Après une période marquée par des fluctuations notables, les prix des carburants semblent entrer dans une phase de stabilisation. Une embellie en apparence paradoxale, alors que les marchés internationaux restent agités et que les cotations du Platts, véritable boussole du Maroc en matière de produits raffinés, sont repartis à la hausse sous l'effet des tensions géopolitiques et des sanctions visant la Russie. Après plusieurs semaines de fluctuations sensibles, les prix des carburants au Maroc semblent s'orienter vers une phase d'accalmie. Selon Mostafa Labrak, directeur général d'Energysium Consulting et expert en énergie, la tendance devrait se stabiliser au cours des prochains jours, malgré les remous persistants qui secouent le marché international des hydrocarbures. Cette perspective tranche avec les augmentations annoncées pour la deuxième quinzaine de novembre, notamment sur le gasoil qui a gagné une dizaine de centimes à la pompe, après une longue période d'accalmie. Surabondance de production Cette évolution paradoxale s'explique par la nature même du système d'approvisionnement marocain, largement dépendant des produits pétroliers raffinés. Le cours du Brent, qui oscille actuellement autour de 63 dollars le baril en raison d'une surabondance de brut sur le marché international, n'est pas un indicateur pertinent pour le pays. Les cotations du Platts, référence mondiale pour les produits raffinés, s'imposent comme l'élément déterminant. Or, ces dernières ont récemment rebondi, en grande partie sous l'effet des sanctions visant la Russie, engendrant ainsi l'augmentation du prix du gasoil. Les restrictions imposées au transport des produits raffinés compliquent leur acheminement, créant une tension sur l'offre et entraînant une augmentation des prix. Pourtant, sur le marché mondial, le contexte reste empreint d'un optimisme croissant. Les investisseurs misent sur un éventuel apaisement du conflit russo-ukrainien, voire sur la possibilité d'un accord de paix. Les signaux diplomatiques se multiplient, notamment avec la visite annoncée de l'émissaire du président américain en Russie, chargé d'explorer la faisabilité de nouveaux pourparlers. Les opérateurs estiment qu'un règlement du conflit ouvrirait la voie à un retour massif du pétrole russe sur le marché mondial, ce qui accentuerait la pression baissière déjà observée sur les cours internationaux. Les effets de ces attentes sont tangibles. Le pétrole brut s'achemine vers un quatrième mois consécutif de baisse en novembre, sa plus longue série de replis depuis 2023. Les stocks mondiaux dépassent la demande et les annonces diplomatiques liées à l'Ukraine accentuent encore les anticipations de surplus. Les pays hors OPEP contribuent à ce mouvement avec un excédent estimé à 2 millions de barils par jour. En parallèle, l'OPEP+ a amorcé une stratégie d'augmentation de sa production en 2025 avant d'annoncer un gel de toute nouvelle hausse pour le premier trimestre 2026. Mesure destinée à contenir un marché déjà saturé. L'espoir d'une détente Des études laissent anticiper un Brent en moyenne à 62,23 dollars le baril en 2026, légèrement en retrait par rapport aux estimations précédentes. Le marché américain devrait suivre la même trajectoire, avec un baril de brut autour de 59 $. Les analystes évoquent une surabondance importante et sans précédent, tout en soulignant que les risques géopolitiques continueront de maintenir une prime de risque limitant la chute des prix. L'Agence internationale de l'énergie table sur un excédent de 4,09 millions de barils par jour en 2026, quand l'OPEP anticipe un léger surplus si la production reste alignée sur les niveaux d'octobre dernier. La demande mondiale, quant à elle, progresserait dans une fourchette allant de 0,5 à 1,2 million de barils par jour l'an prochain. Aux Etats-Unis, la production de pétrole de schiste pourrait reculer, offrant un soutien mécanique aux prix en évitant qu'ils ne glissent trop nettement sous la barre des 60$. Quant aux sanctions américaines contre les majors russes Lukoil et Rosneft, elles pourraient provoquer des perturbations ponctuelles, sans effet durable sur les flux mondiaux, les barils russes trouvant généralement leur voie via des flottes parallèles et des intermédiaires spécialisés. «Une fois levées, le marché des produits raffinés gagnera davantage en compétitivité avec une baisse considérable des cours du Platts», affirme Mostafa Labrak. Pour les automobilistes marocains et pour de nombreuses entreprises, la perspective d'une stabilisation constitue un soulagement. Le prix du Brent ne se répercute que marginalement sur les coûts de l'électricité, fortement dépendants du gaz, mais il affecte directement les secteurs intensifs en carburants, comme le transport, la logistique ou certaines industries. Au Maroc, où l'économie reste particulièrement sensible aux mouvements du Platts, l'évolution des prix demeure suspendue aux soubresauts du marché international autant qu'aux dynamiques géopolitiques. L'éventualité d'un apaisement du conflit entre Moscou et Kiev pourrait à terme ramener davantage de barils sur le marché mondial et prolonger cette phase de détente. Mais la volatilité inhérente au secteur, combinée aux décisions de l'OPEP+ et aux aléas diplomatiques, invite à la prudence. Mostafa Labrak Expert en énergie «La tendance devrait se stabiliser durant la prochaine période, malgré les remous persistants qui secouent le marché international des hydrocarbures. Cette perspective tranche avec les révisions à la hausse annoncées pour la deuxième quinzaine de novembre, notamment sur le gasoil, lequel a gagné une dizaine de centimes à la pompe, après une longue période d'accalmie.» Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO