Pour les services de sécurité les plus renseignés, quand on parle du GICM, on se demande qui sont ses leaders et ses membres. Les premiers éléments de réponse nous informent que parmi les principaux membres supposés de ce groupe qui porta d'abord le nom éphémère de "Groupe islamique marocain", les services espagnols citent en premier Mohamed El Guerbouzi, alias Abou Aïssa, Marocain de 46 ans, qui coulait jusqu'à il y a un an des jours heureux à Londres en flirtant entre les services de renseignements britanniques et les milieux islamistes. Viennent ensuite Ahmed Rafiqui plus connu sous le nom de Abou Hudeifa, Al Hussein Kertchou (Abou Talal), Saïd Mansour, surnommé Said Al-Maghrebi ou Said Danermarqui, Moustapha Boussif (Abou Hamza), Younous Chekkouri (surnommé Mohiboullah ou Mahmoud), Karim Aouta (Salem). Toutes ces personnes auraient pour dirigeants, toujours sur la base des renseignements fournis par les services espagnols, Saâd Houssaini et Abdelkrim El Mejjati, tombé depuis en Arabie Saoudite. Si l'on veut pousser les suppositions plus loin, on pourrait aisément penser que le coup de Londres pourrait entrer dans le cadre d'une réplique pour l'assassinat d'El Mejjati à Rass. S'il était le véritable leader du GICM, la supposition pourrait revêtir un soupçon de véracité. Ceci dit, jusqu'à aujourd'hui, aucun service de police n'a affirmé avec précision quelle était l'identité du grand chef du GICM. Quoi qu'il en soit, le GICM se réclame du salafisme. Les services européens ont commencé à s'intéresser au GICM vers 1998, en plein démantèlement des réseaux du GIA algérien, après la découverte d'un communiqué en Belgique et en Italie. C'était alors la grande découverte qui devait ouvrir sur d'autres groupuscules essaimés en Europe. Le texte était un bilan presque eshaustif qui revenait sur le programme du groupe qui se proposait de recruter, de coordonner les groupes islamiques et, selon les services espagnols, d'organiser "le retour au Maroc" des affiliés de tous bords qu'ils soient ex-moujahidines en Afghanistan ou simples recrues sur le sol européen. Il fallait attendre que les investigations en Belgique et en Italie tombent sur quelques exemplaires de "Sada Al Maghreb", " les Echos du Maroc", une espèce bulletin clandestin du groupe, un manifeste, un carnet de bord où l'on explique les faits, les fondements, les principes. Il y avait aussi la découverte d'une autre publication destinée aux Marocains de Londres. Un moment clé dans l'approche du GICM. El Guerbouzi et Houssaïni auraient été les bailleurs de fonds. Selon d'autres sources en Europe, le groupe serait financé non seulement par Al Qaïda mais aussi par un système de collectes de fonds en Europe. La mouvance de Ben Laden fournit l'appui logistique, le financement et de temps en temps, des programmes d'entraînement. En France, on pense aisément que les liens avec le GSPC algérien (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) seraient aussi établis. Cela va, selon les services espagnols, de la publication de communiqués du GICM dans Al-Ansar, bulletin de l'organisation, à la formation militaire dans les camps du GSPC en Algérie. Autre groupuscule islamiste avec lequel le GICM entretiendrait des relations fraternelles, le Djihad islamique égyptien qui a organisé plusieurs séjours de préparation aux activités clandestines, alors que la Harakat Al-Salafya Yidahyia assure le recrutement et l'appui logistique au Maroc. Au Pakistan, les contacts du GICM avec Al Qaïda se font à travers le parti islamique Hikmatiar, connu pour son réseau de camps d'entraînements qui s'étendent jusqu'en Afghanistan voisin. Pour d'autres spécialistes, les pontes du groupe auraient tous fait des séjours en Turquie avant de passer en Tchétchénie ou dans le Caucase. Amer El Azizi, le chaînon-manquant C'est un appel téléphonique qui nous ramène à celui que l'on considère comme le numéro 1 d'Al Qaïda en Europe, le Marocain Amer El Azizi. Durant cet appel, Malek Al Andaloussi, qui n'est autre que El Azizi, a informé Abou Dahdah, le chef de la cellule espagnole à Madrid, qu'il avait essayé à maintes reprises depuis deux semaines de contacter Othman au numéro 629805986, et qu'il ne répondait pas. Le chef de la cellule espagnole lui a alors donné le nouveau numéro de téléphone de Othman qui s'avère être celui de Amer El Azizi : 659869731 en lui conseillant d'appeler le lendemain à midi tapante. C'est là que l'on apprend qu'El Azizi avait des contacts avérés avec Abou Moussaab Al Zarkaoui. Il aurait même rencontré à plusieurs reprises le chef jordanien sur le sol turc. Le même El Azizi serait de la réunion qui donna naissance au fameux GICM en présence d'El Guerbouzi et de Saâd Houssaïni. Pas de El Guerbouzi sans Houssaïni Saâd est le seul Marocain qui ait fait le parcours intégral du combattant. Ceci El Guerbouzi le savait très bien. Saâd avait débuté comme simple relais, un pion. Avec un certain savoir-être, il s'est adapté en attendant que d'autres postes lui soient offerts. Très vite, il monte en grade, devient un recruteur entre l'Espagne et le Maroc avant d'étendre son travail à d'autres pays comme la France et la Belgique sans oublier Londres et Milan. C'est cela qui a attiré un personnage comme El Guerbouzi qui était à la recherche de profils solides, aguerris et très intelligents. D'ailleurs pour la fameuse rencontre qui a vu la naissance du GICM en Turquie, les conviés n'étaient que la crème de ce réseau marocain, trié sur le volet : Houssaïni, El Azizi, Mourafik, (El Mejjati?) et Salaheddine Benyaïch. Au fil des années, pendant lesquelles il prend du poil, Saâd sait que son réseau personnel s'est étendu, que des liens solides ont été tissés un peu partout dans les grandes villes européennes. Désormais, il est l'homme de confiance d'El Guerbouzi. On dit même que Houssaïni effectuerait un voyage au Maroc avant les attentats de Casablanca, envoyé par El Guerbouzi, pour mettre en place les derniers réglages. C'est entre autres, ce qui vaut à El Guerbouzi ses vingt ans par contumace. C'est en guise de grande reconnaissance que les Talibans lui accordent la nationalité afghane. Entre deux voyages entre l'Europe, l'Asie et le Maroc, entre deux séjours sur les terres brûlées de l'ex-U.R.S.S. et l'ex-Yougoslavie, il se fait une carapace de moujahid à toute épreuve et gravit lentement mais sûrement les échelons des milices islamistes afghanes. De leurs camps d'entraînements où il devient formateur après avoir goûté à toutes les souffrances, les techniques de combats, essayé les armes légères et lourdes, il revient en Europe. Marocain-Afghan, il est pressenti pour des opérations de grande envergure en Europe et dans les pays arabes, ce qui est un autre exemple des compétences reconnues des Marocains dans les structures d'Al Qaïda puisqu'on les trouve dans tous les pays et de tous les combats : dans les cellules espagnoles, anglaises, françaises, allemandes, italiennes pour ne citer que les écoles les plus célèbres qui ont constitué les bases-arrières du terrorisme islamique dans le monde. Saâd Houssaini est dès lors nommé ou élu membre permanent de la très select Commission militaire des Talibans. C'est là que son rang de chef de la commission militaire du GICM semble s'être décidé. Désormais, ses liens avec El Guerbouzi prennent d'autres tournures. Mettre la main sur Houssaïni résoudrait beaucoup d'énigmes dont celle d'El Guerbouzi. Encore un point important dans le parcours d'un acolyte de taille. La dernière adresse connue de Saâd Houssaïni se situait à la chambre 318 de l'hôtel Embassy de Karachi au Pakistan. Houssaïni avait pris un vol le 3 septembre 2001 à destination du Pakistan via Istanbul. Lors du même voyage, sur le vol TK 1056, il avait pour compagnon de vol Saïd Bahaji, l'un des membres du commando du 11 septembre qui a hébergé Mohamed Atta et Ramzi Binalchibh. Ils ont été enregistrés à l'hôtel à 5 h 30 qu'ils quittèrent le 5 septembre 2001 à 16 h. Pour d'autres sources, il serait passé par la Belgique en 2003 et 2004 avant de rejoindre Londres. Sur les traces du GICM Les experts internationaux en matière de lutte contre le terrorisme sont unanimes. A Londres, comme à Madrid, les analystes mettent en avant la piste des cellules dormantes du Groupe islamique combattant marocain (GICM). Peu après les attentats sanglants qui ont frappé Londres laissant provisoirement 50 morts et quelque 700 blessés, la piste marocaine a été jugée par les experts du renseignement comme étant la plus sérieuse. Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement et auteur du livre “Al-Qaeda : les nouveaux réseaux de la terreur“, ne cache pas cette certitude. Dans une interview accordée au quotidien Libération, au lendemain des attaques terroristes, l'expert français livre ses impressions: “Pour moi la piste marocaine, le GICM en l'occurrence, est la plus probable en raison de similitudes avec les attentats de Madrid. Les réseaux marocains sont capables de s'organiser tout seuls, mais il y a de toute façon des connexions internationales qui font que les auteurs des attentats de Londres ont bénéficié d'un soutien logistique en provenance de l'étranger“. Aux yeux de cet expert du renseignement, le danger terroriste le plus sérieux provient de ce qu'on appelle les cellules dormantes du GICM. L'analyse est également partagée par les services secrets des autres pays européens qui abritent de fortes communautés issues de l'immigration marocaine, comme c'est le cas de la Grande- Bretagne. Unanimes, les responsables de Scotland Yard et le MI5 (contre-espionnage et antiterrorisme), cités dans la presse hexagonale du samedi 9 juillet 2005, désignent le nom du Marocain Mohamed El Guerbouzi (alias Abou Aïssa), l'un des fondateurs du GICM en Europe, installé avec sa famille dans la banlieue de Londres, comme le principal commanditaire de ce carnage. Porté disparu depuis plus d'une année, El Guerbouzi est activement recherché par les services de renseignement européens ainsi que ceux du MI5. Le patron de Scotland Yard, Ian Blair, a confirmé comme l'avait fait le ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, que les quatre attentats ayant ensanglanté trois rames de métro et un bus à deux étages en plein coeur de Londres présentaient toutes les caractéristiques d'Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden. Le timing de ces attaques, qui en 56 minutes ont semé terreur et désolation, montre qu'elles ne peuvent en aucun cas être le fait d'une seule personne. Comme en Espagne, ou à Casablanca, “les attentats de Londres ont été concertés avec une logistique de préparation et d'exécution, sans faille, par des réseaux bien implantés dans la capitale londonienne. Les attentats portent tous les signes d'Al Qaïda (...), mais nous sommes au début d'une enquête très complexe et longue”, a déclaré le chef de Scotland Yard, Ian Blair. Il a souligné que ses services examinaient de très près la revendication au nom d'Al Qaïda diffusée sur un site islamiste proche du mouvement d'Oussama Ben Laden. Les attentats de Londres ont été revendiqués par un groupe jusque-là inconnu, “l'Organisation secrète du jihad d'Al Qaïda en Europe”. L'organisation secrète du Jihad d'Al Qaïda en Europe, selon les experts en matière de lutte contre le terrorisme, renvoie directement au GICM du Marocain El Guerbouzi. Scotland Yard a ainsi lancé une demande de renseignements à toutes les polices d'Europe sur Mohamed El Guerbouzi, condamné par contumace à 20 ans de prison ferme par la justice marocaine dans le cadre des attentats du 16 mai de Casablanca et réclamé par le Maroc depuis juin 2003. Celui-ci, note le Scotland yard, a séjourné plusieurs années ( 15 ans à peu près ) à Londres et est considéré comme l'un des membres les plus actifs du GICM. Les services secrets français estiment qu'il est le principal dirigeant de l'aile européenne du Groupe islamique combattant marocain. Au lendemain des attentats de Madrid, plusieurs cellules dormantes des terroristes marocains ont été, il est vrai, démantelées en Espagne, en France et en Belgique. Mais aux yeux de bon nombre d'experts de la lutte antiterroriste, ce ne fut que “la partie visible de l'iceberg”. Car, faut-il le rappeler, les membres de cette branche armée d'Al Qaïda ne sont pas faciles à repérer. Fait plus préoccupant pour la communauté du renseignement européen: l'autonomie totale des cellules du GICM implantées dans le Vieux continent. Contrairement à ce qui a été avancé jusqu'ici, les Européens sont dorénavant convaincus que les “jihadistes” marocains en Europe n'ont pas besoin d'être épaulés par la direction d'Al Qaïda pour pouvoir concevoir et mettre en exécution une opération terroriste. Des cellules comme celle de Jamal Zougam et Mohamed Chaoui n'ont besoin, en rien, selon les Européens, des caciques d'Al Qaïda, pour asséner des coups durs aux Européens. Les services européens sont d'autant plus alarmés qu'ils n'arrivent pas à déchiffrer tout le langage codé employé par les membres des cellules dormantes du GICM dans leurs pays. Ces terroristes potentiels désignent, par exemple, les mortels explosifs sous l'appellation savoureuse de “miel”, ou anodine de “chaussures”. Hôpital signifie prison, passeport est appelé “livre”, et parfois “jallaba”. Dans leurs trouvailles linguistiques, les services européens ont découvert des formules basiques mais extrêmement difficiles à décoder. Ainsi quand un membre du GICM annonce à un autre compère, au détour d'une conversation téléphonique, que “l'équipe de football est prête au match”, cela veut dire immanquablement qu'une opération terroriste était sur le point d'être perpétrée ici ou là dans les quatre coins du globe. Pris de court dans une certaine mesure par cette nouvelle, les Français et les Espagnols ont d'ores et déjà entamé une réorientation du travail de leurs services vers les communautés marocaines. Chose que les Anglais n'ont pas pu faire jusqu'à présent.