A qui le tour? La question taraude les esprits, notamment dans la communauté des analystes financiers, depuis que la cession du groupe Mercure.com a été officialisée, mercredi 25 novembre 2009. Certes, cela fait plus d'une année que les pourparlers sont engagés, mais c'est la concrétisation de l'opération qui a ressuscité un débat qui date de l'époque Bendidi. Sa stratégie, annoncée en grande pompe quelque temps après sa nomination à la présidence du holding royal, visait à se débarrasser de ce qu'il considérait comme des boulets, de dégager du cash renfloué par ricochet dans les activités où le groupe gagne de l'argent. Depuis, le processus a été lancé. La première à avoir été sacrifiée était Marost, une entreprise basée à Nador et spécialisée dans l'aquaculture. Cessions à bras-le-corps C'était le coup d'envoi d'une série d'actions allant toutes dans le même sens. Des opérations en pointillés, dont certaines se sont faites presque dans la discrétion. Le cas de la Monégasque en est un exemple édifiant. Cédée entièrement à Sanam Holding en décembre 2007, il a fallu que toute la presse en parle pour que le groupe se décide enfin à communiquer, obligé de toutes les façons de le faire pour être en conformité avec les exigences imposées aux sociétés cotées en Bourse. Une discrétion qui s'est accentuée en 2008 avec l'arrivée au pouvoir de Mouatassim Belghazi. Selon un analyste financier, « cela ne permet pas vraiment d'avoir une visibilité sur la stratégie de recentrage de l'ONA sur ses activités stratégiques, pourtant réitérée par le nouveau président du groupe en octobre 2008». Ceux qui s'intéressent au cas ONA ne manquent pas d'évoquer le «style Belghazi» qui ne laisse rien filtrer de la stratégie, sauf pour en donner les grandes lignes, sous un aspect voulu laconique. «Bendidi était trop show off au goût du duo Hassan Bouhemmou et Mounir Majidi, respectivement DG de Siger et secrétaire particulier du Roi. Un retour à la normale a été opéré », confie une source proche de l'ONA. Un son de cloche nuancé par une approche ayant trait au pouvoir qu'exerçaient auparavant certains actionnaires institutionnels. «Quand il y avait des étrangers dans le tour de table de certaines filiales de l'ONA, on pouvait en savoir plus sur la stratégie. Le groupe en a chassé quelques-uns et a par la même occasion tourné une page où la communication était toujours au rendez-vous. Aujourd'hui, c'est le wait and see qui règne». Preuve en est, l'ONA n'a pas fait de grande sortie quand de grands plans stratégiques nationaux ont été annoncés, portant sur des secteurs où le groupe a pourtant un pied : Maroc vert, Halieutis, stratégie environnementale... La grande question que se posent de nombreux observateurs est de savoir où est l'ONA dans tout cela, en tant que structure qui a toujours servi de locomotive. Quelle est sa stratégie par pôle et partant quelles sont les activités pour lesquelles le groupe ne compte pas miser dans le temps ? En effet, s'il est difficile de se prononcer sur les futures cessions, il est par contre aisé de deviner que des vaches à lait comme Attijariwafa bank, Lesieur, Cosumar, Centrale Laitière, Marjane-Acima... ne sont pas à mettre sur la liste des «sacrifiables». Des hommes à missions Le choix des capitaines du bateau amiral ONA durant la dernière décennie correspond à un état d'esprit où le nouveau manager est un homme à mission. En 1999, Mourad Cherif a été chargé d'atténuer les dégâts d'un gouffre financier hérité de l'ère Fouad Filali. L'investissement dans les nouveaux métiers a fait partie intégrante de la vision du nouveau patron, mais cela a fini par alourdir considérablement l'endettement du holding et lui a valu un carton rouge. En 2002, c'est un nouveau profil qui accède au pouvoir dans l'objectif d'installer une nouvelle gouvernance de l'entreprise, une notion devenue très à la mode au début de la décennie. Bassim Jaï Hokimi, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'attelle aussitôt à la tâche mais, met en parallèle un plan d'action qui lui a toujours été cher: investir davantage dans les SSII à travers le rachat d'opportunités locales et la conclusion de partenariats à l'international. Mais, le même scénario se répète. La nomination de son successeur, Sâad Bendidi en l'occurrence, avait pour objectif de débarrasser l'ONA des «parasites» qui gênent son éclosion, lui bouffent de l'énergie et ne dégagent, in fine, que très peu de cash flow. Au moment même où il devait continuer sa chasse aux activités non rentables, on l'accuse d'avoir mis le groupe en péril en embellissant à l'extrême les perspectives de développement de l'ONA. Un chef d'accusation que d'aucuns qualifiaient de prétexte pour mettre à la porte «une grande gueule». Et, pour étayer cet avis, lors du grand casting à la présidence, c'est un monsieur que tout le monde qualifie de gentil et sans histoire qui remplace Bendidi. Mais, ce n'est pas seulement pour ces «qualités» qu'il a été retenu, mais surtout pour sa grande proximité des investisseurs arabes qu'il a eu le temps de côtoyer à la Somed.