Il n'est souvent pas facile pour un manager d'inspirer ses équipes et collaborateurs par les simples mécanismes incitatifs (primes de rendement, chèques restaurant...). Pour les concepteurs des espaces professionnels, le déclic peut provenir de l'intérieur même de l'espace de travail dédié, en poussant les employés à construire progressivement leur propre approche et interaction avec l'espace de travail. Le troisième espace peut ainsi apporter des bénéfices considérables en termes d'efficacité, d'efficience et de flexibilité du travail, pour les employés comme pour les employeurs. Ces vertus, à terme, sont amenées à changer radicalement le monde du travail, notamment au Maroc, où le milieu des affaires est en train de concrétiser une nouvelle phase de son développement. Des vertus «non perçues», mais «vécues» Pour les employés, les avantages sociaux et professionnels sont légion. Une des premières opportunités qu'offre le troisième espace est certainement celle de «la communication visuelle de la marque» de l'entreprise. Une des entreprises européennes interrogées par les équipes d'Herman Miller avoue que «que le troisième espace est la meilleure façon de vulgariser notre marque dans le milieu du travail». En mettant en avant une identité singulière et propre à l'entreprise, le troisième espace peut s'avérer être «un moyen de communication percutant de la marque», auprès des visiteurs, comme auprès des employés qui s'imprègnent inconsciemment de cette identité, ce qui renforce davantage le sentiment d'appartenance à l'entreprise. Partant de là, le troisième espace favorise la culture d'entreprise en permettant, en comparaison à des bureaux privés, autant dire fermés sur eux-mêmes, «la construction d'une communauté de travail homogène et impliquée». «Combien de collaborations ou de relations de travail fructueuses, voire de génie», interroge Catchlove d'Herman Miller, «sont nées d'une rencontre inopinée autour d'une machine à café ou dans une salle de détente ?». «Ces lieux paraissent secondaires aux yeux de la plupart des dirigeants, mais c'est bien là que l'esprit des employés se libère le plus», poursuit-il, ce qui est gage de sociabilité au travail et donc de travail collaboratif mais flexible, puisque spontané. Il en découle des avantages «non perçus», mais indispensables à la montée en compétence des employés. Au premier titre de ces derniers, «le partage des connaissances». Il est en effet avéré, selon les professionnels du métier, que les employés sont plus enclins à échanger des informations aussi stratégiques soient-elles dans un espace «perçu» comme «dissocié du lieu de travail», que dans une salle de réunion formelle par exemple. En favorisant de ce fait la «création d'une énergie de groupe», le troisième espace peut servir de catalyseur et d'inspirateur de nouveaux modes de travail collaboratif, fondés essentiellement sur «la satisfaction au travail». Ainsi motivés, les employés voient d'un œil nouveau l'impératif de rendement et de productivité, même dans une logique de management par objectifs, dès lors que la pression est partout libérée. C'est une manière aussi d'améliorer la capacité des entreprises à retenir ses employés, puisque le cadre de travail est des plus propices au déploiement de leurs capacités productives. Une occupation rationnelle du sol Si autrefois l'idée de flexibilité se traduisait par le travail à distance, à domicile par exemple, le troisième espace ramène cette flexibilité à l'intérieur même de l'entreprise, avec en filigrane, la recherche de «l'espace où l'employé est le plus productif pour lui-même comme pour l'entreprise», explique Catchlove. Il permet même un certain équilibre entre travailleurs sédentaires ou employés de bureau et employés itinérants, puisqu'il permet un usage efficace pour les uns comme pour les autres. Dans ce cas, l'entreprise est presque sûre de, non seulement d'améliorer la production potentielle de la force de travail, mais aussi de réduire les coûts d'exploitation. Elle peut ainsi se permettre davantage d'employés itinérants, «sans endommager la productivité de l'ensemble des employés», pour peu, avertit Catchlove, que «les espaces soient bien conçus». «Augmentation du travail à distance», poursuit-il, «équivaut à plus basse et plus efficace occupation du sol et des bureaux», ce qui par conséquent réduit le coût foncier. En temps de crise notamment, une organisation aussi flexible peut s'avérer salutaire. Avec la crise qui touche l'Europe actuellement, seules 7 % des entreprises interrogées par les chercheurs d'Herman Miller avouent n'avoir pas changé leur stratégie d'organisation du travail, alors que 48% d'entre elles ont bel et bien opéré une «rationalisation de l'espace de travail là où c'était possible». Dans le jargon du métier, cela s'apparente à «un environnement polymorphe», autrement dit un espace de travail où «chaque collaborateur doit être capable de trouver un endroit qu'il peut s'approprier» quelle que soit la tension ou l'ambiance générale qui prévaut à l'instant sur son lieu de travail. Pour Catchlove, comme les modèles de travail continueront incessamment à devenir plus fréquents, il y a fort à parier que «le troisième espace va inévitablement croître en importance». À l'avenir, dit-il, «nous nous attendons à le voir prendre une place centrale dans la conception et la stratégie de travail, et être reconnu comme la cheville ouvrière du modèle de travail d'un nombre croissant d'entreprises». Point de vue Samir Bennis, Directeur général délégué Trarem Pendant de nombreuses années, Trarem a travaillé presque exclusivement avec les entreprises et les administrations publiques. Depuis une quinzaine d'année, nous avons opéré un virage substantiel vers le secteur privé, notamment en raison du développement de l'économie nationale. Ce que nous constatons au quotidien, et au contact de nos clients, est que nombre d'entreprises marocaines, grandes comme petites, ont beaucoup de mal à décloisonner leurs espaces de travail. Notre idée était d'œuvrer pour une meilleure utilisation du mètre carré, en entreprenant tout un chantier de partage et d'échanges avec les plus grands professionnels internationaux du métier, mais aussi en opérant un travail de sensibilisation envers les entreprises nationales. Le partenariat signé en 2009 avec Herman Miller participe de la volonté de mettre en exergue l'idée d'améliorer les espaces de travail en œuvrant à bousculer les habitudes et aller vers de nouvelles conceptions efficaces et efficientes de leur milieu de travail. Le challenge était de faire évoluer les entreprises marocaines vers des conceptions nettement plus modernes, tout en recherchant un juste milieu, un équilibre entre les besoins réels de ces entreprises, et les moyens mis en œuvre. L'idée de troisième espace fait partie du corpus que nous proposons. Certaines grandes firmes et centres d'appels notamment y sont déjà engagés, et il faudra faire davantage de sensibilisation pour passer du concept aux résultats.