«On avait sous-estimé l'impact du 20 février et force est de constater que les résultats sont en dessous de ce que nous espérions. Ensuite, l'attentat de l'Argana est venu planter un clou pour installer la destination Maroc dans la défiance». Ces deux phrases d'Othman Chérif Alami, PDG d'Atlas Voyages et ancien président de la Fédération nationale du tourisme résume à elles seules les deux principaux maux dont souffre le tourisme national depuis le début de l'année 2011. La donne a été compliquée par la coïncidence du mois de Ramadan avec le mois d'Août. Mais, s'il est encore un peu tôt pour faire le bilan de la saison estivale, comme le défend Hamid Addou, le directeur général de l'ONMT : «Il faut attendre la mi-septembre pour avoir une vision globale chiffrée», on peut cependant d'ores et déjà esquisser les contours de ce qu'on peut qualifier de saison difficile. Cette difficulté a été ressentie sur tous les segments, même s'il y a lieu de différencier les performances selon les chiffres fournis par les professionnels. «Ces chiffres sont ceux des professionnels qui vivent l'activité, et ils peuvent ne pas paraître évidents à la lumière des statistiques globales pour diverses raisons», argue Othman Chérif Alami. Repli significatif En tout cas, le repli est significatif. Ainsi, sur les 3 à 4 étoiles, les nuitées régressent de 20 à 25% à fin juillet. À fin août, le repli est encore plus important et frise les 50%. Pour les 5 étoiles, c'est quasiment la même tendance pour les mois de juin et juillet, et le repli en août se creuse à 70% ! «Dans certains riads de luxe, on enregistre des taux d'occupation très bas, autour de 10%», s'alarme le PDG d'Atlas Voyages, mais ce qui l'inquiète le plus, c'est la chute dans les circuits de groupe qui touchent des villes comme Marrakech, Casablanca ou Agadir et qui ont des conséquences encore plus désastreuses sur des villes comme Fès et Ouarzazate. Ils connaissent une chute qui varie de 20 à 50%, malgré une certaine reprise ressentie en août dans les hôtels clubs, qui sont irrigués par les tour operateurs (TO). Mais comme l'explique un professionnel «ce sont les mieux lotis». «En ce qui concerne les principaux marchés exportateurs de touristes, comme l'Espagne et la France, nous constatons une stagnation, voire une chute du nombre d'arrivées», avance Othman Chérif Alami, qui rejoint en cela ce qui est avancé par le dernier baromètre des TO français, dont une lecture analytique vous a été présentée dans l'édition du 30 août (www.lesechos.ma). Le phénomène de défiance a amené les touristes français et espagnols, entre autres, à opter pour d'autres destinations, comme la Turquie ou le sud de l'Europe. «On aurait pu retourner la tendance en injectant 200 ou 250 millions de dirhams dans une communication intelligente», lance l'ancien président de la FNT, en invoquant l'impact de la promotion dans le pourtour méditerranéen en 2010. «Nous n'avons pas voulu changer nos plans pour ne pas subir comme les autres pays», argue Hamid Addou, qui admet l'impact significatif de l'attentat d'Argana qui s'est traduit par un repli au mois de juin. Occuper le terrain «Nous avons préféré faire parler du Maroc différemment, en mettant en avant des évènements comme le 10e anniversaire du classement de la place jamaâ el Fna au patrimoine universel, le concerts pour la paix ou encore le match de football de l'équipe nationale», explique le directeur général de l'ONMT qui soutient qu'il fallait surtout «occuper le terrain». À partir de ce mois l'Office entend redémarrer les campagnes de promotion. L'investissement dans la promotion de la destination Maroc est une nécessité surtout quand on voit l'effort turc en la matière, qui porte ses fruits. «Plus il y a de concurrence, plus il faut investir en communication», valide Hamid Addou qui nie tout problème de budget pour son Office, même en ce contexte ou les finances de l'Etat sont vacillantes. La question a le mérite d'être posée surtout que l'on sait que la situation budgétaire de l'Etat ne va pas s'arranger l'année prochaine. «C'est au gouvernement de décider de ses priorités stratégiques», élude le DG de l'ONMT. Il préfère se concentrer sur son travail et prépare déjà une journée, à Marrakech, de présentation de l'offre MICE (Meetings, incentives conferences and exhibitions) aux patrons marocains. Il défend que c'est un enjeu de haute importance. D'ailleurs, les bonnes nouvelles se confirment sur l'offre MICE marocaine, puisque Othman Chérif Alami affirme que depuis une semaine, les réservations sur les séjours d'affaires commencent à affluer. C'est bon à prendre, surtout que selon les professionnels et les TO «Il faudra tenir le coup jusqu'en janvier ou février». En attendant, il faut plier pour ne pas rompre, d'autant qu'une autre bonne nouvelle vient éclaircir un peu plus le tableau sombre de cette saison touristique estivale difficile. À fin juillet, nous enregistrons plus de rapatriements de devises qu'en 2010. C'est que malgré la crise, le panier moyen du touriste augmente... En attendant le tourisme interne... On pourrait penser que le tourisme interne pourrait contribuer à compenser la baisse du tourisme externe. Que nenni ! Et pour cause, «nous disposons seulement d'une offre significative pour les segments A et B. Quand on aura développé une offre plus élargie à destination des touristes nationaux, ces derniers pourront devenir des contributeurs plus importants aux chiffres du secteur», avance Hamid Addou. En attendant, les segments A et B restent vivaces et Othman Chérif Alami s'attend à un beau rush pour l'Aïd al Fitr, avec des taux de remplissage dans certains établissements qui peuvent atteindre 70 à 80%. Toutefois, le rush risque d'être atténué par l'imminence de la rentrée scolaire et par des budgets érodés pendant le mois de ramadan. Mais aussi, par une communication pas assez efficace aux yeux des opérateurs. Alors, même si quelques uns se rueront sur des destinations comme Paris ou Istanboul, la plupart resteront chez eux et le tourisme national sera le plus affecté par la coïncidence du mois de ramadan avec la saison estivale. Cette donne restera valable pour les prochaines années et il faudra absolument la prendre en compte à l'heure d'élaborer une vraie offre à destination des touristes nationaux.