maladies tropicales, pandémies…). La RAM peut et doit faire encore et toujours mieux pour étoffer et professionnaliser davantage son service autonome de médecine de travail. Ce dernier compte actuellement, outre le médecin chef Ramzy, sept infirmiers, deux assistantes sociales et deux secrétaires. Il a recours aux prestations de huit médecins vacataires dont un médecin conseil et un médecin du travail à mi-temps, un cardiologue, un ORL, deux psychiatres, un dermatologue et un kinésithérapeute. Ce professionnel de la santé et de la sécurité dans l'entreprise remplit régulièrement des activités technico-médicales, depuis les examens médicaux lors des visites d'embauche jusqu'aux visites de reprise après une interruption du travail pour cause de maladie ou d'accident du travail. Périodiquement, il est chargé du suivi de l'évolution de l'état de santé du personnel intervenant une fois par an pour chaque collaborateur dont l'aptitude au poste est reconduite. Ces «visites systématiques» visent le maintien, dans les meilleures conditions, de l'aptitude professionnelle du salarié. Mais ce n'est pas tout. Le médecin du travail doit consacrer réglementairement un tiers de son temps à des activités en milieu de travail. C'est dans la pratique du tiers-temps que résident, à la fois, la singularité et l'originalité d'une discipline pas comme les autres», assure le Dr Ramzy. Celui-ci ajoute que c'est «un médecin praticien polyvalent qui a fait ses preuves en tant que technicien, hygiéniste et ergonome». Cette activité comprend la visite des ateliers, des chantiers avec l'étude des postes de travail et a pour but de mieux connaître la réalité des points durs du travail et de mettre à jour les contraintes excessives. Par une bonne connaissance de l'entreprise, le tiers du temps permet d'améliorer la sécurité immédiate (accidents) et à long terme (maladies professionnelles et autres, ainsi que les conditions de vie et travail des salariés). Le médecin du travail est le conseiller du chef de l'entreprise et des salariés en ce qui concerne leur protection contre les risques d'accident de travail, l'amélioration des conditions de vie et de travail dans l'entreprise et l'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine. Enfin, on peut ajouter à son job description d'autres activités illustrées par les permanences et astreintes. D'une manière plus générale, le médecin du travail est le profil idoine le mieux indiqué pour remplir ses obligations éthiques et professionnelles de conseiller du top management de l'entreprise autant qu'il est attentif à l'écoute des salariés et de leurs représentants parmi les partenaires sociaux. Ce qui se traduit par des plans d'actions ciblant l'amélioration des conditions de travail et l'hygiène générale de l'établissement, l'adaptation des postes de travail aux exigences de l'organisation. Tout comme le médecin du travail est habilité à préconiser les meilleures postures et l'usage le plus sûr des techniques et outils de travail, autant qu'il s'ingénie à rendre cohérentes les cadences de travail avec les capacités que peut offrir la physiologie humaine.