Directeur des investissements et des exportations au sein de l'AMDIE Au cœur du Choiseul Africa Business Forum, la notion de « Made With Africa » prend une dimension stratégique nouvelle. Elle ne vise plus à produire pour l'Afrique, mais avec l'Afrique, en co-construisant les chaînes de valeur, en renforçant l'intégration locale et en structurant des écosystèmes industriels continentaux. Youssef Tber, directeur des investissements et des exportations au sein de l'AMDIE, était l'un des intervenants du panel inaugural « Made With Africa : industrialisation, innovation et exportations pour une croissance partagée ». Entretien. Concrètement, comment interprétez-vous l'esprit Made With Africa dans les partenariats économiques actuels ? L'idée centrale du « Made With Africa » est de dépasser les schémas traditionnels où l'on produisait "pour" l'Afrique ou "depuis" l'Afrique, pour passer à un modèle où l'on conçoit, finance, valorise et exporte ensemble. C'est un changement profond de philosophie et d'approche. Concrètement, cela signifie que les projets sont pensés en co-construction : dès la phase de conception, les partenaires africains participent aux choix industriels et aux montages financiers. Nous parlons donc de chaînes de valeur partagées, avec des taux d'intégration locale croissants et des mécanismes de transfert de compétences structurés. L'Afrique n'est plus seulement un marché. C'est un espace de production, d'innovation et de compétitivité. L'enjeu est de faire émerger des écosystèmes industriels continentaux, appuyés sur la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf), afin de diversifier les exportations africaines et renforcer leur place dans les échanges mondiaux. Enfin, « Made With Africa » implique un partage de valeur équitable : les bénéfices doivent se traduire en emplois locaux, en montée en gamme des savoir-faire, en gouvernance ESG solide et en développement de PME locales. C'est un modèle mutuellement gagnant, tourné vers l'avenir. C'est dans cet esprit que la politique continentale marocaine s'inscrit impulsée par la Vision éclairée de Sa Majesté Le Roi. Qu'est-ce qui fait aujourd'hui du Maroc une plateforme de co-investissement crédible en Afrique ? Le Maroc bénéficie d'abord d'un retour d'expérience concret : depuis plus de deux décennies, plusieurs champions marocains se sont développés avec succès en Afrique — dans la finance, les télécoms, les engrais, le BTP, la logistique, la santé... Cela nous confère une capacité d'exécution et d'adaptation reconnue. Ensuite, le Royaume a construit une plateforme industrielle et logistique de classe mondiale, avec Tanger Med comme hub majeur, des zones industrielles intégrées, des corridors efficients et une connectivité maritime parmi les plus efficaces au monde. Cela permet aux investisseurs de disposer d'une porte d'accès compétitive vers l'Afrique, mais aussi vers l'Europe et l'Amérique. Nous avons également consolidé un cadre d'investissement stable et incitatif, renforcé récemment par la Nouvelle Charte de l'Investissement. À cela s'ajoute un positionnement stratégique sur l'énergie bas carbone, grâce au développement avancé des énergies renouvelables, ce qui donne un avantage compétitif important dans un contexte international marqué par le coût carbone et les exigences de durabilité. Là aussi, la clairvoyance du Souverain a permis de positionner le Maroc très tôt sur ces enjeux et d'anticiper la transition énergétique à laquelle nous devons faire face aujourd'hui. Quels secteurs vous semblent les plus porteurs pour une croissance africaine construite avec les acteurs locaux ? Plusieurs secteurs présentent aujourd'hui un potentiel d'impact et de création de valeur très fort lorsqu'ils sont travaillés en partenariat avec les acteurs locaux. L'agro-industrie, notamment la transformation, la logistique du froid et la valorisation des productions locales, est essentielle pour renforcer la souveraineté alimentaire du continent et développer ses exportations régionales. Le continent africain possède des ressources très importantes de matières premières agricoles mais également en termes de terres arables. Il est de la responsabilité collective africaine de mieux valoriser ce potentiel à travers des projets conjoints intra-africains. Les énergies renouvelables répondent à la demande croissante en énergie verte abordable, tout en soutenant l'industrialisation. Ils permettent également la création d'emplois qualifiés dans les territoires. L'exemple du Royaume dans ce secteur est parlant. Grâce à une Ambition Royale avant-gardiste, le Royaume a su capitaliser sur le potentiel énergétique et en faire un véritable levier de croissance pour le pays. Cette expérience, le Royaume la met au service de nos partenaires continentaux afin de permettre l'essor et le développement d'un secteur de l'énergie porteur d'opportunités économiques et de bénéfices sociaux indéniables pour les populations locales. Les industries de la santé, en particulier les génériques, les dispositifs médicaux et la maintenance biomédicale, offrent des perspectives de production locale avec un fort impact social. Il s'agit d'un secteur essentiel à la souveraineté sanitaire du continent et au développement humain africain. La mobilité constitue un levier important, avec une montée en gamme progressive des chaînes de valeur en intégrant la valorisation des matières premières africaines et la transformation locale. Le continent africain est riche en ressources, il est nécessaire d'en tirer davantage de bénéfices au niveau local. Enfin, le numérique, la fintech et les services BPO représentent un axe majeur de croissance inclusive, porté par une jeunesse africaine dynamique et connectée. C'est un secteur où le capital humain est la ressource première. Or le capital humain est sans doute la première richesse du continent africain. Dans tous ces domaines, ce qui fait la différence, c'est la co-création de capacités locales. C'est là que se situe la véritable valeur du « Made With Africa ». Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO