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La rupture ?
Publié dans Les ECO le 07 - 05 - 2012

François Hollande est devenu, hier, le second président socialiste de la cinquième république. Les Marocains de France ont largement soutenu le candidat socialiste, pour en finir avec l'ère Sarkozy qu'ils jugent dommageable à leurs intérêts. Cette élection augure surtout d'une nouvelle ère dans les relations Franco-marocaines. La diplomatie marocaine devrait se positionner rapidement pour baliser les contours de cette nouvelle ère. Le 10 mai 1981, la France élisait François Mitterrand en tant que premier président socialiste de la cinquième république. Plus de trente ans plus tard, ce 6 mai 2012, les Français ont validé l'accès de celui que beaucoup nomment désormais François II à l'Elysée. François Hollande, de son vrai nom, vient en effet d'empêcher la réélection de Nicolas Sarkozy, en triomphant sur le score de 51,9% des voix. Le nouveau président de la République française est apparu quelques minutes après l'annonce des résultats à la place Gambetta à Tulle, en Corrèze, où il a prononcé un discours devant ses supporters. Des drapeaux marocains, algériens et tunisiens flottaient dans les airs au moment du discours, signe de soutien de la communauté maghrébine au nouveau président. Plus tard dans la soirée, celui-ci s'est rendu à la place de la Bastille à Paris, où il a été accueilli triomphalement par le peuple de gauche, qui s'est vu grossir ces dernières années de bon nombre de Français d'origine maghrébine. Et pour cause, ceux-ci ont ressenti le mandat de Sarkozy comme celui de la cinquième République qui a été le plus dommageable à leurs intérêts. Il faut rappeler dans ce sens les multiples initiatives, défavorables à la minorité maghrébine, de l'ancien président, qui sont allés de la loi interdisant le voile à l'école à l'instauration d'un ministère de l'émigration et de l'identité nationale.
Marocains de France Vs Sarkozy
La seule initiative positive de Sarkozy, à l'attention des Français d'origine maghrébine, a étét l'instauration du conseil représentatif des musulmans de France. Encore que même ce point positif at vite été balayé par le durcissement de la campagne de Nicolas Sarkozy, particulièrement dans l'entre deux tours. En effet, l'ex-Président s'est lancé dans une véritable opération de séduction à destination des électeurs du Front national. Mal lui en a pris, puisque cela lui a valu non seulement le holà du centriste François Bayrou, qui a exprimé son intention de voter Hollande, mais aussi le désaveu de Marine Lepen, qui pour sa part a appelé à voter blanc. Même l'épisode Merah n'a finalement pas suffi à Nicolas Sarkozy pour traduire la peur de l'islam dans les urnes. Sarkozy n'a pas perdu l'élection présidentielle uniquement à cause de ses positions sur l'islam ou l'immigration, car la crise économique et son image un peu trop people ont été des éléments autrement plus prépondérants. Toutefois, il faut dire que ces prises de position ont beaucoup aidé son concurrent, qui a recueilli le vote de confiance qui lui était adressé, mais aussi le vote sanction contre Sarkozy. Les Marocains de France ont donc largement soutenu le candidat socialiste. Ce soutien a été particulièrement important de la part des étudiants marocains de France, qui ont eu beaucoup de mal à avaler la circulaire Guéant. Aussi, peut-on logiquement s'attendre à ce que l'élection de François Hollande améliore la condition des Marocains de France. Est-ce que cette élection va aussi améliorer les relations franco-marocaines ? Difficile de répondre d'emblée à cette question, en attendant les premières prises de positions du nouveau président.
Une nouvelle ère
Toutefois, il est de notoriété publique que Nicolas Sarkozy a été un président «atlantiste». En effet, même s'il se revendique de la même famille politique que le Général De Gaule, il restera le président qui aura remis la France dans le giron de l'OTAN. François Hollande, selon les ténors de la gauche française, semble plus enclin à renouer avec la politique arabe d'un certain Jacques Chirac, qui comble du comble, a aussi appelé à voter pour lui. Cela augurerait donc d'une nouvelle ère dans les relations franco-marocaines. Pendant la campagne, Hollande avait d'ailleurs affiché sa volonté de se rapprocher des pays du Sud et notamment les pays du Maghreb. Dans ce sens, il faut rappeler la récente visite de Martine Aubry au Maroc. Même si les sources officielles ont affirmé que c'était une visite à caractère personnel, plusieurs observateurs donnent à ce déplacement une dimension "politique". En effet, celle qui a de grandes chances de devenir le premier ministre de Hollande ne peut raisonnablement s'offrir un séjour de villégiature en pleine campagne présidentielle. En fait, il est fort à parier que les officiels ont préféré se cantonner dans une certaine réserve, pour ne pas offenser un chef d'Etat en exercice. Toujours est-il qu'au-delà des susceptibilités, la diplomatie marocaine devrait se positionner pour baliser les contours des nouvelles relations Maroc-France. Le dernier point, qui peut aussi plaider pour un renforcement des relations bilatérales sous l'ère Hollande émane du débat présidentiel d'entre deux tours. François Hollande y a cité le Maroc en exemple sur le vote des étrangers, alors que Nicolas Sarkozy avait expliqué que l'Algérie était la grande puissance de la région. Gageons que l'élection de François Hollande augure d'un rééquilibrage de la position française et surtout annonce une nouvelle ère de coopération fructueuse entre les deux pays.
à chaud !
Nicolas Sarkozy
Président sortant de la république française
François Hollande est le président de la France et doit être respecté. (...) J'ai fait de mon mieux pour protéger la France des crises mondiales qui ont sévi pendant cinq ans. J'en ressors avec beaucoup d'attachement pour la France. (...) Je n'ai pas réussi à convaincre la majorité des Français. (...) Une autre époque s'ouvre à la France où je resterai l'un des vôtre. Ma place ne pourra plus être la même. Mon engagement pour le pays ne changera jamais, mais je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français...
Benoît Hamon,
porte-parole du Parti socialiste français (ps)
C'est un très grand bonheur. Cela met fin à dix-sept ans de règne de la droite à l'Elysée, dix-sept ans de politique de droite et à l'intérieur de ces dix-sept ans, la parenthèse du sarkozysme, qui a accumulé les régressions sociales et démocratiques. (...) Pendant cette période, il n'y a pas beaucoup de secteurs qui ont été épargnés par la régression et la dégradation des conditions de vie des gens. (...) C'est [Léon] Blum qui disait : ». Formidable, maintenant les difficultés commencent. Eh bien voilà, maintenant les difficultés commencent et on est impatients de mordre dedans !.
François Fillon,
Ancien premier ministre français
L'histoire lui (Nicolas Sarkozy) rendra justice pour les réformes qu'il a engagées. Il a été le président du courage.
Marine Lepen,
présidente du front national (fn)
Jamais Nicolas Sarkozy n'a été donné gagnant durant toute cette campagne. Les Français l'ont sanctionné et il est le seul et unique responsable de sa défaite ce soir. Il est le seul et unique responsable dans l'élection de François Hollande. (...) Comme Nicolas Sarkozy, Hollande décevra la France.
Nabil Benabdellah,
Ministre de l'Habitat et Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (pps)
En tant qu'homme de gauche, je ne peux aujourd'hui que me réjouir de cette victoire du Parti socialiste français. J'espère, par la même occasion, que cette victoire sera bénéfique pour le peuple français, d'abord, mais pour le peuple marocain aussi. Mon souhait est que dans le sillage de l'arrivée des socialistes au pouvoir, les relations entre nos deux pays soient renforcées davantage et que nous puissions continuer à travailler, sereinement, avec les socialistes.
Omar Balafrej,
Président de la Fondation Abderrahim Bouabid
Je suis heureux comme à chaque fois que la gauche gagne dans le monde. Cela prouve que les valeurs de justice sociale, de solidarité et de progrès que prônent les socialistes triomphent encore. La France est une grande nation et surtout un pays ami du Maroc. Cela dit, ce retour de la gauche au pouvoir ne changera probablement rien à court terme ici chez nous
Mohamed Moujahid,
secrétaire général du Parti socialiste unifié (psu)
En tant que socialiste marocain, je ne peux que me féliciter de cette victoire du Parti socialiste. Nous espérons qu'après cette victoire France, le nouveau président français saura trouver les vraies solutions aux problèmes de la France. Nous avons un fort lien avec la France et vraisemblablement, la réussite de la gauche est de nature à apporter des éléments positifs pour la classe politique marocaine.
Saloua-Karkri Belkéziz,
membre de l'usfp
C'est magnifique ! Cette victoire des socialistes, surtout que c'est une femme qui est à la tête du parti et donc a conduit la marche vers la victoire. D'ailleurs Hollande a promis la parité pour la formation du gouvernement et je pense que nous pouvons nous en inspirer. J'espère, sincèrement, que cela servira de leçon pour les socialistes marocains, parce que c'est l'unité qui a fait gagner les socialistes.
«Le rassembleur»
françois Hollande, nouveau président de la république.
«Les Français viennent de choisir le changement en me portant à la présidence. J'adresse un salut républicain à Nicolas Sarkozy qui a assuré la présidence pendant cinq ans et mérite à ce titre tout notre respect. Beaucoup attendaient ce moment depuis de longues années, d'autres ne l'avaient jamais connu. Je suis fier d'avoir été capable de redonner l'espoir. Je comprends votre émotion, je la partage et je la ressens... C'est l'émotion de la fierté et de la dignité. J'apporterai un changement à la hauteur de la France... Je serait le président de tous. Trop de fractures, trop de blessures, trop de ruptures, trop de coupures (...), c'est fini ! Le premier devoir du président de la République, c'est de rassembler».


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