Quand un acteur privé envisage une couverture territoriale dépassant la centaine de centres de diagnostic d'ici 2030, chacun au service d'environ 60.000 habitants, pour ensuite retirer son projet suite à la colère de la profession, c'est le miroir d'un profond déséquilibre entre l'évolution des besoins et la pyramide des priorités. Ce qui s'est joué derrière les lettres officielles envoyées au Conseil de la concurrence, c'est la peur d'une médecine libérale qui se sent menacée. Que signifiait réellement cette crainte exprimée de «mettre en danger la survie des cabinets et cliniques de petite ou moyenne taille» ? Au-delà d'un débat localisé, elle traduit une angoisse collective d'être dépassé par les nouveaux modèles d'investissements, de voir les capitaux se structurer plus vite que la vitesse de marche de notre système de régulation. Cesser ce projet, certes, permet d'apaiser les tensions. Mais il faut reconnaître la pertinence de cette ambition de maillage territorial, l'enjeu central étant l'accès aux soins dans les zones semi-urbaines ou rurales, là où les plateaux techniques sont rares. Le constat ? Les modèles de soins bougent plus vite que les textes qui les encadrent. Le privé entre désormais dans l'écosystème avec une force d'investissement, une capacité d'innovation, et une ambition internationale que l'on ne peut plus ignorer. Mais tant que la frontière entre le service public et l'initiative privée, et même au sein du privé lui-même, reste mal redéfinie, parfois floue, cela devient souvent source d'appréhension. Il ne s'agit pas d'opposer les «géants privés» et les «praticiens libéraux». Il faudrait peut-être trouver le moyen de coconstruire une complémentarité équilibrée. Car, le véritable enjeu se situe là, dans l'articulation subtile entre sujets concrets : qui fait quoi, comment et avec qui ? Il ne sera pas suffisant de dire «public» ou «privé». Il faudra définir les responsabilités, les synergies, les garde-fous, mais aussi les ambitions. Le Maroc peut relever cet enjeu, mais pour cela, il devra transformer cette polémique en un pacte collectif, clair et orienté vers les patients avant tout. Meriem Allam / Les Inspirations ECO