Les Echos quotidien : Vous êtes en train d'apporter les dernières retouches à votre deuxième documentaire «Honte» sur les mères célibataires au Maroc. Quelle est la particularité de ce film par rapport à ce qui a déjà été réalisé sur ce fléau ? Mohamed Nabil : Je pense que c'est le traitement filmique de cette question des mères célibataires qui est nouveau. Je montre dans mon film les biographies de deux jeunes mères célibataires dans lesquelles il y a une sorte de condamnation de la société, de l'homme et l'Etat. La femme marocaine, entre autres la mère célibataire, vit dans un cercle vicieux et le film donne une vision globale sur ce cercle. J'ai donné la parole à des sociologues, des activistes, des spécialistes de la question religieuse et juridique, car je voulais que mon film soit un miroir reflétant les marges et les ombres de la société. «Honte» parle des mères célibataires qui ne sont pas engagées dans une association féminine, et qui représentent la majorité de ces mères ne bénéficiant pas de soutien de la société civile. Votre premier documentaire «Rêves de femmes» aborde l'histoire de trois femmes allemandes converties à l'Islam. Comment le public allemand a-t-il accueilli ce film ? Le film a été bien accueilli par le public allemand à Berlin et cette projection m'a permis de voir plusieurs visions et interprétations de ce film. «Rêves de femmes» a soulevé plusieurs points problématiques concernant la présence de l'Islam en Europe. Il y a même des personnes qui ont cru que le film montrait une image négative de la religion surtout que j'ai présenté le soufisme dans le film. Personnellement, je travaille sur la présence des phénomènes religieux avec une distance personnelle. Le film a montré deux visions sur la religion, celle du soufisme et celle du mariage mixte avec un musulman et même au sein de l'interprétation soufie de la religion. Je considère «Rêves de femmes» comme un bouquet de fleurs au féminin. Les femmes sont omniprésentes dans vos films. Pourquoi ? Depuis des années, je m'intéresse à la question et la cause féminine pour plusieurs raisons. D'abord, le travail avec les femmes me donne une grande possibilité de découvrir l'ampleur des marges de la société. Lorsqu'on donne la parole aux femmes, on découvre le noyau de plusieurs silences. Quand je traite un sujet lié aux femmes, je vois vraiment ce qui est minuscule dans une telle société. Par ailleurs, je m'intéresse à l'écriture, dans laquelle la femme occupe une place centrale. J'écris des nouvelles traitant le thème des femmes. Le traitement filmique pour moi reste une aventure pour voir à quel point les sociétés arrivent à vivre cette contradiction entre le «dicible» (la femme représente la moitié de la société) et l'indicible (la femme est marginalisée). Je suis trop passionné et curieux de vivre cette aventure où la pathologie joue son rôle primordial et surtout dans les sociétés comme le Maroc. Quels sont vos projets ? Je travaille sur plusieurs projets traitant la question des femmes derrière les barreaux. Cette question m'intéresse et je suis prêt à entamer cette nouvelle aventure afin de lever le rideau sur un côté sombre et obscur de la femme marocaine.