Myrtilles : le Maroc s'impose dans le top 4 mondial des exportateurs    "Voix de Femmes", Tétouan célèbre les talents féminins    Guelmim-Oued Noun: 358 nouvelles entreprises créées jusqu'à fin mai    Du citoyen abstentionniste au citoyen juge : la mutation silencieuse de la démocratie marocaine    Liban : Le Hezbollah procède à la sécurisation de ses fiefs    Etats-Unis : La Garde nationale chargée de "nettoyer" Washington    Boualem Sansal dénonce depuis sa cellule la machine répressive du régime algérien à travers une lettre ouverte    CHAN 2024: Le Soudan s'impose face au Nigéria    FUS: Nomination de Manuel Pires au poste de Directeur de la Formation    Le président pakistanais Zardari et l'ambassadeur marocain Mohamed Karmoune mettent en avant le potentiel économique entre le Pakistan et le Maroc    La Bourse de Casablanca termine en légère hausse    Maladies chroniques : la tutelle dément la pénurie de 600 médicaments    CHAN 2024 / Sénégal–Congo : Un nul logique    Alerte météo: Chergui et jusqu'à 47°C entre mercredi et samedi    Gaza : La quasi-totalité de la bande évacuée de ses habitants ou devenue inhabitable    Maroc : Une vague judiciaire sans précédent ébranle les réseaux de corruption    Emplois fictifs et favoritisme : Les magistrats financiers traquent les fonctionnaires fantômes    Le fonds souverain norvégien se désengage de plusieurs entreprises israéliennes en raison du conflit à Gaza    L'AS Roma ravive son intérêt pour Abde Ezzalzouli et se penche sérieusement sur le dossier    Wydad : aucune entente trouvée avec Yahia Attiyat Allah pour un retour    Droits de douane: Trump prolonge de 90 jours la trêve commerciale avec la Chine    Santé : Le long chemin vers l'équité territoriale    Indonésie : un séisme de magnitude 6,3 frappe la Papouasie    Compensation: les émissions de dépenses baissent de 19,2% à fin juillet    «Le Maroc a répondu promptement à notre demande en fournissant deux avions Canadair pour lutter contre les feux ruraux», se réjouissent les autorités portugaises    L'armée algérienne tue quatre chercheurs d'or mauritaniens    Foresight Africa: 2025–2030, la décennie décisive pour le continent    Partenariat digital renforcé entre l'ADD et le Dubaï World Trade Center    Inclusion économique : Attawfiq Microfinance et le Secrétariat d'état chargé de l'Artisanat et de l'Economie Sociale et Solidaire s'allient    CHAN 2024 / Officiel: le Kenya sanctionné après les débordements du Kenya-Maroc    Ballon d'or 2025 : Achraf Hakimi et Yassine Bounou en tête du vote du public    El Jadida : Le 16e Salon du cheval accueille le Title Show des chevaux pur-sang arabes    Valise diplomatique : L'Algérie fragilise un principe intangible des relations internationales    La marine indienne conclut la visite de l'INS Tamal à Casablanca par un exercice conjoint    Sahara marocain : Scénarii pour le dénouement du conflit [INTEGRAL]    La BNPJ présente Ibtissame Lachgar devant le parquet du tribunal de première instance    RN 27 : la route entre Sidi Kacem et Bab Tissra temporairement coupée    Una ruta marítima Cádiz - Agadir para dinamizar el comercio entre Marruecos y Europa    Tánger: Dos franceses condenados por intentar apropiarse de la Villa Joséphine    Royal Moroccan Navy intercepts migrant boat heading to Ceuta    Rencontre Trump-Poutine en Alaska : vers un cessez-le-feu rapide en Ukraine ?    Le Maroc accueillera le tournage du nouveau film bollywoodien «Captain India»    Le Maroc invité d'honneur du 21e Salon international du livre de Panama    Belgica Biladi : Après Bruxelles, l'exposition itinérante fait escale au Maroc    Journées portes ouvertes SNRT : Chaîne Inter partage son expérience avec les jeunes MRE    Le Festival Voix de Femmes revient à Tétouan pour sa 13e édition    L'été dans le Nord. Maroc Telecom électrise les plages    Le Maroc honore de sa présence le salon international du livre de Panama du 11 au 17 août    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ci-gît pierres tombales et spécificité culturelle
Publié dans La Gazette du Maroc le 17 - 07 - 2009

Est-il vrai qu'au cimetière musulman de Rabat existent des épitaphes en langue française : «Ci-Gît untel» ? Je suis un inconditionnel de la libre expression dans son contenu comme dans ses modalités et plus que jamais du pluralisme culturel, je ne me préoccupe donc pas ici de reformuler des interdits mais de comprendre ma société, ses aspirations et ses ouvertures, tout particulièrement celles se rapportant à l'article de la mort. L'occasion est belle alors de m'interroger là-dessus. Et d'abord de me rappeler moi-même à l'ordre. J'ai pensé la négation de Dieu en français dans la langue de Diderot et de Voltaire. Mais j'ai toujours célébré sa présence en arabe, c'est-à-dire dans l'idiome où je l'ai découvert. Dans la basmala, l'invocation du Tout-Puissant et clé de sésame de nos festins et de nos contrats, comme de tout ce qui se rapporte au cérémonial de nos fêtes ou à la manifestation du deuil, Dieu reprend ses privilèges du fait que nous nous retrouvons le plus naturellement du monde acculés à parler le langage commun en recourant aux formules d'usage, celui d'une culture partagée et reconnue. La langue arabe y est maîtresse sans partage, ce sont là des espaces que même l'amazighité ne remet pas en question. Du moins pas encore. C'est pour toutes ces raisons que l'intrusion d'une langue autre détonne dans ces rituels propres au sacré. La longue durée finit toujours par avoir raison ici de tous les particularismes et elle en viendra à bout encore longtemps à chaque fois qu'une société gagne en cohérence et en unité. Les récitants du Coran, guerriers cultuels sans arrêt en branle bas de combat, demeurent incontournables dans les circonstances de la mort. Veilleurs et limiers à la fois, ils rappellent tout haut l'idiome dominant qui se veut à l'occasion des deuils le passeport unique pour l'au-delà. Quelles que soient nos convictions, notre rapport au divin, notre ferveur religieuse ou son absence, nous nous plions aux rites en vigueur sur lesquels nous ne sommes pas encore au point de nous interroger. Dans le froid de la mort, à l'heure de l'extrême onction, la peur ancestrale s'installe et nous impose de marmonner serait-ce du bout des lèvres, la chahada, notre profession de foi. Le Coran psalmodié viendra combler pour les êtres qui nous sont chers notre absence. Quelle que fut alors notre langue de travail ou de communication, l'arabe prend le relais comme s'il effaçait ce qui fut notre trajectoire personnelle. Il n'y a pas lieu de conclure autrement notre vie de francophone ou d'anglophone assidu. La frontière est bien aux mains de passeurs exclusivement arabophones.
Personnellement j'ai encore profondément incrusté dans ma mémoire, l'image du cimetière de mon village d'il y a quelques décennies. Un paysage conforme à une société et à ses croyances. Ni marbre ni autre forme d'ostentation par la pierre, non plus d'épitaphes. Des tombes anonymes dont ne connaissent les hôtes que les proches des défunts et sur lesquels veille de son sanctuaire un saint vénéré de la région. De la poussière, rien que de la poussière et pas dans le figuré. L'expression du néant auquel se retrouve livré l'homme gagnât l'au-delà. Ainsi, avant même celui-ci, la démonstration est faite ici de la parfaite égalité des hommes après leur mort. La peur de celle-ci, du fait de sa présence outrageante, incitait à serrer les rangs autour du sacré. La fréquence de la mort qui fauchait prématurément une partie de la famille et menaçait les autres en raison de la précarité de la subsistance, faisait du cimetière un lieu essentiel de la vie sociale de la communauté. Aucune extravagance, qui n'avait d'ailleurs pas de raison d'être, n'était permise. L'individualisme était synonyme de mort sociale pour toute personne qui l'affichait déjà de son vivant. Aujourd'hui, nos villes ont grandi, l'évolution du taux de mortalité et de l'espérance de vie leur font tourner le dos à la mort. Le cimetière devient un espace lointain auquel la réalité ne nous rappelle pas souvent. Les différences criantes dans le vécu quotidien y sont de plus en plus présentes dans la gestion de cet espace des morts comme dans l'aménagement des tombes. Alors cette diversité physique et spatiale qu'imposent les hiérarchies sociales et les rapports de pouvoir va-t-elle se doubler d'expressions différentes dans le rapport à la mort. Les modes du parler de notre vécu risquent-ils de remettre en cause l'unité «culturelle et linguistique» qui est le propre de notre passage de vie à trépas ?
Je me pose ces questions en francophone convaincu. Jusqu'où va ma francophonie (ou anglophonie) ?
Jusqu'où est-elle appelée à aller ?
Je reste en tout cas attaché à des aspects fondamentaux de ma culture qui me semblent être le propre de ma langue maternelle. Il en est ainsi de mon intimité culturelle, de ce que j'ai en partage avec mes concitoyens et mes coreligionnaires, de ce qui fait que je suis marocain. Relèvent de cette rubrique mes émotions, et notamment ces sentiments propres aux deuils et que seule ma langue est en mesure de porter. Sinon les différences entre cultures disparaîtraient. Sinon, pour moi qui suis allé déjà très loin dans le partage et l'ouverture, la rupture avec ma mère, avec mon père, avec ma terre serait totale. ■


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.