Tarek Yahya, Mohamed Khalidi Ce sont les faits, cette semaine, qui ont brillé par leur mésintelligence. Plus de verbes. Plus de mots insensés et esprit à la va-vite. Les faits, rien que les faits. Tous les faits, pour connaître les hommes. Certains parmi eux, à tout le moins qui croient agir, mais sont souvent entraînés par impatience, démesure ou cette sensation de pouvoir accomplir l'inimaginable. Tarek Yahya, le président de la municipalité de Nador en est un. Il est possible qu'il soit l'homme capable de parfaire les pertes à… la lettre. Son esprit provocateur lui fait faire des actes qui vont au-delà de l'entendement. “L'affaire, rapporte “Libération” du mardi 6 mai, remonte à mardi dernier quand des formulaires et documents administratifs, notamment consacrés à l'état civil, ont circulé avec des inscriptions en Tifinagh au sein des services de la ville”. La démarche, selon le quotidien casablancais, ne concerne pas que les formulaires, mais touche aussi les panneaux de signalisation, les stops, indicateurs des lieux et l'ensemble des plaques installées sur les lieux publics. La belle affaire quand on est à quelques encablures des élections communales ! En fait, Tarek Yahya n'est pas un novice en la matière. Il y a quelques mois, le tonitruant et non moins burlesque président avait brillé par ses conférences de presse dédiées à sa mégalomanie extraordinaire. A l'époque, il criait sur tous les toits et devant tous les micros, que les autorités de la province complotent contre lui. Pas du tout modeste, il s'identifie à la population, à la ville et pourquoi pas à la quintessence même de l'identité culturelle des Amazighs. En voulant “introduire la transcription amazighe dans l'affichage”, il s'affiche. Il veut convaincre, et ne trouve pas mieux que l'exagération. Des exagérations, un tantinet ubuesque qu'il veut vraies. Las, pour lui, son “génie” l'abaisse davantage qu'il ne l'élève. Il l'a empêché d'être un simple citoyen qui assume très dignement sa responsabilité à la tête de la commune. Il a donc empiété sur les compétences, qui sont loin d'être les siennes. Celles du ministère de l'Equipement, habilité à modifier les panneaux. Et celles de l'Intérieur, à qui revient la responsabilité des documents administratifs. En jouant la parodie, le célèbre Tarek Yahya n'en a fait qu'à sa tête. Vu les circonstances pré-électorales, on se demande ce qu'il peut avoir dedans. Des voix ? Ce serait donc une urne. La question, logique somme toute, est de savoir celle qu'il faut mettre la première ? Le président, lui, s'en moque éperdument. Tant il est vrai que le seigneur de la ville a toujours des idées géniales. Dans la tête comme dans l'urne. Et quand ça marche à plein régime, ça finit toujours dans les panneaux ! “Et de la bêtise, je n'aurais le droit de dire que ceci : qu'elle me fascine”. Pauvre Roland Barthes ! Fascination. Voilà le mot. Le meilleur pour décrire ce que Mohamed Khalidi ressent à l'égard de Hassan Kettani. De la source même de cette fascination, surgit une immense amertume qui joue des tours à Khalidi. L'histoire des faits : Hassan Kettani est un prêcheur “enflammé”.[Il ne faut pas prendre le qualificatif à la lettre !]. C'est celui-là même qui, lors de ses prêches, dit tout le mal qu'il pense de la foi de ses coreligionnaires et citoyens marocains. Un exemple parmi d'autres : “nous avons, déclare-t-il à Assahifa, laissé de côté les trois quarts de l'Islam”. La confession ne se chiffre pas, dites-vous, vous avez donc tort. Sur toute la ligne de notre conduite. Le prêcheur ne nous le pardonnera pas. Mais, ce n'est pas là le nœud de l'histoire. Hassan Kettani avait défrayé la chronique. Il a fini en taule. La justice fait son bonhomme de chemin, lui, il attend derrière les barreaux de la prison de Salé. Il a droit aux visites, comme tous les prisonniers d'ailleurs. Khalidi, mû par des sentiments qui ne sont que compassionnels, juge opportun d'aller le voir. Il vient d'être élu président d'une nouvelle association, “Vertu et Vigilance”, qui s'assigne pour mission le renouveau de la foi. Là aussi, c'est la belle affaire. Mais, passons : celui qui admire a toujours raison. Là où Khalidi n'a pas raison, c'est quand il se précipite, en compagnie du Dr Khatib, comme sur les plateaux de la télévision. Tout le monde en prend acte. Le pire n'est pas là. Ou pas tout le pire. On ne sait par quelle magie, mais la presse rapporte qu'il “a été empêché de voir Hassan Kettani”. Bien orchestrée, “l'émission” sent la manip. Du coup, la “Vertu” se perd dans l'intérêt. Sa maladresse seule n'est pas ce qui désespère, hélas. Il est censé savoir, le sens même de la Vigilance, que les visites ont leurs modalités qu'il faut respecter. Il en a fait fi. Peut-être même qu'il en a fait une vertu. La bêtise serait-elle aussi fascinante ?