Ahmed Sanoussi Bziz Sur la chaîne qatarie, nous avons eu droit à un Ahmed Sanoussi fort, avec un mordant exceptionnel et un sens de la mesure qui fait honneur au Maroc. Un grand artiste pour un grand combat. Vendredi 11 mars à 21 heures 05, la chaîne qatarie Al Jazeera a diffusé lors de son émission phare "Mourassilou Al Jazeera", un documentaire sur Ahmed Sanoussi Bziz. Présenté par Al Bourini et réalisé au Maroc par Hassan Rachidi, ce document a permis de s'arrêter sur des choses tout à fait exceptionnelles dans ce dossier épineux d'interdiction dont l'artiste satiriste marocain est victime depuis 17 ans au Maroc. Après la BBC et Al Arabiya, voilà donc venu le tour d'Al Jazeera pour remettre les choses dans leur contexte. D'abord il faut s'arrêter devant la présentation d'Al Bourini. Dans ce sens où l'émission a été aussi un plaidoyer pour tous les grands satiristes du monde qui ont été réduits au silence. La formule du “silencieux” utilisée le long de ce reportage marquait l'importance de telles figures et aussi la grande peur qui a poussé certains à vouloir leur couper la langue. Le documentaire était très attendu puisque des semaines durant Al Jazeera avait passé la publicité annonçant un "grand rendez-vous avec un grand artiste". Nous avons choisi un café pour le voir avec le public et tâter le pouls de tous ceux qui n'ont pas vu Ahmed Sanoussi depuis presque deux décennies sur un écran de télévision. Dans un café populaire C'est à Sidi Bernoussi, dans un café où la chaîne du Qatar fait salle comble que plusieurs dizaines de personnes regardaient ce programme. La salle ressemblait aux jours des grandes affiches de la Champion's League. Sans aller plus loin dans la description, disons juste que pour les plus connaisseurs, il y a eu des larmes versées quand on déroulait l'enfance de l'artiste au quartier Qariat Al Jamaâ, les bancs de l'école primaire, les vieux souvenirs d'hier et le grand espoir dans un avenir meilleur. C'est l'image qui a rempli ici son rôle de catalyseur. Et Ahmed Sanoussi a donné sa juste mesure à un documentaire des plus sérieux fait sur un sujet aussi délicat. Sanoussi a donné un sens à l'art populaire "pour éviter les drames du passé " insistant sur " la liberté pour tous". L'artiste a fait honneur à son public. Il a présenté son art et son combat avec une telle aisance, une telle sérénité, une réelle connaissance de son sujet avec toujours cette force tranquille qui va à l'essentiel sans fioritures. Dans le café, quand Sanoussi évoquait son interdiction en lieu et place d'un symbole aussi fort que l'ancien théâtre de Casablanca aujourd'hui tombé dans les oubliettes du changement, la salle faisait écho comme si l'histoire récente de cet héritage reprenait corps devant nous. Il y avait au-delà de la nostalgie une grande complicité entre le public et son artiste, un amour indéfectible et surtout un profond respect. Et c'est là que l'on voit que la résistance a fini par avoir raison de la supercherie. La honte est que ce blocus, cet embargo, ce terrorisme intellectuel et artistique continue d'avoir droit de cité chez nous, malgré le temps, malgré les changements, malgré les slogans. L'avenir nous le dira Pour l'essentiel, ce reportage axait aussi son sujet sur le combat d'Ahmed Sanoussi, sur le soutien dont il fait l'objet dans le monde et surtout sur ce que l'avenir nous réserve. Quand Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement prend la parole et donne son point de vue, il y a cet aveu tacite de l'interdiction qui a assez duré. Les portes sont ouvertes et Sanoussi peut passer sur la Une et la 2, mais il y a toujours ce facteur temps qui fait que rien n'a été fait dans le concret. Sans oublier que le public ne croit plus en ce type de déclarations. Il éxige du palpable sur le terrain de la réalité. Quoi qu'il en soit, ce reportage a aussi mis le doigt sur cette perte de temps pour nous les Marocains, qui avons perdu du coup un artiste de l'acabit de Sanoussi. Il faut dire aussi que les gens dans le café se demandaient "pourquoi la télévision marocaine n'a pas fait un reportage sur Bziz ? Et pourquoi ce sont les autres chaînes qui viennent nous montrer la voie à suivre ?" El Barouni nous dit à la fin de son documentaire que "le seul crime commis par l'artiste a été de rester toujours très proches des douleurs du peuple marocain, des soucis des plus démunis en étant aussi leur porte-parole, en évoquant leurs maux". Est-ce pour cela qu'on ne peut pas jouir de l'art d'un tel homme ? Si c'est le cas nous avons tout faux sur toute la ligne. Selon Rachidi, la seule arme de Sanoussi est son art et son public qui ne l'a pas laissé tomber dans l'oublis. L'important pour le comité d'action pour la levée d'interdiction sur l'artiste Ahmed Sanoussi Bziz, c'est que le satiriste ait la liberté, toute la liberté d'exercer son art.