Le rôle joué par la Marjaïa de Najaf, plus particulièrement d'Ayatollah Ali Sistani, a été sans doute déterminant dans l'appel à la participation aux dernières élections. De ce fait, il doit assumer aujourd'hui une grande responsabilité pour étouffer la fitna qui se profile à l'horizon entre Chiites et Sunnites. Les derniers actes d'épuration confessionnelle qui se sont soldés par des massacres des Sunnites à Al-Amara, et Chiites à Al-Madaen, notamment après la découverte de dizaines de cadavres dans le fleuve de Dijlah, montrent que l'Irak va sûrement vers une partition qui sera accompagnée de feu et de sang. Sauf, bien entendu, si la raison des uns et des autres l'emporte au dernier moment. Jusqu'à cette date, il ne semble pas que les principaux élus, à savoir la coalition kurde entre Talabani et Barzani d'une part et, de l'autre, celle des Chiites d'Al-Hakim et de Jaâfari, soutenue par Sistani, veulent ou peuvent contrecarrer cette fitna. La preuve, ces dernières n'arrivent pas à se mettre d'accord, après un peu moins de trois mois sur la formation d'un gouvernement d'union nationale tant attendu. Entre-temps, les Irakiens suivent avec inquiétude l'émergence d'une formation chiite qui revendique la décentralisation ; ce, à l'instar de celle dont bénéficie le Kurdistan d'Irak, bien avant l'invasion américaine. Dans cet objectif, une délégation de cette formation s'est rendue la semaine dernière à Irbil pour s'informer sur l'expérience «séparatiste» en matière d'administration et de collecte de taxes dans les régions kurdes. Les représentants de cette formation appellent à mettre en place une fédération au Sud de l'Irak. Dans ce même ordre d'orientation, ils demandent aux Sunnites de se cantonner dans les régions du centre, plus précisément à Al-Anbar, Al-Moussol et Ramadi. L'étonnant, c'est que ni la coalition chiite au pouvoir, ni la Marjaïa de Najaf, représentée par Ayatollah Sistani, ne sont intervenues pour arrêter le dérapage en cours; celui-ci, coïncidant avec la montée des tensions confessionnelles, alimentées, d'un côté par le groupe d'Al-Zarkaoui et, de l'autre, d'une manière indirecte, par la coalition chiite au pouvoir. En effet, la réunion qui a regroupé, jeudi dernier, le nouveau président de la République, le kurde sunnite, Jalal Talabani, avec le Premier ministre partant, Ayad Allaoui, al-Sayed Abdel Aziz al-Hakim (patron du Haut conseil de la révolution islamique) et Ibrahim Jaâfari (nouveau Premier ministre désigné et secrétaire général du Parti Al- Daâwa), en l'abscence du président de l'Assemblée nationale, le Sunnite, Hajem al- Hassani, a suscité un tollé chez cette communauté arabe. Chez Hayat Oulama Al-Sounna, on parle déjà d'un complot visant les Sunnites arabes irakiens ; notamment, avec les arrestations par dizaines des imams des mosquées à travers le pays. Seul Cheikh Moktada al-Sadr, met en garde la Marjaïa. Il lui demande de briser le mur du silence avant que la fitna n'atteigne son but. Le jeune Sayed accuse l'occupant américain d'être à l'origine de ce qui est en train de se préparer actuellement en Irak. Dans ses réunions avec ses proches disciples à Koufa, le fils d'Al-Sadr Al-Kabir, assassiné par Saddam Hussein, rappelle qu'aucune des figures de proue de la Marjaïa d'Al-Najaf, à savoir, Sistani, Fayad et les autres, n'est irakienne. D'autant plus que le premier vient de refuser la nationalité du pays, préférant rester iranien. A Téhéran, conservateurs et réformateurs estiment que les Etats-Unis sont passés à la phase II de leur projet visant à «coloniser» la région du Moyen-Orient en créant des mini-Etats ethniques et confessionnels. Eux aussi accusent Washington d'être derrière les dernières émeutes d'Arabestan (Al-Ahwaz) en Iran. Une étape qui, d'après eux, précède la mainmise sur toutes les régions riches en pétrole et en gaz ; à commencer par Kirkouk et Basrah en Irak, pour finir par Al-Ahwaz. Face à ce danger, la Marjaïa de Najaf continue à jouer la neutralité voire l'observateur. Comme si elle cautionnait la décentralisation ou la fédération. Elle laisse Al Zarkaoui faire, aller même le plus loin possible dans ses horreurs, dans son discours haineux, confessionnel maudit, préparant le terrain à des génocides. Pourtant, l'indifférence est de mise alors que la naissance de la nouvelle constitution est pour demain ; et les élections législatives pour après demain. Le pire, c'est que dans cette foulée, les Arabes sont totalement absents. Pis, ils sont même des «chouhouds Zour» en ce qui concerne l'avenir d'un peuple et pays frère. Ce dernier qui est en train d'être démantelé. Le fait le plus marquant, le comportement de son nouveau président de la République, Talabani, qui continue à revendiquer son Etat séparatiste au Kurdistan. Une bombe à retardement que le voisinage de l'Irak commence à prendre réellement son impact au sérieux. Un cas n'est pas unique dans ce monde arabe. Le polisario est un de ces exemples par excellence.