Avocat: le climat fausse la bonne note du secteur    Des véhicules Peugeot fabriqués au Maroc rappelés en Europe pour risque d'incendie    Avec le concours du Maroc, l'Espagne saisit 3 tonnes de cocaïne près des Canaries    Sommet Trump-Poutine en Alaska : lueur d'espoir pour un cessez-le-feu tant attendu en Ukraine    France : les Marocains toujours en tête des étudiants étrangers, les ingénieurs indétrônables    La canicule pourrait coûter 0,3 point de PIB à la France    Pollution plastique: Paris juge « inacceptable en l'état » le projet de traité international    Donald Trump veut réunir Poutine et Zelensky après le sommet de l'Alaska    Armement : Le Maroc envisage de commander des drones kamikazes israéliens    Supercoupe d'Europe : Le PSG renverse Tottenham grâce à une remontada in extremis et aux tirs au but    Prépa CDM U20 Chili 2025 : Maroc et Egypte dos à dos    FRMF / LNFP: Création d'une instance pour auditer l'adhésion et l'éligibilité des clubs    Liberté d'expression au Maroc : Les observations des Etats-Unis    El conductor que atropelló a la pequeña Ghita en la playa de Sidi Rahal recibe una condena de 10 meses de prisión    Freedom of expression in Morocco : Observations from the United States    Italian police arrest suspect in 80,000 euro watch theft from Moroccan tourist in Naples    Incendie à Chefchaouen: trois sur quatre principaux foyers maîtrisés, l'extinction du foyer restant en cours (ANEF)    Enseignement supérieur : Le ministère de tutelle met en garde contre l'escroquerie de "Bawaba Study"    Températures prévues pour le vendredi 15 août 2025    Soufisme au Maroc : Surprenant retournement à la tête de la tariqa Boutchichya    OM : Azzedine Ounahi refuse de retourner au Panathinaïkos    Le Maroc au 22e rang africain pour les investissements directs étrangers    Des associations de MRE dénoncent l'exploitation d'enfants des camps de Tindouf en Italie    Bitcoin : Nouveau record au-dessus de 124.000 dollars    Le Maroc reste la première nationalité étrangère affiliée à la sécurité sociale en Espagne malgré une légère décrue    Spéculation immobilière : élus et fonctionnaires dans le viseur des autorités    L'Afrique et le Japon : Co-créer un avenir grâce à la jeunesse, à l'innovation et au partenariat    À Rabat, le bureau africain spécialisé de l'ONU contre le terrorisme, un pôle d'excellence qui a fait ses preuves    CHAN 2024 : Le Maroc joue sa qualification face à la Zambie à Nairobi    Le tribunal de Berrechid condamne à dix mois de prison ferme l'auteur de l'accident ayant grièvement blessé une fillette à Sidi Rahal    Mohammed Ihattaren se relance au Fortuna Sittard    Le Maroc classe la demeure historique Dar El Haj Thami El Mezouari El Glaoui au patrimoine national    Tourisme en images – EP3. Les immanquables de Marrakech-Safi    L'ambassade de Chine au Maroc félicite le Marocain Saïd Oubaïa pour sa médaille d'or en karaté aux Championnats du monde 2025 à Chengdu    Quand les mensonges se brisent sur le mur infranchissable du renseignement marocain    Souveraineté spatiale. Youssef Moulane : "Le Maroc doit consolider ses moyens spatiaux pour gagner en souveraineté"    46e anniversaire de Oued Eddahab : une étape clé pour l'intégrité territoriale    Sécheresse : une grande partie de l'Europe et du pourtour méditerranéen affectée depuis avril    Feux de forêt au Canada : plus de 20.000 personnes sous alerte d'évacuation dans l'Est    Festival Voix de Femmes à Tétouan : Du 14 au 16 août (concerts) et du 18 au 20 septembre (actions sociales)    Soufisme : Un appel à la paix depuis Fès pour déconstruire la radicalisation    La Fondation Hassan II pour les MRE dénonce les attaques racistes en Espagne    Salon du livre de Panama : Inauguration du pavillon du Maroc, invité d'honneur    Axe Amgala-Bir Moghrein : La route qui irrite Alger    Paris-CDG : suspension d'un contrôleur aérien après un message « Free Palestine »    Au Royaume-Uni, le Trésor gèle les avoirs de deux ressortissants marocains pour leur rôle présumé dans un trafic international de migrants    "Voix de Femmes", Tétouan célèbre les talents féminins    Le Maroc accueillera le tournage du nouveau film bollywoodien «Captain India»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Régionalisation : l'inquiétant silence du gouvernement
Publié dans La Vie éco le 03 - 05 - 2012

Il y a près d'un an, la Commission consultative de la régionalisation a élaboré une série de recommandations sur les divers aspects de cette réforme complexe. Nous sommes à quelques mois des élections et il n'y a pas d'avancées sur les déclinaisons juridique et réglementaire de ce projet. Or, une loi organique devait fixer l'architecture de la réforme et les conditions de gestion des affaires territoriales.
Il y a près d'un an, la Commission consultative de la régionalisation a élaboré une série de recommandations sur les divers aspects de cette réforme complexe. Nous sommes à quelques mois des élections et nous ne relevons pas d'avancées sérieuses sur les déclinaisons juridique et réglementaire de ce projet. Certes, la déclaration gouvernementale a formulé des annonces sur ce chantier. Des annonces qui restent cependant imprécises et évasives. La lecture de la Constitution nous rappelle les grands enjeux stratégiques de cette réforme et l'ampleur des questions auxquelles il faudrait apporter des réponses efficaces et pertinentes. Pas moins de 12 articles ont été consacrés à l'ancrage des régions et des collectivités territoriales dans la nouvelle architecture institutionnelle du pays… Une loi organique doit fixer l'architecture de la réforme et les conditions de gestion des affaires territoriales (règles d'éligibilité, compétences, régime financier des régions, mode de fonctionnement des fonds prévus, droit de pétition, règles de gouvernance..).
Libre administration des Collectivités territoriales : avec quelles ressources ?
Quelles seront la nature et la forme de cette loi organique ? Un Code des collectivités territoriales ? Peut-on élaborer un cadre organique unique en un délai aussi court ? Le gouvernement serait-il contraint de scinder l'ensemble du dispositif en une série de lois et prioriser ces dernières tout en veillant à la cohérence de l'ensemble ? Cet édifice ne requiert-il pas d'autres réformes connexes, sans lesquelles la réforme de la régionalisation ne livrerait pas tous ses attendus ? Examinons quelques-unes de ces questions problématiques pour une réforme aussi névralgique.
La Constitution (article 136) a énoncé que «l'organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité». En clair, cela signifie que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus. De ce point de vue, le principe paraît efficient et pertinent. En obscur, il symboliserait une indépendance organique et fonctionnelle des collectivités territoriales par rapport au pouvoir central. Sous cette lecture, on peut se demander si ce principe n'entre pas en conflit avec la centralité de l'Etat. Autrement dit, dans son énoncé général, ce principe reste vague. Diverses limites seront vraisemblablement imposées par le législateur à son contenu. L'on peut craindre alors que ce principe de libre administration des collectivités locales ne reste qu'un principe fort en symbole pour un Etat qui n'arriverait pas à faire de ce processus de décentralisation un processus achevé et assumé.
Par ailleurs, la libre administration des collectivités territoriales peut être entravée par le manque d'autonomie financière des ces collectivités, dans ses aspects budgétaire et fiscal. La Constitution fait référence aux ressources propres des Collectivités territoriales et aux ressources affectées par l'Etat (article 141), en soulignant que «tout transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales doit s'accompagner d'un transfert des ressources correspondantes». La Constitution ne reconnaît aucun pouvoir fiscal aux collectivités territoriales. Celui-ci ne paraît pas bénéficier d'une protection constitutionnelle dans la mesure où la fiscalité relève, en principe, de la seule appréciation du législateur. Or, il semble difficile de soutenir qu'il peut y avoir libre administration si une collectivité ne peut décider d'accroître sa fiscalité afin de financer de nouvelles dépenses.
Par ailleurs, l'autonomie budgétaire suppose que les dépenses obligatoires auxquelles les collectivités territoriales sont contraintes ne saurait revêtir un caractère excessif sous peine d'annihiler leur possibilité de choix. Les obligations mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent donc être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée. Il s'ensuit qu'en dépit de sa référence à la libre administration, le texte de la Constitution n'a pas déterminé quels sont les éléments qui, en matière financière, peuvent en expliciter le contenu. Il est vraisemblable que ce principe, dont la valeur constitutionnelle elle-même n'est pas évidente, ne débouchera que sur une autonomie financière très limitée.
Droit à la pétition : qui, quoi et comment ?
La réforme de la régionalisation a insisté sur la nécessité d'impliquer les citoyens dans la chose publique locale. La Constitution fait référence (article 139) à l'exercice du droit de pétition par les citoyens. Mais il y a besoin d'un débat sur cette question car la Constitution reconnaît expressément aux électeurs un droit de pétition sans pour autant créer une quelconque obligation pour les élus. Qui peut présenter une pétition ? Quelles sont les personnes habilitées à la présenter (citoyens, associations, entreprises, organisations) ? Sur quoi doit porter la pétition (affaires d'intérêt public ou d'intérêt privé ?). Quelles formes doit-elle revêtir : plainte ou requête ? La loi doit expliciter les conditions d'application de la pétition locale permettant de demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante d'une question relevant de la compétence d'une collectivité. Il faudrait veiller en particulier à ce que soient garantis et conciliés des principes essentiels: celui de la responsabilité – ce qui exclut toute tentative populiste -, et celui de l'effectivité des pétitions citoyennes pour garantir la mise en œuvre effective du nouveau droit pour les citoyens. Aucune argutie juridique ne doit pouvoir venir entraver la reconnaissance de la place des corps intermédiaires dans l'exercice du droit de pétition.
Compétences et subsidiarité : à partir de quel niveau ?
Les collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec l'Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. La réforme a introduit le principe de subsidiarité qui conduit à ne pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut être fait avec la même efficacité à un échelon plus bas. Le niveau supérieur n'intervenant que si le problème excède les capacités du niveau inférieur (principe de suppléance). Appliqué dans toute sa plénitude, le principe de subsidiarité conduit l'Etat à déléguer certains de ses pouvoirs aux collectivités territoriales lorsqu'il considère qu'elles sont mieux à même de les assumer, compte tenu de leur proximité aux citoyens. Le principe s'applique dans divers pays pour donner corps à la décentralisation. Quelle sera l'étendue de son application au Maroc ? Le principe ne concerne pas les domaines relevant de la compétence des collectivités territoriales, ni ceux qui demeurent de la seule compétence de l'Etat. Il ne s'applique qu'aux questions relevant d'une compétence partagée entre l'Etat et les Collectivités territoriales, qui posent des problèmes d'attribution. Il faut admettre que l'application de ce principe est soumise à la dynamique : ce qui paraît être le meilleur niveau de décision aujourd'hui ne le sera peut-être pas demain, du fait de transformations sociales ou des évolutions des capacités. Il est donc difficile de dégager des projections claires sur son application. Pour autant, il semble évident qu'il est nécessaire de préciser comment sera appliqué le principe de subsidiarité.
Le chantier de la déconcentration au cœur des priorités
Il est difficile de penser la régionalisation, encore moins de lui donner un contenu effectif et pertinent, sans se prononcer sur le schéma institutionnel de la déconcentration. Un schéma qui a donné lieu à différentes configurations, sans qu'une mouture finale ne soit proposée au débat public. Parce qu'il aura nécessairement des incidences sur l'organisation du travail administratif et gouvernemental les aspects institutionnels de ce schéma doivent être précisés. En outre, ses volets budgétaire, comptable et de ressources humaines doivent faire l'objet d'un traitement spécifique.
Le nouveau transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales appelle une nouvelle approche de la gestion des finances publiques. La mise en œuvre de la Loi organique relative aux Lois de finances (LOLF) devrait déboucher sur de profondes remises en question au sein des administrations centrales de l'Etat, mais l'essentiel de son succès relèvera des pratiques développées au niveau territorial. La budgétisation par destination devrait s'orienter vers de nouvelles formes de territorialisation des politiques publiques, attachées à concilier la rationalité de performance portée par la LOLF et la rationalité de la cohérence des actions de l'Etat sur le territoire. La LOLF aura à prendre en compte les nouveaux rôles des walis, porteurs de la vision transversale de l'Etat sur le territoire, coordonnateurs des services déconcentrés. La refonte des textes relatifs aux pouvoirs des walis et gouverneurs est, en outre, une nécessité pour la nouvelle étape de la régionalisation. Par ailleurs, la réforme de l'administration territoriale va induire celle du rôle du wali dans la nouvelle procédure budgétaire, l'élaboration des programmes de développement au niveau territorial, la promotion des nouveaux outils destinés à mutualiser les crédits déconcentrés. La perspective d'une régionalisation des politiques sectorielles, le renforcement de l'entité élue dans sa capacité à contractualiser avec l'Etat et les acteurs locaux sont autant de facteurs qui plaident pour donner aux agences territoriales une nouvelle identité: les intégrer dans le dispositif de l'administration régionale sous le contrôle des élus.
Dans ce chantier de la régionalisation, il est une réforme qui est d'une urgente nécessité. C'est celle de l'administration territoriale de l'Etat. C'est elle qui permettra la montée en puissance de l'échelon régional. Elle exige la mise en place de nouvelles structures régionales, provinciales et préfectorales de l'administration de l'Etat. Il est important aujourd'hui d'engager un travail de clarification des règles de gestion des ressources humaines au sein de ces nouvelles structures.
Vaste programme qui, on le conçoit, ne peut être conduit à terme à l'horizon de l'échéance électorale. Mais la crainte est réelle de voir invoquer l'urgence de l'adoption des dispositions constitutionnelles relatives aux collectivités territoriales pour étouffer le débat public que requiert l'adhésion à une réforme fondamentale pour la rénovation des structures de l'Etat.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.