La Chambre des conseillers adopte à l'unanimité la loi réorganisant le Conseil national de la presse    Système électoral : vers un renforcement de la représentation des jeunes, des personnes en situation de handicap et des MRE    LF 2026 : les principales mesures fiscales    À Rabat, le Japon renforce son engagement aux côtés du Maroc dans la pêche de nouvelle génération    Tanger-Tétouan-Al Hoceima: les retenues des barrages dépassent 1 milliard de m3    Cœurs en dialogue, Espoirs en partage : Des journalistes africains décryptent les relations sino-africaines et l'Année des échanges humains et culturels Chine-Afrique 2026    La vigilance « grand froid » déclenchée en France    Etats-Unis : la Cour suprême bloque le déploiement de la Garde nationale à Chicago    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : Agenda du mercredi 24 décembre 2025    Fortes pluies, chutes de neige et temps froid, de mercredi à samedi, dans plusieurs provinces du Royaume    Températures prévues pour jeudi 25 décembre 2025    Double consécration en France pour le neurobiologiste marocain Aziz Moqrich    RedOne: Je porte le Maroc dans mon cœur, partout où je vais    La Ville de Salé inaugure son musée des instruments de musique    Tata Advanced Systems livre le premier lot de véhicules blindés WhAP 8x8 au Maroc    Le CSPJ et la Présidence du Ministère Public adhèrent au Portail national du droit d'accès à l'information    Réforme de la profession d'avocat : Ouahbi se heurte à nouveau au refus des barreaux    L'or franchit pour la première fois le seuil des 4.500 dollars l'once    Palestiniens et amérindiens : Comparer, oui, mais pas n'importe comment    Zelensky : Kiev s'attend à une réponse mercredi de la Russie sur le plan américain    Réforme du Conseil de la presse: Les syndicats montent au créneau contre la loi 026.25    CAN 2025 : le Burkina Faso arrache une victoire renversante face à la Guinée équatoriale    CAN 2025 : Un grand Mahrez permet à l'Algérie de s'imposer face au Soudan    Botola D1 : Bras de fer entre la Ligue et l'IRT    CAN Maroc 25 : Où disparaît la pluie sur les pelouses marocaines de la CAN ?    CAN 2025 / Arbitrage : ce mercredi, pas d'arbitre marocain, Hadqa désigné assesseur    Fiorentina : Amir Richardson place l'OGC Nice au sommet de ses choix    CAN 2025 Maroc : le programme des matchs de ce mercredi avec l'Algérie, la Côte d'Ivoire et le Cameroun    Maroc-Japon: signature d'un Échange de Notes et d'un Accord de don supplémentaire pour le port de Souiria K'dima    Vie privée et liberté d'expression : Ouahbi reconnaît une faille législative du gouvernement    Etablissements d'hébergement touristique : les normes de construction renforcées    Province de Midelt: Un hôpital militaire de campagne à Tounfite au profit des populations affectées par le froid    Sélection, formation, moyens : Le point avec Mouloud Laghrissi, directeur des CPGE Tétouan    RETRO - VERSO : Sefrou 1890 ou la chronique d'une ville submergée    Bourqia : "Le CSEFRS œuvre à approfondir l'analyse objective des acquis du système éducatif national"    Niveau de maturité réglementaire des médicaments et vaccins: La réponse de l'agence marocaine des médicaments    Lesieur Cristal : Inauguration d'une centrale photovoltaïque en autoconsommation à Aïn Harrouda    Réduction de la pauvreté à la chinoise par les industries vertes : expériences et inspirations globales    Revitaliser la culture populaire à travers les trains : la Chine lance une expérience hivernale innovante    Interview avec Dr Guila Clara Kessous : « L'inscription du caftan marocain à l'UNESCO est un moment de justice culturelle »    Cinéma : les projets retenus à l'avance sur recettes (3e session 2025)    Au MACAAL, Abdelkébir Rabi' explore l'infini du geste intérieur    L'Alliance des Etats du Sahel lance sa Force Unifiée    Nouvelles idées pour une nouvelle ère : un nouveau chapitre dans la coopération scientifique et technologique dans le delta du Yangtsé    Réforme du Conseil national de la presse au Maroc : Ce que prévoit la loi 026.25    Espagne : Démantèlement d'un réseau de pilleurs de sites archéologiques    Jazz under the Argan Tree returns from December 27 to 29 in Essaouira    "Rise Up Africa" : un hymne panafricain pour porter l'Afrique à l'unisson lors de la CAN 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le train de la vie
Publié dans La Vie éco le 19 - 01 - 2007

On peut identifier les navetteurs vétérans à leur capacité
à somnoler moins de trois minutes après le départ,
puis de sombrer dans un sommeil profond et sonore ;
mais aussi à celle de capter la topographie du trajet comme si elle était inscrite dans leur subconscient.
Alors qu'un passager non averti gagné par le sommeil
ratera son Rabat-Agdal et se retrouvera à Taroudant.
C'est une enfilade de maisons inachevées aux toits hérissés de fils de fer. Situées dans ces quartiers improbables de la périphérie urbaine que traverse les lignes de chemins de fer, elles sont les répliques exactes de la plupart des autres demeures dans la majeure partie des autres quartiers à travers le pays. Le trafic ferroviaire est la seule attraction mobile, changeante et toujours identique dans ce paysage de désolation : des trains, de navette, de marchandise ou de long cours ponctuent de leur vacarme passager la vie quotidienne de ces quartiers. C'est du moins l'idée que l'on pourrait s'en faire, vu d'un train passant son chemin à toute allure.
Le navetteur du TNR Casa-Kénitra est un rêveur solitaire et parfois solidaire. On le reconnaît à son air bougon, son petit sac en plastique ou son cartable posé nonchalamment sur le siège voisin vacant. Une façon de marquer son territoire gagné au prix de milliers de kilomètres avalés et légitimé par sa petite carte plastifiée d'abonné annuel. Tout cela lui donne cet air farouche du conquérant de la voie ferrée qui ne supporte pas que d'autres passagers viennent occuper la place réservée à son petit bagage, ni celle qui lui sert de reposoir pour ses pieds endoloris. Ce bagage de cabine, de par son contenu, constitue parfois une partie de son intimité : journal, livre, ordinateur portable ou dossiers chez telle catégorie socioprofessionnelle ; quelques affaires de toilette, un reste de sandwich ou des boîtes à repas à emporter («Tupperware») pour d'autres. Voilà pourquoi, peut-être, toute occupation du siège voisin par un nouveau passager est considérée comme une intrusion dans l'intimité du navetteur au long cours. Il n'est que d'observer son visage lorsqu'une personne lui demande, même gentiment, si le siège à côté est libre : «Khaouia akhouia had l'blaça ?» (Elle est libre cette place, mon frère ?). Cette question, somme toute fraternelle, est reçue comme une entrée par effraction dans sa chambre à coucher. Elle a pour toute réponse, après un rictus et un long soupir, un geste brusque pour enlever les affaires du siège convoité. Tout est dit et c'est à une promiscuité belliqueuse que «l'intrus» est exposé tout le long du trajet. Les plus mal reçus sont souvent les passagers, autochtones ou étrangers, de la correspondance de l'aéroport qui changent à la gare d'Aïn Sebaâ. Probablement à cause de leur excédent de bagages qui traîne entre les genoux ou de cette «étrangeté» faite de fatigue et de tendance à poser des questions idiotes sur les prochains arrêts.
Mais le navetteur solitaire et bougon peut quelquefois se montrer solidaire et souriant. En général, cela se passe mieux avec un autre navetteur de longue date, un confrère quoi, de préférence de l'autre sexe, ou du même sexe, mais avec le même look, lorsque la navetteuse arbore un fichu autour de la tête et tient dans la main un Coran de poche ou tout autre écrit religieux, genre Aâdab al Qabr (tourments ou supplices d'outre-tombe.) Pour peu que l'on tende l'oreille en feignant de lire un livre profane, on peut saisir des conversations qui fichent la trouille sur l'ouvrage en question, disponible aussi en CD (à quand le DVD ?). Il y a aussi, c'est nouveau et sur CD, l'interprétation halal des rêves qui ferait douter le freudien le plus convaincu. On apprend plein de choses sur un trajet d'une heure, plus les retards, lesquels, eux, déclenchent des conversations dignes des éditoriaux les plus enflammés de la presse locale.
Mais ce type de conversation laisse de marbre une autre catégorie de navetteurs et vétérans du rail. On peut les identifier à cette extraordinaire capacité à somnoler moins de trois minutes après le départ, puis de sombrer dans un sommeil profond et sonore ; mais aussi à celle de capter la topographie du trajet avec ses petites gares, ses petites pannes et ses grandes stations, comme si elle était inscrite dans le subconscient de leur endormissement comme sur une carte routière. Alors qu'un passager non averti mais gagné par le sommeil, notamment celui de la correspondance de l'aéroport décalé par les fuseaux horaires, risque de rater son Rabat-Agdal et de se retrouver à Taroudant. On ne parlera pas cette-fois-ci des navetteurs sympas, de plus en plus nombreux, toujours prêts à rendre un service, à offrir un café, à partager la grille des mots croisés et les bonbons mentholés ; ceux qui jettent de temps à autre un regard optimiste sur les paysages verdoyants ou poussent un soupir au vu du gris des quartiers improbables où des maisons inachevées aux toits hérissées de fil de fer regardent passer les trains. Non, de ceux-là on ne parlera pas, parce que ces gens-là, monsieur, sont toujours à l'heure et à hauteur du temps marocain et cela n'intéresse personne. Mais qu'importe !, chantons avec eux ce refrain de Bécaud: «Le train de la vie/ est un petit train qui va/ des montagnes de l'ennui/ aux collines de la joie»


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.