Le dernier reporting trimestriel du Conseil de la concurrence sur les neuf sociétés distributrices de carburants met en lumière une tendance baissière touchant les prix, les marges et les recettes fiscales. Entre repli prononcé des cotations internationales, ajustements plus mesurés des prix de cession et stabilité globale des marges, le deuxième trimestre confirme un décalage persistant entre la baisse des coûts d'achat et celle des prix appliqués aux stations. Le suivi des engagements pris par les sociétés de distribution de carburants dans le cadre des accords transactionnels conclus avec le Conseil de la concurrence est devenu un instrument essentiel de transparence économique. Depuis la publication du premier reporting, suite aux accords transactionnels conclus avec le Conseil de la concurrence et 9 sociétés de distribution, ces analyses trimestrielles permettent de mesurer l'évolution des prix, des coûts, des marges et des pratiques du secteur, dans un marché où les fluctuations internationales des cours du pétrole se répercutent parfois de manière différée ou inégale sur les prix nationaux. Tendance baissière En effet, l'analyse détaillée des variations par quinzaine des cotations CIF (corrélation entre la variation des cotations à l'international) à l'international fait ressortir une baisse de 0,73 DH/L, tandis que le prix de vente TTC à la pompe enregistre une diminution de l'ordre de 0,82 DH/L. Les cours passent de 5,61 DH/L à 4,87 DH/L avant de se stabiliser autour de 5,05 DH/L en juin. Les prix de vente à la pompe suivent une trajectoire similaire mais moins prononcée, reculant de 11,20 DH/L à 10,67 DH/L. Le gasoil n'est toutefois pas le seul concerné. Le coût d'achat moyen pondéré, qui tient compte du prix des produits raffinés, du fret, des assurances, des frais portuaires, des variations de stock ainsi que des taxes, suit une courbe parallèle mais à des niveaux supérieurs. Il recule de 8,58 DH/L début avril à 7,76 DH/L fin juin pour une moyenne trimestrielle de 8,09 DH/L. Les prix de cession hors taxes appliqués aux stations en partenariat, canal majeur représentant à lui seul 80% des volumes écoulés, évoluent de manière plus prudente, oscillant entre 9,58 DH/L et 9,13 DH/L avant de remonter légèrement à 9,25 DH/L. Sur l'ensemble du trimestre, le prix moyen s'établit à 9,31 DH/L, soit une baisse nettement moindre que celle des coûts d'achat. Le repli de ces derniers atteint 0,98 DH/L pour le gasoil alors que la diminution du prix de cession ne dépasse pas 0,47 DH/L. Le même phénomène concerne l'essence, dont les coûts reculent de 0,61 DH/L contre 0,32 DH/L seulement pour les prix de cession. Le Conseil souligne cependant que cette asymétrie doit être appréciée dans le temps. Au premier trimestre 2025, la baisse des prix de cession avait été plus marquée que celle des coûts. Des marges en recul Quant aux marges brutes dégagées par les neuf sociétés suivies dans le cadre du reporting, elles témoignent d'une remarquable stabilité par rapport au deuxième trimestre 2024. Pour le gasoil, elles s'élèvent à 1,17 DH/L, contre 1,21 DH/L un an plus tôt. Elles progressent toutefois progressivement au fil des semaines, passant de 0,94 DH/L au début d'avril à 1,46 DH/L à la fin juin, soit un écart de 0,52 DH/L. Pour l'essence, les marges atteignent 1,83 DH/L en moyenne, légèrement au-dessus des 1,79 DH/L enregistrés l'année précédente. Le trimestre se divise en deux périodes. Une première phase de légère baisse jusqu'à la mi-mai, puis un redressement atteignant 1,95 DH/L en fin de période. Par ailleurs, l'évolution des importations confirme par ailleurs la prééminence d'un contexte international favorable. Le Maroc a importé au total 1,72 million de tonnes de gasoil et d'essence sur ce trimestre, en hausse de 4,2% par rapport à 2024, mais pour une valeur de 10,93 MMDH, soit une chute de 22%. Le gasoil reste dominant, représentant plus de 87% des volumes. Les sociétés concernées par le reporting réalisent 81% des volumes et 80% de la valeur, traduisant leur forte concentration sur le marché. Leurs importations reculent légèrement en volume mais chutent de plus de 26% en valeur, un signe clair de l'impact de la baisse des prix internationaux. Les recettes fiscales tirées de la TIC et de la TVA à l'importation atteignent 7,17 MMDH, en légère diminution de 0,3% par rapport à l'année précédente. Cette baisse résulte essentiellement du recul de la TVA, conséquence mécanique de la diminution de la valeur des importations. La TIC, de son côté, progresse légèrement grâce au maintien des volumes. Les sociétés couvertes par le reporting contribuent pour plus de 5,81 MMDH à ces recettes. Le secteur reste par ailleurs soutenu par des infrastructures stables et un réseau commercial en expansion. La capacité de stockage nationale se maintient à 1,57 million de tonnes, dont 1,27 million sous le contrôle des neuf sociétés suivies. Le nombre de stations-service augmente pour atteindre 3 617 unités, soit 44 de plus que le trimestre précédent, avec une présence majoritaire des opérateurs étudiés qui en exploitent 2.562. Les ventes s'inscrivent dans une dynamique similaire, 1,88 milliard de litres écoulés, soit une progression de 3,8%, mais un chiffre d'affaires en baisse de 12,8% en raison de la détérioration des prix internationaux. Dans l'ensemble, le 2e trimestre 2025 renseigne sur une décrue des coûts internationaux qui se répercute progressivement au niveau national, où les marges restent stables et où les volumes importés continuent de croître malgré la baisse des valeurs. L'écart observé entre la diminution des coûts d'achat et celle des prix de cession ne témoigne pas d'une tendance structurelle, mais plutôt d'un mécanisme d'équilibrage déjà mis en évidence dans les trimestres précédents. Le secteur apparaît ainsi dans une phase de transition où les opérateurs, tout en élargissant leur réseau et en consolidant leurs parts de marché, s'adaptent à un environnement mondial plus favorable mais encore volatil. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO