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Le boss et sa caricature, le téléphone portable entre archaïsme et modernité
Publié dans La Gazette du Maroc le 24 - 04 - 2009

Vous avez le numéro de portable d'un haut responsable, vous êtes alors un sacré veinard qui pouvez lui toucher un mot à tout moment et en tout lieu sans passer par le standard réservé au commun des mortels. La réalité en fait n'est pas si simple, l'appel n'ayant de chance d'aboutir qu'exceptionnellement. Pourquoi ? C'est qu'au-delà des contraintes liées à l'emploi du temps, il y a d'autres raisons plus profondes. Aux mains du prince et de la bergère, le téléphone portable a quasiment conquis tous les niveaux de l'échelle sociale. Mais le rapport à ce joujou n'est pas le même selon la position sociale. Comment le chef vit la modernité -des rapports sociaux et particulièrement d'autorité- avec l'intrusion d'un tel appareil ? L'intérêt d'un tel propos est intéressant à plus d'un titre. Vecteur de modernité, le téléphone portable entame le mystère entourant le chef en le rendant théoriquement accessible sans le détour obligé par les intermédiaires. Il est, dans ce sens, porteur d'un changement virtuel considérable dans les rapports de pouvoir. De fait, l'appareil est une des expressions fortes de l'individualisme. Produit et agent, du même coup, de la désagrégation des structures de sociabilité, il laisse l'individu à nu, livré à lui-même, en proie à l'interpellation par quiconque. Le chef, dans une telle situation, se voit retirer son voile. Ce qui fondait sa force, la distance de mise entre lui et les administrés grâce à la nuée de serviteurs qui en faisaient un être à part, difficilement accessible, a été battue en brèche par la magie de ce minuscule appareil. Le prince, le maître suprême quant à lui, s'en accommode du fait de sa puissance et de son statut de chef indiscuté, source de tout commandement.
Le téléphone portable pose un sérieux problème, par contre, pour le chef subalterne de quelque niveau qu'il soit. Le portable accentue l'empire de son supérieur sur lui en le privant des motifs de se soustraire à ses injonctions. Et surtout il le met à portée de tiers qu'il tenait à l'écart jusque-là. La horde de chaouchs et de secrétaires qui lui servait de paravent, n'est plus d'un grand secours. Il est sans cesse mis à l'épreuve, tiré de sa retraite et dépouillé du halo d'autorité qui constituait l'essentiel de son statut. Il doit désormais faire face en personne à ses adversaires, comme au commun des mortels. Accessible, il se doit de faire la preuve à chaque appel renouvelé, de son mérite, de son entregent et de sa capacité à mériter une place de leader.
Il opte alors, la plupart du temps, pour la solution la plus simple, ne pas répondre sans y être contraint par la force des choses. Autrement dit, il remet en place le voile dont le portable est censé le déposséder. La proximité tant vantée au citoyen grâce à l'accessibilité supposée du responsable est remise dès lors en question. L'exemple du chef invisible symbole accompli de l'autorité, celui dont il désire amoureusement la proximité, celui dont la numérotation téléphonique relève de chiffres magiques, le fascine. Il rêve de ce téléphone personnel et intime qui ne le mettrait en contact exclusivement qu'avec le supérieur. Vis-à-vis des subalternes et des autres, il cherche à préserver son prestige en signifiant par son silence que son temps est précieux pour être mis, sans autre forme de procès, à la disposition du premier venu. Autrement dit, il se décrète chef supérieur relevant des hautes sphères et boude dès lors légitimement ses interlocuteurs qui se retrouvent déclassés par son refus de voir leur sollicitation écoutée.
Il mime le chef, le grand, celui dont la caractéristique est d'être livré à lui-même et de n'avoir personne au-dessus de lui auquel rendre compte. Celui qui appelle et n'attend pas qu'on l'appelle, celui que n'effraie pas la sonnerie, qui démet et qu'on ne démet pas, qui sermonne et qu'on ne sermonne pas. Sa réponse à lui n'est pas un signe de faiblesse mais de bénédiction. C'est le requérant qui frémit de joie à l'écoute de sa voix, qui se retrouve liquéfié et féminisé par cette distinction. Distinction d'autant plus extraordinaire qu'elle est imprévisible, car le maître répond, appelle ou rappelle quand ça lui plaît. Il n'a pas à remplir de bulletin d'absence, à raconter pitoyablement, pour n'avoir pas répondu, qu'il était en réunion ou submergé par l'ouvrage. Il ne recourt pas à la mise en scène grotesque d'une puissance imaginaire. La puissance, il l'a entre les mains. C'est son humeur qui dicte sa réponse ou son silence, et l'humeur en question est constitutive de sa vocation. Le chef suprême est ainsi, il est à proprement parler imprévisible, c'est sa définition. On prend dès lors conscience combien le rapport à ce joujou minuscule, loin d'être un pur rapport à la technique, est un rapport de pouvoir, combien la technologie en progrès constant nous laisse confrontés à des dilemmes que nous nous devons de gérer. Derrière l'apparente liberté que le mobile octroie, il nous ramène à des postures archaïques. Par son silence et sa propension à ne pas donner suite aux appels, le chef reconstitue le voile dont la modernité a tendance à le priver. Il se mure dans le silence qui lui procure une sensation de hauteur et de pouvoir. La tendance de l'autorité à se voiler et à puiser sa force dans le mystère tient bon malgré les assauts de la démocratie et de sa technologie. ■


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