Mme Fettah: la fiabilité des statistiques est essentielle pour les décideurs publics et privés    Transport maritime: Balearia lance une nouvelle ligne Tarifa–Tanger Ville à partir du 8 mai    Le HCP lance une nouvelle enquête sur la Famille    Casablanca accueille la 2e édition du Future of Work Forum Africa    Les prévisions du mardi 6 mai    Espagne-Maroc : Les relations bilatérales sont excellentes (Albares)    Maroc-Mauritanie. Le ministre délégué chargé de la Décentralisation et du Développement local reçu par Laftit    Togo. Les municipales en juillet    Industrie : La production et les ventes en trend haussier    Collectivités territoriales. Vers la fin de la dépendance financière ?    IA. Le Kenya se met dans le bain    Sekkouri : La feuille de route de l'emploi est axée sur l'offre et la demande    Après le deuil, les cardinaux du monde au Vatican pour élire un nouveau pape    Gabon. Le gouvernement de la Ve République est installé    Prix Marc Vivien-Foé. Achraf Hakimi parmi les finalistes    CAN U20 Egypte 25/ Groupe A : le programme d'aujourd'hui    CDM Beach Soccer 25 : Le Sénégal quart-de-finaliste, la Mauritanie et les Seychelles out !    Audit des subventions du bétail : Au Parlement, un bras de fer silencieux entre majorité et opposition !    Lutte contre la corruption : suspension du khalifa d'un Caïd à Casablanca    Kénitra : Asphyxie collective dans une usine de câblage    Youssef a détruit lui-même ses reins : Il a négligé ce tambour sourd qui cognait dans sa tête    Akdital réalise une prostatectomie radicale robot-assistée à distance    Festival Gnaoua et Musiques du Monde: La 26e édition mettra le feu aux âmes et aux rythmes !    Le film marocain Everybody Loves Touda fait escale en Arabie saoudite    « Clap Ivoire ». La passion du cinéma africain à Abidjan    Kelâat M'Gouna : Fatima Zahra El Barmaki couronnée "Miss Rose 2025"    FIBAD 2025 : Faites de la BD !    La Princesse Lalla Hasnaa visite à Bakou le Centre International du Mugham    Mawazine 2025 : Le rappeur américain 50 Cent rejoint le casting de la 20e édition    Un virus de la rougeole isolé à Rabat révèle une parenté étroite avec une souche américaine, selon des chercheurs marocains    Plus d'une demi-tonne de cocaïne dissimulée dans une cargaison de charbon à Tanger-Med    SAR la Princesse Lalla Hasnaa rencontre à Bakou S.E. Mme Mehriban Aliyeva, Première Dame de la République d'Azerbaïdjan et Présidente de la Fondation Heydar Aliyev    Quand la Tunisie renie le soutien du Maroc et s'aligne sur l'agenda algérien : une dérive morale ?    Real Madrid : Carlo Ancelotti se rapproche d'un départ pour le Brésil    Visite de Zhou Enlai au Maroc en 1963 : une étape marquante dans les relations maroco-chinoises    La frégate « Mohammed VI » participe à d'importants exercices navals aux côtés du porte-avions français Charles de Gaulle    ASEAN : Renforcer la coopération face aux tensions commerciales    Domaine spatial : les EAU et l'Egypte signent un accord de coopération    Droits de douane : l'UE suggère une offre de 50 milliards d'euros à Washington (FT)    Rabat : M. Laftit reçoit le ministre délégué mauritanien chargé de la Décentralisation et du Développement local    SAR la Princesse Lalla Hasnaa visite à Bakou l'Allée d'Honneur et l'Allée des martyrs    Le Maroc réaffirme son rôle sanitaire régional auprès de l'OMS lors d'un entretien bilatéral    Premier League : Trent Alexander-Arnold annonce son départ de Liverpool    Foot : l'équipe nationale féminine U16 participe au tournoi de développement de l'UEFA en Croatie    France : Arrestation après des menaces contre la mosquée de Sucy-en-Brie    Pays-Bas : Une pièce de théâtre rend hommage aux soldats marocains de la Seconde guerre mondiale    Maroc-Espagne: Albares salue l'excellente dynamique des relations bilatérales    Newcastle et Aston Villa sur les traces de Bilal El Khannous    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le pain et le cirque Se tromper à mourir
Publié dans La Gazette du Maroc le 29 - 05 - 2009

Qui aller voir, Stati ou Stevie Wonder ? Que faire s'ils sont programmés en même temps ? Y a-t-il alors deux goûts distincts à satisfaire ? Et lequel d'entre eux devrais-je sacrifier ? Un sacré dilemme, plus complexe qu'il ne paraît à première vue, et qui déborde largement de la musique sur le politique. Oui, Stevie Wonder est le must de la modernité, c'est indiscutable, il vient d'être convié à la Maison Blanche ! C'est donc un symbole du bon goût. Mais prendre les choses ainsi serait une perception simpliste de la modernité, jusqu'aux touristes qui n'y verraient même pas un brin de carte postale. Le symbole est en effet marqué du sceau d'un univers musical à part pour qu'il puisse symboliser d'autres gloires que la sienne. Et Stati alors ?
Lui mérite une petite leçon de choses. Dans le cadre d'un ensemble résidentiel disposant d'un espace culturel, j'ai organisé avec bonheur, des années durant, des rencontres avec des écrivains, des hommes politiques, des musiciens et autres artistes. J'étais timide dans mon approche de la culture marocaine et très impressionné par le goût des gens des villes impériales. Pour une communauté regroupant intellectuels, professeurs, médecins et architectes, la musique andalouse, même si elle ne m'enflammait pas, m'avait semblé alors le genre indiqué pour ouvrir le bal, cela allait de soi pour une élite du savoir. Il ne m'est resté qu'un pâle souvenir de ces soirées de gâteaux et de thé où les présents écoutaient bourgeoisement avant de regagner très tôt leur domicile. Un jour, le hasard m'offrit l'opportunité d'inviter Hâjja Lhamounia et sa troupe. Ce fut une soirée extraordinaire qui se termina très tard dans la nuit et ce fut pour moi une révélation. J'y pris conscience de la force d'un patrimoine, de l'adhésion qui se forgeait autour de lui. Je ne voyais autour de moi ni citadins ni ruraux, mais des hommes et des femmes entraînés par un rythme, envoûtés par un chant. Ce fut un tourbillon de bonheur, une unité scellée dans les faits et qu'aucun discours ou analyse ne m'avaient auparavant révélés. Je notai combien l'identité marocaine « moderne » était encore en formation, combien la tradition marocaine rurale, imprégnait avec force les esprits qui en semblaient les plus lointains. Le fellah ne pesait pas lourd qu'en politique, ses complaintes hantaient toujours les demeures bourgeoises des villes !
Depuis, ma lecture du Maroc moderne est traversée par des évocations telles que celle-ci. Je ne manquai pas d'y penser quand s'imposa à moi le choix entre Stevie Wonder et Stati. Je ne parle pas, il va de soi, de ma petite personne mais des larges franges de la population, de celles qui sont culturellement et politiquement significatives. On ne construit pas une modernité avec des images empruntées et factices, où nous sommes nous-mêmes au degré zéro de la conception, mais en prenant en main le champ culturel et en le modernisant dans un même élan que la population elle-même. Sinon on fait du spectacle, un point c'est tout. L'observateur étranger, auquel on veut prétendument complaire avec l'image d'un Maroc moderne, en important des artistes et un matériel flambant neufs à des prix astronomiques, oubliera Stevie Wonder et ne gardera en mémoire que l'immense public de Stati. C'est si facile d'acheter des images, on n'a même pas besoin de direction artistique pour ça, mais il est très difficile, par contre, de revoir et de refondre de façon critique le champ artistique local. Toutes choses égales par ailleurs, cela me rappelle le cas du régime algérien qui, pour mettre en place les bases de son développement, acheta des usines clés en mains, puis d'autres marchés en mains, dans le cadre de ce qu'on appelait pompeusement à l'époque les industries industrialisantes. Il avait oublié entre temps les petites industries locales, le secteur de transformation et plus grave encore l'agriculture. C'est-à-dire tout ce dont les locaux pouvaient s'occuper eux-mêmes et devenir ainsi de véritables managers. L'échec, on le sait, fut sans appel, au lieu de produire du développement on produisit de l'islamisme ! Qu'on se garde donc de voir dans les grandes scènes imposantes, belles et sophistiquées, malgré les monuments de la musique mondiale qu'elles accueillent et dont je chéris bon nombre personnellement, des pôles « culturants » si je peux me permettre l'expression. Ce sont les couches de la population pauvres et moyennes, celles démunies culturellement et aspirant au savoir, qui doivent faire l'objet de notre action culturelle. Elles sont le terreau où tous les maux peuvent prendre racine si l'on n'en prend pas grand soin. Il est temps de songer à les former au lieu de se contenter de les amuser et de les réduire, elles et les artistes populaires, aux rôles de comparses. C'est pour cela qu'il nous faut tous réfléchir sur la pertinence des manifestations culturelles et sur le sens à leur donner.
Tant que nous n'aurons pas revisité notre tradition musicale et artistique, pour y puiser une expression spécifique commune à la majorité d'entre nous, nous n'aurons pas préparé le terrain fertile pour la création. Même si nous sommes en droit de butiner ailleurs pour notre plus grand bien, aucun détour ne nous épargnera cette nécessité vitale. Il convient plus que jamais de se méfier des choix stériles et dénués de réalisme inspirés par les salons mondains. Il ne faut se tromper ni de domaine, ni de priorité ni de population cible. Sans cette lucidité c'est une stagnation culturelle sans fin qui nous guette et présage une mort à venir. ■


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.