Le ministre et l'écrivain, M. Larbi Khattabi s'est éteint récemment dans la discrétion. Le Maroc vient de perdre l'une de ses figures les plus honorables C'est par quelques lignes, et sans aucune image, que la télévision nationale a annoncé le décès de Mohamed Larbi Khattabi ! Au cours de la cérémonie d'ouverture du dernier congrès de l'Union des Ecrivains du Maroc, un hommage a été rendu à tous les auteurs disparus, tous les noms furent cités sauf celui de Mohamed Larbi Khattabi ! Traitement au minima d'un côté, et impardonnable amnésie de l'autre. La personnalité de l'homme et son parcours méritaient mieux. En préparant l'émission «Filbali Oughniyatoun», je tombe sur son nom. Il était alors ministre de l'Information et les membres de son cabinet faisaient partie d'un groupe d'intellectuels qui se réunissaient, discutaient et suivaient l'évolution de la scène culturelle nationale. C'était l'époque où la maison de Benbouchta réunissait Said Seddiki, Amr Tantaoui, Kamal Zebdi, Ahmed Rayan, Ali Haddani, Abdelkader Wahbi, Mustapha Kasri… C'est là où «Jrit ou jarit», refrain indémodable de Naima Samih , a été conçu et réalisé avec le soutien et la bénédiction de toutes ces personnalités. Quand la chanson a été achevée, le ministre a organisé une cérémonie, reçu l'auteur, le compositeur et l'interprète et leur a offert des cadeaux ! En montant l'émission, je voulais passer les images du ministre. J'ai cherché aux archives de la télé sans résultat ! Il a fallu que je fouille ceux du ministère de l'Information pour dénicher un portrait pour illustrer les paroles de Ali Haddani. Mais qui est Mohamed Larbi Khattabi ? L'exemple d'un homme respecté Mohamed Larbi Khattabi, à l'instar des Abdelkhalek Torres, Mehdi Bennouna et Mohamed Larbi Messari, faisait partie des figures intellectuelles de Tétouan. Il rejoint Rabat après l'indépendance pour travailler dans différents cabinets ministériels dont celui des PTT avec le ministre Mohamed El Ghali Al Halfaoui. Dans les années soixante, Mohamed Bensouda, directeur de la radio, le nomme vice directeur responsable de la production. Le 5 avril 1974, Hassan II lui confie le portefeuille de l'Emploi et des Affaires sociales. Le Roi estimait tellement sa personnalité et sa culture, qu'il fut l'un des rares ministres qui le saluait sans lui baiser la main ! Les syndicats respectaient en lui le négociateur habile, le diplomate courtois et l'homme posé du dialogue. Aucun conflit n'a été enregistré pendant son mandat. Qui se souvient que Mohamed Larbi Khattabi faisait partie de la délégation qui négocia, après la Marche verte, l'accord de Madrid fin 1975 ? Le 27 mars 1979, on le rappelle pour le nommer ministre de l'Information. Il ne changea rien à ses habitudes, ses marches à pied, ses séances au café Balima, les bouquinistes et libraires qu'il continue de fréquenter avec assiduité. Durant les années de plomb, il libéra la radio et la télévision qui connurent un souffle de liberté, surnommé alors «le printemps de Khattabi», avec des émissions osées, notamment «Samar» animée par Tahar Belarbi, alias Vietnam ! Après l'Information, l'académicien se consacre à la recherche et à l'écriture avant qu'on lui confie la bibliothèque royale. Les chercheurs se rappellent du conservateur ne quittant pas son bureau, tout le temps en train de lire et d'écrire. Ainsi, est Mohamed Larbi Khattabi, un grand commis de l'Etat intègre, propre, fidèle à ses convictions et nationaliste convaincu. N'a-t-il pas refusé, au début des années soixante, d'associer le nom de la famille Khattabi au projet de la création d'un parti pro-makhzen malgré les offres matérielles alléchantes qu'on lui proposa ? On est loin du mercenariat courtisan, de l'arrivisme politique, du charlatanisme culturel et de la ruée vers l'or de nos jours ! ■ L'écrivain encyclopédique Journaliste fondateur, Mohamed Larbi Khattabi publiait chroniques, nouvelles et articles dans la presse nationale et arabe (Al Alam, Al Manahil, Addaouha, Achark al Awsat…). Auteur d'une grande compétence intellectuelle et chercheur polyglotte, il authentifia et présenta, en bénédictin, divers ouvrages du patrimoine arabe sur les sujets pointus de l'alimentation, les plantes et la médecine. Sa bibliographie conte une série de livres, à l'instar de L'encyclopédie de l'héritage culturel arabe, La médecine et les médecins en Andalousie islamique, Politique et sagesse, Le Maroc sur le chemin de l'indépendance, ainsi que d'autres opus sur les valeurs et le dialogue des cultures.