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Pour l'amour d'une femme
Publié dans La Gazette du Maroc le 13 - 02 - 2006


Prison centrale de Kénitra
C'est une histoire très délicate à raconter. Un homme se confie dans l'intimité de sa vie, à un moment où il touche le bas, et il parle. Sa vie défile entre amours et trahisons. Il dit tout et laisse pour lui cette part de pudeur qui garde la vérité à des distances raisonnables. Le passé fait ressurgir des visages. Une femme, un deuxième homme, un soir, une chambre, un couple nu sous les draps, un homme qui passe à l'acte… Meurtre, adultère, rage, vengeance, violence. Un homme s'en va et l'autre purge la vie jusqu'à ses confins dans la prison centrale de Kénitra. Notre homme ne nie rien. Il révèle tout et ne cache pas sa vérité. Sans détours, il revient sur cet instant fatal où la mort devait frapper. Regrette-t-il cet acte sans appel ? Oui, et la vie pour lui sera entièrement consacrée à épurer ce moment de grande folie.
Cet homme a repassé en mémoire un milliard de fois ce crime pour en toucher l'essence. Il n'a ni rage ni violence en lui. Aujourd'hui, il attend que le temps fasse en sorte qu'il puisse dormir, une fois, une seule fois, en paix.
Un écrivain écrit qu'il y a trois choses à faire pour une femme : l'aimer, souffrir pour elle ou en faire de la littérature. M.L. (c'est à sa demande que nous mettons uniquement ses initiales) a décidé de trouver une quatrième voie pour vivre jusqu'à la lie son amour pour une femme : habiter à perpétuité, jusqu'à la mort, le froid et glacial couloir de la mort. On ne peut, bien entendu, approcher un tel homme avec légèreté. Cet homme a vécu les affres de l'enfer ici-bas et tout ce que Dieu lui promet le jour du jugement dernier lui semble ridicule comparé à ce qu'il a vu, de ses propres yeux, vu pendant des jours et des nuits où il n'était que feu ambulant qui roule sur lui-même. Venir vers lui avec cette insouciance de celui qui charrie dans son sillage la vie du dehors avec ses hauts et bas, sa joie et ses moments de calme, ne peut que faire avorter tout l'espoir de voir cet homme s'ouvrir. Lui qui s'est refermé sur lui-même, en un clin d'oeil, le jour où il a décidé de donner la mort. Dans un sens, il est conscient que durant ce laps de temps, il s'est substitué à Dieu en arrachant la chaleur de la vie à un autre être humain. Mais va lui dire tout cela comme s'il s'agissait d'une simple remarque sur le long et douloureux chemin de la douleur. Cet homme est un volcan qui explose indéfiniment. Sa lave coule avec son sang et il ne peut « jamais oublier, jamais jusqu'à sa mort ». Et même après la mort, il voudra que les anges qui viendront le visiter dans sa tombe lui rappellent ce qu'il a fait.
Un homme amoureux
Qu'est-ce qui pousse un homme aux extrêmes ? La perte de la foi qui peut être occasionnée par une longue attente. Le poète dit à juste titre : à trop attendre, on perd sa foi. Notre homme l'a perdue depuis longtemps. Depuis le jour où il a su que sa femme avait trouvé d'autres moments de bonheur loin de lui, entre les bras d'un deuxième homme. L'histoire classique de l'homme, la femme et l'amant, prend ici une tournure différente. La question que se pose l'homme est de savoir s'il peut vivre avec la présence de ses bras qui embrassent sa femme dans la chaleur moite d'un lit douillet où elle prend des plaisirs que lui ne peut plus lui donner ? Il y a cela, et aussi que cet homme doit se faire à l'idée, qui peut s'avérer mortelle, que plus rien ne sera comme avant. Même si sa femme tourne cette parenthèse et revient à lui. Même s'il décide avec toute la force de son être de se donner une deuxième chance, rien, plus rien, ne pourra changer la face de demain. Finalement, quand on prête une oreille sérieuse à cette histoire, on comprend aisément que ce bonhomme ne pouvait plus face à l'inéluctable. Les choses se sont décidées loin de lui, en dehors de sa volonté. Il ne peut que subir comme un étranger à sa propre histoire qui voit se déployer les bêtes de l'apocalypse sans remuer un doigt. Savait-il de quelle couleur sera la fin ? Oui.
« Les jours passaient et c'étaient les mêmes idées dans ma tête. Comment me débarrasser de tout cela ? Je n'ai jamais pensé tuer qui que ce soit. Ce que je voulais par-dessus tout était de tourner la page. Mais comment ? ».
Comment ? Qui peut donner un conseil valable à cet homme ? Qui peut se targuer d'avoir assez de bon sens devant une situation aussi confuse pour démêler l'écheveau et éviter le pire ? Notre homme n'attend pas de réponse de qui que ce soit. Il sait qu'il est seul dans son long périple de galérien face à l'impossible. Alors, il compte sur le temps et son lent écoulement dans le sablier rouillé de son âme. Il attend et il pense.
Une femme qui s'ouvre à un autre
A-t-elle jamais aimé son homme ? La femme ne le dira jamais, pas même à elle-même. Et a-t-elle pris le temps de penser à tout cela ? Rien n'est moins sûr. Pourtant, il fallait bien qu'un jour elle vive son règlement de comptes avec elle-même. Non, elle a toujours ajourné cette rencontre avec ses propres démons. Elle fallait vivre, disait-elle. Et elle a vécu jusqu'au jour où tout a basculé dans le sang et la rage d'un homme qui ne pouvait rien face à l'horreur d'une vision nue de sa douleur à vif. Notre homme ne peut pas s'expliquer ce qui avait dévié dans son couple. « Pourtant, tout allait pour le mieux ». C'est toujours le cas dans ce type d'affaires. Cinq minutes avant ou cinq minutes après, et la vie n'est plus la même. Tout tient à un fil et souvent le fil est plus fort. Alors, quand le bonhomme devient une espèce de funambule sur le précipice des jours, peut-il regarder en arrière, appuyer fort sur ce bout de vie qui lui sert de passerelle ou juste maintenir cet équilibre ébranlé qui le mènera plus bas que bas ? Ceci se passe dans sa tête et il dit avoir “esquivé tant de fois des rencontres” où il aurait pu laisser éclater la foudre. Il savait que sa femme jouissait dans le lit d'un autre. Et alors ? Juste attendre parce qu'elle n'aura jamais avoué et elle aurait pu tourner la confrontation en sa faveur. Après tout, il n'y a que cet homme pour connaître la femme qui a partagé sa vie pendant un long moment. Il pouvait juger de quand et comment réagir. « De toutes les manières, la mauvaise approche aurait été une confrontation. Parce que croyez-vous que je pouvais mettre des mots sur mes douleurs et mes certitudes ? »
Le saut dans le vide
Peut-on qualifier cet homme de faible ? Certains le pensent et pourraient même avancer qu'ils auraient pu réagir autrement et mettre fin aux dégâts très vite en donnant une raclée à la bonne femme avant “de la congédier”. Oui, d'aucuns pourraient dire cela, et dans le couloir beaucoup le pensent. Lui, avait une autre vision de la vie, la sienne et celle de cette femme qui voulait voir “ailleurs”.
« Je ne sais pas pourquoi elle a agi de la sorte. Mais il y a sûrement une raison. Et aujourd'hui je ne peux pas dire que cette femme méritait son sort ni le bonhomme du reste ». Ce qui intrigue dans le comportement de cet homme cassé et qui porte sur le visage tant de cauchemars, c'est qu'il a pris le temps de réfléchir à son histoire et surtout il a gardé en tête que cette femme était l'amour de sa vie. «Mes nuits ne ressemblent à celles de personne et même si je vous racontais tout ce que je vis en détail, je ne pourrais jamais rendre avec exactitude tout ce que je vois ». On s'en doute bien, cet homme doit revivre, chaque nuit, de nombreuses versions de cet instant où il a tué un homme qu'il a trouvé dans le lit de sa femme. Tant de visages qui portent en eux la couleur de la perdition. Tant de situations non-solvables où il n'y a aucune issue possible. Puis un arrêt sur images. D'ailleurs, il n'a qu'une seule image subliminale, lancinante qui lui bouffe le cerveau. Un homme mort. Un coup. Un moment d'oubli. Une amnésie sèche où plus rien ne subsiste. Un sillon qui fait que l'image est rembobinée, mais ne repasse jamais de la même façon ni avec les mêmes séquences. Tout change d'un cauchemar à un autre avec cette constante : le visage de l'horreur. Je ne sais pas pourquoi, mais ce bonhomme qui raconte ainsi sa vie me fait penser au colonel Kurtz d'“Apocalypse Now”, d'après “Au cœur des ténèbres” de Joseph Conrad. Comme lui, on a le sentiment qu'il a dû se dire que outrepasser toute frontière entre le bien et le mal et agir jusqu'au bout de l'horreur serait la condition de la victoire. Auquel cas, nous n'aurions d'autres ressources, si nous voulons sauvegarder ce qui donne sens à nos vies, que de pénétrer - seuls et quasi désarmés - jusqu'au cœur des ténèbres.
La fin des illusions
Un homme seul face à la douleur, que peut-il ? Rien. La réponse est sans appel qui ne souffre aucun rajout. Rien. Un homme ne peut que supporter le poids de son incapacité à résoudre le plus futile des problèmes. “Après tout, tout cela ne devait jamais avoir lieu. Si je pouvais, j'aurais laissé cette femme vivre sa vie. J'aurais dû divorcer”. Il ne l'a pas fait. Enchaînement de situations. Folie ordinaire. Cauchemar climatisé. L'homme perd sa substance. Il se vide de qui il est. Il n'est plus qu'un bouillonnement qui ne peut que ronger son essence propre. Le sexe est une maladie incurable. Les hommes ne peuvent se faire à l'idée que leurs femmes puissent jouir dans les bras d'autres hommes. C'est comme ça, et notre homme ne veut même pas tenter une explication. Il aura beau raisonner, penser, refaire le cours des choses, recréer le monde et ce qui le peuple, rien ne peut s'effacer. Mort il y a, et une femme va payer pour ce qu'elle a fait. Encore une fois, l'homme se substitue à Dieu. Il voudra laisser passer, mais il faut qu'il agisse.
Ce que notre homme veut que nous comprenions est le fait de trouver sa femme nue dans les bras d'un autre homme, lui aussi nu, les corps enlacés, la chaleur de la passion inondant la chambre, la sueur au creux des épaules et des visages emportés par le désir. Un homme entrouvre une porte et voit sa femme se donner sans parcimonie aux ardeurs d'un autre mâle. Il devient fou. Il ne voit plus rien. Il tue l'homme. Et épargne la femme. Pourquoi ? Il n'a pas pu aller plus loin. L'amour ? La peur ? L'inertie qui suit un acte aussi extrême ? L'homme tue l'homme et la femme voit son amant se noyer dans son sang et doit se résoudre à l'idée de voir son mari mourir en prison.
« Je ne nie pas ce que j'ai fait. Je dis juste que vu comment les choses se sont déroulées, je pense que la peine de mort est un jugement meurtrier. » Pour cet homme, il faut que la justice pense à son état, à cette situation intenable d'un homme qui doit réagir et qui a été malmené par les circonstances. Il regrette, il vit avec le remords et il veut que la suite des choses soit plus clémente.


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