Malgré un recul des cessions d'actifs et une modération des dépenses d'IDE, les investissements directs marocains à l'étranger (IDME) maintiennent des flux nets positifs à +2,187 MMDH à fin juin 2025. Une résilience qui confirme la maturité stratégique des entreprises marocaines et leur contribution à l'internationalisation de l'économie nationale. En dépit d'un contexte géopolitique incertain, les entreprises marocaines démontrent leur capacité à maintenir une contribution nette positive aux flux financiers du Maroc. L'Office des changes vient de publier les indicateurs mensuels des échanges extérieurs à fin juin 2025, offrant un instantané précieux des Investissements directs marocains à l'étranger (IDME). Ces données, scrutées à la lumière des tendances pluriannuelles, révèlent des dynamiques et des enseignements stratégiques clés pour appréhender la position internationale du Maroc. Disons que l'évolution des IDME à fin juin 2025 dessine un paysage de consolidation après l'emballement de 2023. Si les cessions reculent fortement et les nouvelles dépenses d'IDE modèrent leur rythme, l'équilibre global reste favorable, comme en attestent des flux nets positifs se maintenant dans la moyenne supérieure de la tendance quinquennale hors année record. Des données brutes qui confirment la maturité croissante et la contribution active des entreprises marocaines à la dynamique d'internationalisation de l'économie nationale. Les cessions en baisse significative L'évolution des recettes, correspondant aux cessions d'actifs à l'étranger, marque un net infléchissement en 2025. Avec 7,335 milliards de dirhams (MMDH) cumulés sur le premier semestre, elles enregistrent une baisse de -16,5% par rapport à la même période de 2024 (8,782 MMDH). Une contraction des cessions, l'une des plus marquées sur la période récente observée, qui indique potentiellement un ralentissement des désinvestissements ou des cessions de participations par les investisseurs marocains à l'étranger. Si l'on replace ce chiffre dans une perspective quinquennale, on constate que le niveau de 2025 se situe en dessous de ceux de 2021 (8,668 MMDH) et 2023 (8,423 MMDH), bien qu'il reste supérieur à 2022 (6,472 MMDH). Une volatilité interannuelle qui souligne la sensibilité des stratégies de sortie aux conditions de marché et aux cycles d'investissement des groupes marocains. Résilience relative des nouveaux investissements Du côté des dépenses, représentant les nouveaux investissements ou les réinvestissements réalisés par les entreprises marocaines hors des frontières, la tendance est également à la baisse, mais moins prononcée. Elles s'établissent à 9,522 MMDH à fin juin 2025, en recul de -9% par rapport au premier semestre 2024 (10,460 MMDH). Soulignons que cette diminution, bien que notable, doit être contextualisée. Elle intervient après un pic très significatif en 2023 (16,035 MMDH), qui représentait probablement des opérations stratégiques majeures ou des rattrapages post-pandémie. Comparativement au début de la période (2021 : 11,187 MMDH; 2022 : 9,138 MMDH), le niveau de 2025 reste dans une fourchette relativement stable, suggérant une certaine consolidation de l'effort d'investissement direct à l'étranger des acteurs marocains, hors année exceptionnelle. Flux Nets : l'indicateur clé d'une résistance sous tension L'indicateur le plus révélateur de la dynamique globale des IDME reste le flux net (Recettes – Dépenses). À fin juin 2025, il est positif à +2,187 MMDH. Un résultat, bien qu'en baisse de -30,3% par rapport au premier semestre 2024 (+1,678 MMDH), qui démontre une capacité persistante des investissements marocains à l'étranger à générer des entrées nettes de devises. La formulation «hausse de -30,3%» peut prêter à confusion. Elle signifie en réalité une baisse importante du solde net positif par rapport à 2024. Néanmoins, il est crucial de souligner que le flux net reste positif et se situe même au-dessus des niveaux de 2021 (+2,519 MMDH) et 2022 (+2,666 MMDH), peut-on décrypter. Ainsi, l'année 2023 (+7,612 MMDH) apparaît clairement comme une année exceptionnelle, très probablement portée par des cessions d'envergure dans des secteurs clés, ou par des réinvestissements massifs générant des recettes comptables importantes. La normalisation en 2025, même avec un flux net réduit, ramène la tendance vers une trajectoire plus conforme aux années pré-2023, tout en maintenant une contribution positive à la balance des paiements. Perspectives, lecture pluriannuelle et implications L'analyse des données de l'Office des changes révèle des enseignements structurants pour les IDME à mi-2025. En premier lieu, les recettes liées aux cessions d'actifs affichent un recul net, matérialisé par une baisse significative de 16,5% par rapport à 2024. Une contraction qui suggère un ralentissement des opérations de désinvestissement ou de rotation de portefeuille comparé à 2023 et 2024, bien que le niveau actuel (7,335 MMDH) ne soit pas sans précédent récent, comme en attestent les comparaisons avec 2021 (8,668 MMDH) et 2022 (6,472 MMDH). Par ailleurs, les dépenses en nouveaux IDE démontrent une résilience notable. Malgré une diminution de 9% par rapport à 2024, leur montant (9,522 MMDH) reste comparable à 2022 (9,138 MMDH) et se situe dans une fourchette cohérente sur cinq ans, hormis le pic exceptionnel de 2023 (16,035 MMDH). Comme le soulignent des analystes, «cela indique que l'appétit d'investissement direct des entreprises marocaines à l'international, bien qu'ayant atteint un pic peut-être insoutenable en 2023, se maintient à un palier significatif», confirmant ainsi une consolidation stratégique hors années atypiques. Enfin, les flux nets, bien qu'en érosion de 30,3% par rapport à 2024, conservent une contribution positive essentielle (+2,187 MMDH). Ce solde dépasse ceux de 2021 (+2,519 MMDH) et 2022 (+2,666 MMDH) et marque une amélioration face au creux de 2024 (+1,678 MMDH), malgré l'écart majeur avec l'exceptionnel +7,612 MMDH de 2023. Notre analyste conclut que «l'essentiel est ici : malgré les baisses observées sur les recettes et les dépenses, les IDME continuent de contribuer positivement aux flux financiers nets du Maroc avec l'étranger». Cette résilience, dans un contexte potentiellement volatil, souligne la maturité croissante des investisseurs marocains et leur capacité à soutenir la balance des paiements, même après une année record. Au vu de ce qui précède, la vigilance portera désormais sur la pérennité de cette contribution nette positive dans un environnement géopolitique et économique mondial incertain. Une décennie de mutation : quadruplement et concentration sectorielle Il y a lieu de souligner que sur dix ans (2015-2024), les IDME bondissent de 7,36 à 27 MMDH. Une expansion qui s'accompagne d'une concentration sectorielle inédite. L'industrie domine avec 73,3% du total (19,829 MMDH en 2024), contre seulement 876 millions en 2015. Cette hégémonie industrielle, consolidée depuis 2021, traduit une stratégie d'intégration verticale et de captation de chaînes de valeur globales. A la suite de l'industrie, les télécommunications connaissent un rebond en 2024 (1,737 MMDH après 671 millions en 2023), mais restent loin de leur pic de 2019 (2,369 MMDH). Le secteur bancaire, pour sa part, régresse (1,317 MMDH en 2024 contre 3,077 MMDH en 2019), signant un désengagement relatif. Filet ouvert : 2023 fut une année marquante avec des cessions et des restructurations stratégiques majeures L'année 2023 a effectivement été exceptionnelle au Maroc, marquée par une cession majeure dans un secteur stratégique, notamment celui de la banque. Rappelons qu'aux alentours de 2023, un grand groupe bancaire français a cédé sa filiale marocaine à un acteur local. Ainsi, Crédit du Maroc a été repris par le groupe Holmarcom en plusieurs étapes débutant en avril 2022 avec la signature du contrat de cession, puis la concrétisation de l'acquisition de la première tranche de 63,7% du capital en décembre 2022. La prise de contrôle complète a été finalisée le 7 juin 2024, lorsque Holmarcom a acquis la totalité de la participation de Crédit Agricole S.A. dans Crédit du Maroc, soit 78,7% du capital. Ainsi, la reprise initiale a eu lieu en 2022, avec la finalisation définitive effective en 2024. Cet transformation illustre la montée en puissance de groupes marocains et l'adaptation rapide du tissu économique national aux nouveaux enjeux de croissance. Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO