Opération séduction pour le ministère du Tourisme. Détrompez-vous ! Il ne s'agit nullement de convaincre des opérateurs étrangers mais c'est plutôt vers l'opinion publique, à travers les médias, que Yassir Znagui, ministre du Tourisme, s'est orienté afin de lever le voile sur la Vision 2020 de son département. Ou du moins, comment le nouveau ministre, ayant pris le train déjà en marche, voit cette stratégie avant de dresser un bilan d'étape, un an après son lancement. Le ministre insiste d'emblée sur le fait que «la Vision 2020 est une stratégie en cours d'élaboration». Elle ne sera effectivement arrêtée que le 14 octobre prochain à l'occasion de sa présentation, lors des 10e assises du tourisme prévues à Marrakech et, d'ici là, des changements pourront toujours y être intégrés. Rien n'est figé. «L'atteinte des objectifs fixés pour le secteur touristique passe inéluctablement par une mobilisation nationale», lance Znagui lors du point de presse organisé hier à Casablanca. C'est d'ailleurs, à ce niveau que la nouvelle stratégie du secteur du Tourisme diffère de la Vision 2010. Cette dernière servirait alors, à travers les défauts qui en ont résulté et sur lesquels il faut capitaliser afin de faire de la Vision 2020 une stratégie axée sur le qualitatif plutôt que le quantitatif. En effet, le ministère de tutelle veut assurer une grande mobilisation des différents acteurs à travers l'adoption d'une démarche basée sur la régionalisation et le développement territorial. C'est dans ce cadre que le représentant des pouvoirs publics a entamé, en collaboration avec la Fédération nationale du Tourisme, une série de consultations avec les principaux acteurs de la politique touristique dans les différentes régions du Royaume. Cependant, à ce jour, les concertations qui ont concerné trois villes, à savoir Rabat, Agadir et Marrakech n'ont pas été exemptes de critiques. Dans la capitale du Souss, rapporte-t-on, l'on a reproché au ministère, le manque de concertation lors de la définition même de la Vision 2020. Vision 2020, une stratégie nationale C'est dans ce contexte que Yassir Znagui et son équipe ont essayé, avant l'entame de la prochaine étape prévue à Tanger, le 22 juillet courant, d'apporter des éclairages sur ce qu'ils attendent concrètement de ces concertations et, partant, de leur démarche régionale. Selon le ministre, «chacune des régions du Royaume dispose de ces propres atouts que seuls les opérateurs locaux peuvent cerner». C'est la raison pour laquelle le ministre du Tourisme invite les différents acteurs régionaux à mener également des réflexions à leur niveau et «de se faire les ambassadeurs de la Vision 2020 dans leur collectivité locale», ajoute-t-il. Il faut, par ailleurs, signaler, que si le 14 octobre prochain a été désigné comme échéance pour dévoiler la stratégie du ministère, ce dernier a cependant confirmé que les concertations devraient se prolonger jusqu'en juin 2011, date à laquelle des Contrats programmes régionaux devront être signés. Ce qui renforce davantage la thèse de ceux qui plaidaient jusque là par la divulgation des grandes lignes seulement de la Vision 2020 en octobre prochain, tandis que le détail n'interviendrait qu'après la signature des contrats programmes. D'ailleurs, pour Znagui, «la Vision 2020 est une stratégie nationale qui définit l'ambition fédératrice qui doit être articulée en programmes régionaux». Cela permettrait ainsi au secteur touristique d'être une locomotive de la croissance économique du pays et de stimuler l'activité de toutes les régions du Royaume. Il faut, enfin, signaler que le ministre du Tourisme a insisté dans son intervention sur la nécessité de revoir les ciblages dans le cadre de la nouvelle stratégie. En effet, le Maroc ne peut plus se contenter d'avoir deux marchés mais doit élargir sa cible vers d'autres, à l'image des marchés polonais, allemand et brésilien. Pour se faire, il est nécessaire de fournir aux touristes et aux investisseurs étrangers du secteur, des informations à même de les inciter d'adopter la destination Maroc. Quand Ramadan inquiète ! Quoique ambitieuse, la stratégie 2020 devra faire avec une variable de taille. Il s'agit, en effet, de l'avènement du mois sacré de Ramadan, en pleine période estivale, qui représente la haute saison pour le tourisme. Or, cela ne semble guère inquiéter le ministre du Tourisme. Celui-ci affirme en effet, qu'il serait judicieux de penser à une réadaptation du produit afin de faire du Ramadan une force commerciale. En effet, Y. Znagui table sur la perception par les étrangers des traditions qui accompagnent le mois sacré. Même son de cloche au sein de la FNT. Son président, Othman Chérif Alami parie, quant à lui, sur les activités nocturnes qui accompagnent généralement le Ramadan afin de permettre aux opérateurs touristiques de combler l'impact de ce mois. Cependant, le constat actuel fait état d'un certain attentisme des opérateurs quant à la conception de nouveaux produits et de la mise en place de promotions tarifaires. Cette situation s'expliquerait, selon les représentants du secteur, par l'attente d'un retour sur l'expérience de ce premier été coïncidant avec le Ramadan. Dès l'année prochaine, on devrait en effet avoir droit à une meilleure réactivité dans le secteur. Les voyagistes veulent se restructurer «C'est une initiative louable», souligne Faouzi Zemrani, voyagiste et fin connaisseur du secteur de la distribution touristique, en réaction à la création du MTMC. Les réceptifs marocains sont, selon lui, de véritables professionnels qui ont acquis un savoir-faire au fil des années en confectionnant des produits répondant à la demande internationale. «Malheureusement, comme pour l'artisanat, ces produits n'arrivent pas au consommateur», indique-t-il. Pour cause, c'est un secteur peu structuré et tourné exclusivement vers l'organisation du pèlerinage vers les lieux saints (plus de 80% des voyagistes). Pour Zemrani, le salut de ce secteur passe par le web et l'Office national marocain du tourisme (ONMT), à travers la mise en place d'un portail national dans lequel «nous pourrions achalander nos offres et pousser les clients à acheter en direct dans un esprit de commerce équitable», souligne-t-il. L'ambition est d'établir aussi une relation avec les agences et les réseaux indépendants implantés dans des régions des pays cibles et desservies par des lignes point à point, soit par la Royal Air Maroc (RAM), soit par les compagnies aériennes low-cost. «Certes, l'ONMT aura du mal à ménager la chèvre et le choux, connaissant le lobby des TO, mais notre position est précaire. Il y va de l'avenir de toute une profession», prévient Fouzi Zemrani.