Les principales agences internationales gardent toujours confiance dans le Maroc. Après les américaines Fitch ratings (BBB-), Standard & Poor's (BBB-) et Moody's (Ba1) qui ont toutes confirmé leur notation pour le risque pays avec des perspectives stables, c'est au tour des agences française COFACE (A4) et chinoise, Dagong (BBB+), de s'inscrire dans la même logique. La note souveraine du pays est donc confirmée en ces moments d'incertitude au niveau international où plusieurs pays, principalement de l'Europe, font les frais de la notation de ces puissantes agences. Les cas de la Grèce, de l'Espagne ou de l'Italie sont, à ce titre, assez édifiants et illustrent, si besoin était, la force de frappe des agences de notation, à laquelle est désormais liée le sort de plusieurs pays et le destin de plusieurs peuples. C'est une raison pour le Maroc de se réjouir de cette performance, qui fait écho aux incertitudes qui émergent au niveau interne, en raison d'un contexte politique en mal de visibilité et, surtout, à la santé économique chancelante du royaume. C'est pourtant sur la base des réformes politiques et des efforts entrepris sur le plan économique qu'ont tablé les agences de notations pour confirmer leurs jugements dont les approches et les appréciations divergent. Les points forts du Maroc La COFACE et Dagong ont ainsi mis en exergue, «les réformes envisagées dans le sillage du printemps arabe, qui ont été appuyées par la quasi totalité des partis politiques», dixit les analystes de la compagnie française d'assurance à l'exportation. En dépit des difficultés structurelles et conjoncturelles au niveau de certains secteurs, l'économie marocaine se porte relativement bien. Les prévisions de croissance restent, dans, l'ensemble, dans la marge des chiffres annoncés par le gouvernement. Selon la COFACE, les points forts du Maroc, outre sa stabilité politique, sont liés à l'existence de ressources naturelles, d'un vaste potentiel touristique et de la proximité du royaume par rapport au marché européen. La position géographique et la taille du marché local, «en font une base idéale pour l'implantation d'industries». L'agence française met également en avant la «stratégie de montée et de diversification de la production, avec des secteurs prioritaires, ainsi que la politique de stabilité macroéconomique poursuivie par les autorités». Globalement, la COFACE estime que «la croissance de l'économie marocaine, en 2011, doit rester principalement portée par la demande interne, avec un relatif dynamisme des activités non agricoles». Parmi les secteurs qui devront en bénéficier, l'automobile et le bâtiment, «sous l'impulsion du développement social par le gouvernement». Etat de grâce La confirmation de la note souveraine marocaine ne constitue pas pour autant un chèque en blanc pour les autorités, qui pourraient se servir de cet argument pour dormir sur leurs lauriers. Elle constitue plutôt une sévère mise en garde, la note pouvant être dégradée à n'importe quel moment et surtout en fonction de l'évolution de la situation économique et politique du pays. La COFACE relève d'ailleurs, parmi les points faibles du Maroc, «une économie encore très dépendante du secteur agricole, une productivité et une compétitivité insuffisante à cause, pour cette dernière, du fait qu'elle soit en partie érodée par l'ancrage de la monnaie à un panier de devises». Les analystes mettent en garde également contre le taux de la pauvreté et du chômage, en particulier chez les jeunes et qui sont porteurs de risques de tensions sociales. À cela, s'ajoute la vulnérabilité de l'activité touristique à d'éventuelles actions terroristes comme démontré par le terrible attentat d'Argana en avril dernier. C'est pour ces raisons, d'ailleurs, que l'agence de notation Dagong, tout en maintenant la note du crédit en monnaie locale et en devises étrangères du Maroc, a abaissé la perspective de stable à négative. Pour l'agence chinoise, «la position financière du gouvernement tend à se détériorer et la durabilité de solvabilité devrait diminuer». En cause, d'abord, la situation politique du pays, avec l'impact du printemps arabe et la question de la sécurité intérieure. Cependant, les plus grands risques proviennent de l'environnement économique. Selon les analyses de Dagong, «en raison de l'impact de la crise de la dette européenne et américaine, le Maroc sera amené à maintenir un taux de croissance modéré à l'avenir». Comme le développement économique du Maroc dépend principalement de la demande des économies avancées, souligne les Chinois, la crise de la dette aggravée en Europe et aux Etats-Unis continuera d'avoir un impact négatif sur le commerce des biens et services au Maroc, qui se traduira par le déclin des investissements étrangers directs et des transfèrent de fonds. C'est un point sur lequel les deux agences convergent pour conclure que «ces facteurs négatifs vont freiner la croissance de l'économie marocaine pendant une longue période». Alors que Dagong prévoit un taux moyen de croissance économique pour les deux prochaines années autour de 4,4%, et dans le moyen et long terme une croissance toujours modérée, COFACE l'estime à 3% pour 2011. Pourtant, l'agence française paraît plus confiante dans les leviers de soutien à la croissance dont dispose le pays, en reconnaissant certes, «une détérioration des déficits jumeaux», mais aussi et dans le même temps, «un endettement extérieur relativement modéré». Ce dernier est, en effet, «largement public et dû en grande partie à des conditions concessionnelles, ce qui constitue un avantage certain». Dagong pointe également du doigt les difficultés auxquelles sera confrontée la situation budgétaire du pays durant les prochaines années, Le ratio du déficit du Maroc sera de 6,1% en 2011 et 5,7% et 2012 respectivement, prévoit Dagong. Dans le même temps, les analystes chinois relèvent le fait que l'équilibre des paiements s'est détérioré, à quoi s'ajoute une diminution des réserves de change, l'augmentation de la dette extérieure et la légère dépréciation de la monnaie locale, qui concourent à accentuer «le déclin de la solvabilité extérieure du Maroc». Sur ce plan, le verdict de Dagong est sans concession. «Les réserves officielles de change sont épuisées et le ratio de couverture des financements extérieurs a commencé à baisser et le fardeau de la dette extérieure totale du Maroc restera au-dessus de 29% dans les deux prochaines années». Néanmoins, les deux agences tempèrent leurs conclusions en soulignant qu'en raison de la petite échelle de la dette extérieure et de sa supervision gouvernementale stricte, «son risque de solvabilité peut être contrôlé dans le moyen terme», selon Dagong, qui rejoint l'avis de COFACE. Cette dernière estime, à juste titre, qu'avec un régime de change administré et un niveau de réserves assez confortable, le pays dispose d'une capacité de résistance satisfaisante à un retrait brutal de capitaux». Et de conclure par une bonne note sur le système bancaire marocain, «le plus développé de l'Afrique, en dehors de l'Afrique du Sud, qui demeure bien capitalisé, liquide et rentable». Ces jugements placent donc le Maroc en état de grâce. L'avis des experts de la COFACE à ce sujet paraît assez intéressant. Dans le contexte actuel, les progrès réalisés en matière d'environnement des affaires semblent insuffisants, soutient la COFACE, qui souligne que la population se plaint encore «de la corruption, du clientélisme et de la mal gouvernance». C'est une raison pour impulser plus d'audace et d'innovation dans le processus de réformes politiques et économiques en cours, en vue de maintenir la tendance et de garder la confiance des marchés internationaux. Il reste à juger désormais la portée de ces notations, à l'heure où la fronde contre les agences commence à éroder leur crédibilité. Les agences de notation sur la sellette «Le chien aboie, la caravane passe !». Les agences de notation internationales ont été, ces derniers temps, sur la sellette en raison de l'impact de leur verdict sur la situation de plusieurs pays. Accusées d'avoir «précipité la crise» au niveau de plusieurs pays d'Europe, des actions en justice ont été intentées contre plusieurs d'entre elles, jusque là sans succès, il est vrai. Mais avec la dégradation, il y a quelques mois, de la dette souveraine des Etats-Unis, ces agences ont retrouvé un peu de leur superbe et surtout, ont démontré leur indépendance, doublée d'une véritable «capacité de nuisance». Pouvoir Pour contrer la puissance face aux agences américaines, l'Europe pense à en créer une et déjà la Chine dispose depuis 2010 de sa propre agence de notation, Dagong Global Credit Rating Co, qui commence à prendre de l'envergure. Le règne des agences de notation sur le marché de la finance internationale et le monde économique n'est donc, pas près de s'estomper et c'est là où le Maroc réalise un joli coup. La notation du pays, si elle se confirme dans les prochains mois sera d'un précieux apport en cas de recours à l'international pour une levée de fonds, issue que certains analystes estiment inévitable pour le prochain gouvernement. Selon le CMC, les agences de notation agréées qui «constituent de véritables aiguilleurs du ciel de la finance et de l'économie mondiales, sont devenues les médecins modernes pour juger de la bonne santé des différentes économies de la planète». Depuis la réglementation bancaire Bâle II de 2006 et surtout depuis le début de la crise économique de 2008, ces agences se révèlent détenir un puissant pouvoir pour l'établissement des diagnostics voire des prédictions du potentiel compétitif de tous pays sans exception. Tout est dit...