On le sait, les PME-PMI sont les premières victimes des retards interminables de paiement. Du coup, chaque structure a sa méthode pour s'adapter à cette donne devenue structurelle au fil du temps. Si certaines entreprises résistent et parviennent à équilibrer leur trésorerie en faisant appel ou en négociant des délais confortables avec leurs fournisseurs, d'autres se voient souvent dans l'obligation de mettre la clé sous le paillasson. Il fallait donc mettre fin à l'hémorragie, d'où l'adoption de ce texte de loi réglementant les délais de paiement des créances. Une sacrée victoire pour le monde des affaires qui a pesé de tout son poids pour combler ce vide juridique. À la question de savoir si cette loi changera le quotidien des entreprises, Hamid Errida, manager au cabinet juridique Garrigues Maroc, a un avis tranché. «Dans un contexte économique marqué par l'attentisme, l'application de cette loi reste quasiment impossible. Et même dans le cas de son application, l'amélioration des délais de paiement ne sera ressentie qu'à long terme», déplore-t-il. Même son de cloche auprès de Pascal Bonaud, directeur général d'Adam Maroc, société spécialisée dans le conseil en construction métallique : «Prenons l'exemple de l'Etat français qui avait fixé le délai de paiement à 30 jours. Valeur aujourd'hui, la France a du mal à l'appliquer. Ce sera certainement le cas de l'Etat marocain aussi», souligne-t-il. En effet, la réussite de ce projet est conditionnée par l'implication en premier lieu de l'Etat. En un mot, il est censé donner l'exemple. «S'il applique le délai de paiement, cela va forcément avoir un impact positif sur le marché. Car il faut dire que les retards de paiement de l'Etat sont à l'origine de ce cercle vicieux que nous vivons actuellement», constate Errida. Aujourd'hui, les délais de paiement tournent «autour d'une moyenne de 120 jours pour les établissements privés, alors que pour les marchés de l'Etat, les délais peuvent aller jusqu'à 180 jours», tient à préciser Tawfik Benzakour, directeur des risques au sein du cabinet Euler Hermes. BTP et services, premières victimes Notons que les PME opérant dans les secteurs du BTP et des services sont les structures qui souffrent le plus du phénomène des retards de paiement. Dans ces secteurs clés de l'économie marocaine, l'impact a commencé à se faire sentir en 2009, mais «la vraie dégradation a été ressentie au premier trimestre 2011», explique Tawfik Benzakour. Le retard de paiement constaté au niveau du secteur du BTP est essentiellement dû à la baisse de l'activité des constructions. Ce sous-secteur a été impacté par le désengagement du négociant dans l'immobilier ainsi que le paiement en retard de l'Etat. Et comme un effet boule de neige, l'impact s'est propagé aux autres sous-secteurs tels que les cimentiers, l'industrie aluminium, la menuiserie... Autrement dit, le seul moyen que les entreprises avaient pour maintenir l'équilibre de leur trésorerie consistait à prolonger les délais de paiement des fournisseurs. Une thèse que confirme Jawad Mohamed Adyel, directeur général de Sotheca, spécialisée dans les installations. Ce dernier rappelle que «le paiement des décomptes dans le secteur du BTP passe par plusieurs intervenants». Cette opération se fait au minimum en quatre mois, pour les clients du privé. «L'Etat, quant à lui, paie au minimum dans un délai de 6 mois», ajoute Jawad Mohamed Adyel. Pour ce dernier, le prolongement des délais est favorisé par la forte concurrence. Cela étant, son entreprise se refuse le droit de poursuivre ses clients en justice quel que soit le délai de retard. «Il faut savoir qu'il y a des clients avec lesquels nous réalisons la plus grande partie de notre chiffre d'affaires. Du coup, nous sommes obligés d'être flexibles», déclare-t-il. Cela n'est pas valable pour le secteur des services où la principale charge reste les salaires des employés qui doivent, eux, être payés dans les délais. «L'entreprise doit jongler avec sa trésorerie en attendant de se faire payer par le client qui, lui, prend son temps, surtout quand il s'agit de marchés publics», soutient Errida. Dans ce sens, Pascal Bonaud, directeur général d'Adam Maroc, souligne que «les délais de paiement clients sont en moyenne de 90 jours. Or pour une entreprise de service, cela veut dire que le paiement fournisseurs se fait au comptant. Honnêtement, depuis notre installation au Maroc, nous réalisons l'équilibre du BFR à travers les fonds propres de l'entreprise». Lire aussi: Des pistes pour réduire les risques Point de vue: Tawfik Benzakour, Directeur du département risque et information- Cabinet Euler Hermes Acmar Service L'une des solutions les plus envisageables pour mieux se prémunir des risques des retards ou des cessations de paiement, c'est le transfert du risque en contractant une assurance crédit. C'est une forme très particulière d'assurance qui garantit les entreprises contre les défauts de paiement des clients survenus pour des motifs économiques ou autres. En effet, lors de la passation du marché ou la signature d'un contrat de vente, le fournisseur oblige son client à signer cette assurance crédit. Faire appel à ce type d'assurance permet également de se prémunir en amont et en aval du risque. Concernant la protection en amont, grâce à notre expertise et notre réseau à l'échelle nationale et internationale, nous pouvons analyser l'historique du client sur le marché et avoir une idée sur sa solvabilité avant même la signature du contrat. Par rapport à la protection en aval, en cas de litige de paiement, nous indemnisons le contractant d'une assurance crédit à hauteur de 80% du montant de la créance.