Le Maroc élu au Conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale    Entre colère et répression : la Génération Z marocaine face à l'Etat    Bourita préside à New York des consultations avec les pays du Sahel pour activer l'initiative royale vers l'Atlantique    Réception diplomatique à Rabat pour accueillir l'ambassadrice Yu Jinsong et mettre en lumière le partenariat sino-marocain    La « Génération Z » algérienne menace de ramener la rue au-devant de la scène... Le régime militaire en état d'alerte    La nouvelle ambassadrice de Chine à Rabat : Avec le Maroc, nous croyons au soutien mutuel dans les causes vitales des deux pays    Sahara : À l'ONU, Hilale répond aux « inexactitudes » proférées par le ministre algérien    IDE : Le flux net progresse de 47,6% à fin août    Marsa Maroc : Le RNPG grimpe de 23,4% au premier semestre    La Guinée équatoriale mise sur l'humain pour transformer son avenir    S&P relève la note souveraine du Maroc    La majorité gouvernementale attentive aux revendications des jeunes    L'Inspecteur Général des FAR s'entretient avec le Chef d'Etat-Major de la Défense du Ghana    Madagascar. Une crise qui coûte un gouvernement    Donald Trump. Une proposition de paix difficile à refuser    Info en images. Le Prince Héritier Moulay El Hassan préside l'ouverture du Salon du cheval à El Jadida    Padel : CUPRA Maroc et la FRMT s'associent pour trois ans    Espagne: Plus de 11 tonnes de hachich saisies, grâce à la collaboration avec le Maroc    Gaza : Les illusions perdues de "La Riviera" !    Le Maroc reçoit une part accrue des exportations françaises de blé alors que la Russie voit ses ventes reculer    Le Mali accuse l'Algérie de multiplier «les ingérences intempestives et inacceptables dans ses affaires intérieures» et de «parrainer le terrorisme international au Sahel»    Cegelec : l'expertise marocaine en transport d'énergie s'exporte dans les pays du Golfe    Le substitut du procureur général du roi annonce l'arrestation de vingt-quatre personnes pour obstruction à la circulation sur l'autoroute urbaine de Casablanca    La police arrête à Marrakech un Français recherché par la justice de son pays pour trafic international    Jazz à Rabat : une 27e édition couronnée de succès    FIFA / Qualifs CDM 26 : L'Afrique du Sud sanctionnée, le Bénin prend la tête du groupe    Mondial U20 / Lundi : Mauvais départ pour l'Afrique, la France et les Etats-Unis réussissent leur entrée    Mondial U20 : un trio arbitral marocain pour Chili – Japon (minuit)    Les indemnités de stage des étudiants en médecine au menu du Conseil de gouvernement    Economie: Fitch confirme la note BB+ du Maroc assortie d'une perspective stable    Ryad Mezzour : "Les Marocains doivent avoir un commerce digne de leurs ambitions"    Uwe Dalichow : "L'accès aux traitements est au cœur de notre mission chez Bayer"    Le ministre de la Santé convoqué au Parlement après les manifestations GenZ    Football d'entreprises : les 4 représentants marocains pour le Mondial sont connus    Las obligaciones marroquíes suben tras la calificación de S&P Global Ratings    Morocco's sovereign bonds rise with S&P upgrade    Clés pour une boîte à lunch équilibrée au Maroc selon Sifeddine Rafik    Manifestations Gen Z 212 : Un expert sécuritaire défend l'intervention des forces de l'ordre    Un spectacle de drones illumine le site archéologique du Chellah à Rabat    Le Maroc et la Jordanie engagent un projet de jumelage entre la ville de Salt, capitale du gouvernorat de Balqa, et les cités impériales de Fès et Meknès    Salon du Cheval d'El Jadida : Une célébration renouvelée du patrimoine équestre national    Tanger : Arrestation du frère du baron de la drogue El Ballouti    Ma plume saigne pour Gaza!    Maroc – Bahreïn : 30.000 billets déjà vendus pour le match amical à Rabat    Rencontres de la Photographie : Dakhla au cœur de la commémoration de la Marche Verte 2025    Saïd Jedidi, la voix espagnole de la télévision marocaine, tire sa révérence    MAGAZINE : Jimi Hendrix, d'ange heureux    Sidi Bennour: L'INSAP annonce d'importantes découvertes archéologiques sur le site d'Al-Gharbiya    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ci-gît pierres tombales et spécificité culturelle
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 07 - 2009

Est-il vrai qu'au cimetière musulman de Rabat existent des épitaphes en langue française : «Ci-Gît untel» ? Je suis un inconditionnel de la libre expression dans son contenu comme dans ses modalités et plus que jamais du pluralisme culturel, je ne me préoccupe donc pas ici de reformuler des interdits mais de comprendre ma société, ses aspirations et ses ouvertures, tout particulièrement celles se rapportant à l'article de la mort. L'occasion est belle alors de m'interroger là-dessus. Et d'abord de me rappeler moi-même à l'ordre. J'ai pensé la négation de Dieu en français dans la langue de Diderot et de Voltaire. Mais j'ai toujours célébré sa présence en arabe, c'est-à-dire dans l'idiome où je l'ai découvert. Dans la basmala, l'invocation du Tout-Puissant et clé de sésame de nos festins et de nos contrats, comme de tout ce qui se rapporte au cérémonial de nos fêtes ou à la manifestation du deuil, Dieu reprend ses privilèges du fait que nous nous retrouvons le plus naturellement du monde acculés à parler le langage commun en recourant aux formules d'usage, celui d'une culture partagée et reconnue. La langue arabe y est maîtresse sans partage, ce sont là des espaces que même l'amazighité ne remet pas en question. Du moins pas encore. C'est pour toutes ces raisons que l'intrusion d'une langue autre détonne dans ces rituels propres au sacré. La longue durée finit toujours par avoir raison ici de tous les particularismes et elle en viendra à bout encore longtemps à chaque fois qu'une société gagne en cohérence et en unité. Les récitants du Coran, guerriers cultuels sans arrêt en branle bas de combat, demeurent incontournables dans les circonstances de la mort. Veilleurs et limiers à la fois, ils rappellent tout haut l'idiome dominant qui se veut à l'occasion des deuils le passeport unique pour l'au-delà. Quelles que soient nos convictions, notre rapport au divin, notre ferveur religieuse ou son absence, nous nous plions aux rites en vigueur sur lesquels nous ne sommes pas encore au point de nous interroger. Dans le froid de la mort, à l'heure de l'extrême onction, la peur ancestrale s'installe et nous impose de marmonner serait-ce du bout des lèvres, la chahada, notre profession de foi. Le Coran psalmodié viendra combler pour les êtres qui nous sont chers notre absence. Quelle que fut alors notre langue de travail ou de communication, l'arabe prend le relais comme s'il effaçait ce qui fut notre trajectoire personnelle. Il n'y a pas lieu de conclure autrement notre vie de francophone ou d'anglophone assidu. La frontière est bien aux mains de passeurs exclusivement arabophones.
Personnellement j'ai encore profondément incrusté dans ma mémoire, l'image du cimetière de mon village d'il y a quelques décennies. Un paysage conforme à une société et à ses croyances. Ni marbre ni autre forme d'ostentation par la pierre, non plus d'épitaphes. Des tombes anonymes dont ne connaissent les hôtes que les proches des défunts et sur lesquels veille de son sanctuaire un saint vénéré de la région. De la poussière, rien que de la poussière et pas dans le figuré. L'expression du néant auquel se retrouve livré l'homme gagnât l'au-delà. Ainsi, avant même celui-ci, la démonstration est faite ici de la parfaite égalité des hommes après leur mort. La peur de celle-ci, du fait de sa présence outrageante, incitait à serrer les rangs autour du sacré. La fréquence de la mort qui fauchait prématurément une partie de la famille et menaçait les autres en raison de la précarité de la subsistance, faisait du cimetière un lieu essentiel de la vie sociale de la communauté. Aucune extravagance, qui n'avait d'ailleurs pas de raison d'être, n'était permise. L'individualisme était synonyme de mort sociale pour toute personne qui l'affichait déjà de son vivant. Aujourd'hui, nos villes ont grandi, l'évolution du taux de mortalité et de l'espérance de vie leur font tourner le dos à la mort. Le cimetière devient un espace lointain auquel la réalité ne nous rappelle pas souvent. Les différences criantes dans le vécu quotidien y sont de plus en plus présentes dans la gestion de cet espace des morts comme dans l'aménagement des tombes. Alors cette diversité physique et spatiale qu'imposent les hiérarchies sociales et les rapports de pouvoir va-t-elle se doubler d'expressions différentes dans le rapport à la mort. Les modes du parler de notre vécu risquent-ils de remettre en cause l'unité «culturelle et linguistique» qui est le propre de notre passage de vie à trépas ?
Je me pose ces questions en francophone convaincu. Jusqu'où va ma francophonie (ou anglophonie) ?
Jusqu'où est-elle appelée à aller ?
Je reste en tout cas attaché à des aspects fondamentaux de ma culture qui me semblent être le propre de ma langue maternelle. Il en est ainsi de mon intimité culturelle, de ce que j'ai en partage avec mes concitoyens et mes coreligionnaires, de ce qui fait que je suis marocain. Relèvent de cette rubrique mes émotions, et notamment ces sentiments propres aux deuils et que seule ma langue est en mesure de porter. Sinon les différences entre cultures disparaîtraient. Sinon, pour moi qui suis allé déjà très loin dans le partage et l'ouverture, la rupture avec ma mère, avec mon père, avec ma terre serait totale. ■


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.