Deux nouveaux textes viennent renforcer l'arsenal juridique encadrant la vie politique au Maroc. Vendredi, la Commission de l'Intérieur à la Chambre des représentants a adopté deux projets de loi organique, l'un relatif aux partis politiques, l'autre aux listes électorales. Entre élargissement du cadre juridique, débat sur le financement et encadrement des médias, l'enjeu est d'approfondir la régulation démocratique à l'approche de futures échéances électorales. À Rabat, vendredi 28 novembre 2025, la Commission de l'Intérieur, des Collectivités territoriales, de l'Habitat, de la Politique de la ville et des Affaires administratives de la Chambre des représentants a activé un levier clé dans le chantier de modernisation du système politique national. En plus du projet sur la composition et les conditions d'éligibilité de la Chambre elle-même, déjà largement commenté, les députés ont adopté deux textes fondamentaux redéfinissant les règles du jeu partisan et électoral. Le projet de loi organique n° 54.25 modifie le cadre relatif aux partis politiques, tandis que le projet n° 55.25 ajuste la législation encadrant les listes électorales, les opérations référendaires et l'utilisation des médias audiovisuels durant les campagnes. Ce double vote, acquis par 19 voix favorables (et cinq abstentions), marque la mise en œuvre d'un remaniement global du système électoral. Dès la présentation des projets, le ministre de l'Intérieur a expliqué qu'il s'agissait d'un ensemble cohérent visant non seulement à moraliser la vie politique, mais aussi à moderniser les partis, renforcer leur représentativité, encadrer leurs ressources et sécuriser la sincérité du scrutin. Un nouveau cadre pour les partis : fondation, financement, représentativité La réforme institutionnelle engage un toilettage profond de la loi organique régissant les partis politiques ( loi n° 29.11) via le projet 54.25. Les conditions de création d'une formation sont durcies. La déclaration de création doit désormais être déposée par au moins douze signataires fondateurs représentant l'ensemble des régions du Royaume, dont au moins quatre femmes. Au-delà de ce seuil minimal, le texte prévoit qu'un parti revendique un effectif national significatif, réparti sur le territoire, et qu'il intègre des quotas internes favorisant les jeunes et les femmes, pour encourager une composition plus représentative de la société marocaine. Sur le plan financier, le projet relève le plafond des contributions privées. Ainsi, un donateur peut désormais apporter jusqu'à 800.000 dirhams par an, contre un plafond plus bas précédemment. Par ailleurs, les partis pourraient — sous conditions strictes — créer des structures économiques (sociétés de presse, de communication ou d'édition) détenues à 100% par le parti, pour financer leurs activités de manière autonome tout en respectant des obligations de transparence comptable. L'objet déclaré de ces dispositions est double. D'une part, donner aux partis les moyens d'exister et d'agir de façon crédible dans un contexte politique en mutation ; d'autre part, lutter contre les financements occultes et garantir la traçabilité des ressources politiques, volet central de la moralisation visée par l'Exécutif avant les élections de 2026. Ce rééquilibrage structurel du paysage partisan intervient aussi dans une période où le renouvellement des élites est officiellement encouragé. Le ministre de l'Intérieur, prenant la parole devant la commission, a souligné que la réforme visait à ouvrir la voie aux jeunes et aux femmes, tout en «modernisant la gouvernance partisane» pour l'adapter aux défis contemporains. Listes électorales, médias, campagnes : vers une élection sous haute régulation Parallèlement, le projet de loi 55.25 entend refondre les règles des listes électorales, des référendums et de la communication électorale. L'inscription sur les listes pourra désormais se faire en ligne (Marocains résidant au pays ou à l'étranger), tout en conservant l'option traditionnelle pour les zones rurales, afin de garantir l'inclusion et d'éviter les disparités structurelles. Le texte impose le transfert automatique de l'inscription en cas de changement de résidence — une mesure destinée à éviter les fraudes et les doublons, pour assurer la fiabilité du fichier électoral. Mais ce n'est pas tout, car la réforme introduit des dispositions strictes pour encadrer l'usage des médias audiovisuels et des plateformes numériques pendant les campagnes. La diffusion de sondages, d'estimations ou de contenus électoraux est soumise à des restrictions, tant dans les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux, pour prévenir la désinformation, la manipulation et les abus. Sanctions pénales et contrôle renforcé sont prévus. Ainsi, le cycle électoral est repensé dans un souci de transparence, d'équité et d'intégrité. Des débats nourris : amendements, dissensions, enjeux d'équilibre L'intensité des travaux législatifs a été à la hauteur de l'enjeu. Et pour cause, sur les deux projets, les groupes parlementaires et députés indépendants ont déposé 144 amendements. Le groupe du Parti de la justice et du développement (PJD) a soumis 46 amendements, celui de l'opposition ittihadie 34, le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) 13, le groupe Haraki 11, les formations de la majorité 8, tandis que la députée indépendante Fatima Tamni a proposé 32 amendements. Ces propositions couvrent un large spectre allant des conditions de création des partis, financement, délais de dépôt des dossiers, transparence comptable, intégration des jeunes et des femmes, aux garanties pour éviter les détournements d'influence. Certains amendements proposaient, par exemple, d'introduire des statuts internes de réflexion, de formation et d'études au sein des partis, d'autres visaient à élargir les délais de dépôt des comptes annuels, ou à ajuster le plafond des contributions.