Le retrait par Akdital de son projet de centres médicaux de proximité met en pause une initiative d'envergure qui visait à renforcer le maillage territorial en soins. Cette décision, prise après les inquiétudes exprimées par une partie de la profession médicale, rouvre un débat essentiel sur la place et les contours de l'intervention privée dans l'amélioration des services publics de santé. Le groupe Akdital a finalement décidé de retirer son projet de création de centres médicaux de proximité, après une vague d'objections émanant de médecins généralistes et spécialistes du secteur libéral. L'annonce, officialisée le 20 novembre 2025 dans une lettre adressée à la profession, met un coup d'arrêt à un chantier pensé comme l'un des axes majeurs du développement territorial du groupe. Mais elle relance un débat de fond : quelle place pour le secteur privé dans l'amélioration des services publics de santé ? Un retrait motivé par les inquiétudes de la profession Ce revirement est intervenu après la réception, par le Conseil de la concurrence, d'une lettre de la Coordination syndicale des médecins généralistes du secteur privé et du Collectif national des médecins du secteur libéral. Les deux organisations y détaillent plusieurs risques liés à une concentration accrue des services de diagnostic, d'imagerie, d'hospitalisation privée et de proximité entre les mains d'un seul acteur, estimant qu'un tel modèle pourrait «affaiblir substantiellement l'offre de santé libérale indépendante» et mettre en danger «la survie des cabinets et cliniques de petite ou moyenne taille». Face à ces inquiétudes, Dr Rochdi Talib, PDG du groupe Akdital, affirme avoir agi par «souci permanent d'être au plus près des préoccupations» de ses confrères. Il estime que le projet ne pouvait en aucun cas «impacter négativement» l'activité médicale libérale, mais reconnaît que des «informations incorrectes» ont pu alimenter les tensions. En conséquence, le groupe réoriente ses investissements vers d'autres projets, notamment à l'international. Ce que devait être un centre de diagnostic Akdital Au-delà de la controverse, Akdital préparait une transformation profonde du maillage médical territorial. Le groupe prévoyait jusqu'à 200 centres de diagnostic "satellites" d'ici 2030, chacun dans un rayon d'environ 100 km. Pensés comme des structures de proximité en zone semi-rurale (environ 60.000 habitants), ces centres reposaient sur un modèle de 400 m2 comprenant une salle de consultation assurée par un médecin généraliste, un service de biologie médicale et un service de radiologie. Chaque centre devait employer une trentaine de personnes. L'investissement prévisionnel était estimé à environ 5 MDH pour l'équipement et l'aménagement, avec 4 MDH supplémentaires pour le foncier. Leur rôle premier était d'offrir un dépistage précoce des maladies chroniques, répondre aux urgences vitales locales et désengorger les hôpitaux des villes moyennes. Pour Akdital, ces centres ne visaient pas à concurrencer les cabinets existants, mais à étendre l'accès aux soins dans des zones dépourvues de plateaux techniques. Une vision que les organisations professionnelles contestent, y voyant un risque de captation des patients et des ressources de la couverture médicale obligatoire. Un débat structurel sur l'avenir de la santé La controverse met surtout en lumière un débat structurel qui dépasse le seul cas Akdital. Depuis l'élargissement de la couverture médicale et l'accélération de la réforme du système de santé, la frontière entre initiative privée et service public se redessine progressivement. Le secteur privé joue aujourd'hui un rôle important dans l'écosystème sanitaire. Il a contribué à moderniser l'offre hospitalière, à créer des emplois qualifiés et à introduire des capacités d'investissement et d'innovation dont le pays a besoin. La réponse n'est pas univoque. Le Maroc s'appuie sur la contribution du secteur privé pour accompagner l'évolution de son système de santé, élargir l'accès aux soins et soutenir l'effort d'investissement. Dans le même temps, la réforme en cours invite à clarifier les cadres de régulation et les mécanismes de complémentarité afin de préserver l'équilibre entre performance, accessibilité et intérêt général. La tutelle devra, à terme, préciser ces articulations pour permettre au secteur de se développer dans un cadre lisible et cohérent. L'avenir des services publics de santé dépendra de cette capacité collective à définir les rôles, les responsabilités et les synergies entre tous les acteurs, publics comme privés, au service des patients. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO