Avec le Projet de loi de finances 2026, l'Etat marque une nouvelle étape dans sa stratégie de protection du pouvoir d'achat et de réduction des inégalités. Reconduction des soutiens aux produits de base, renforcement massif des services publics, éducation, santé, emploi et accélération des investissements structurants. Le gouvernement mise à la fois sur la cohésion sociale et sur une dynamique de développement territorial, tout en inscrivant le déficit budgétaire dans une trajectoire descendante. Le Projet de loi de finances 2026 se présente comme un budget résolument tourné vers l'équité sociale et la préservation du pouvoir d'achat. Le gouvernement entend poursuivre les mesures d'atténuation des fluctuations des prix des produits de base, en reconduisant notamment les dispositifs de soutien au gaz butane, au sucre et à la farine nationale de blé tendre. Une enveloppe de 13,86 milliards de dirhams est ainsi allouée à cet effort, dans un contexte où l'exécutif affirme sa volonté de protéger les ménages et de renforcer les filets sociaux. Charges de l'Etat et trajectoire budgétaire Dans le contexte du financement des politiques publiques, les charges totales de l'Etat sont estimées à 761,3 MMDH en 2026. Les dépenses du budget général représentent 527,6 MMDH, tandis que les Comptes spéciaux du Trésor mobilisent 167,5 milliards et les SEGMA près de 2 milliards. L'amortissement de la dette publique à moyen et long terme s'établit, pour sa part, à 64,2 MMDH. Le PLF 2026 se distingue également par la volonté d'inscrire le déficit budgétaire dans une trajectoire descendante, avec un objectif fixé à 3% du PIB, soit une baisse de 0,5 point par rapport à 2025. Cette évolution repose sur une progression maîtrisée des charges de l'Etat, estimée à 5,54%, et une hausse plus rapide des ressources, de l'ordre de 8,32%, soutenue principalement par le dynamisme des recettes fiscales. Masse salariale et emploi public L'impact budgétaire des grandes politiques publiques et les engagements liés au dialogue social entraînent une hausse significative de la masse salariale, qui progresse de 15,06 MMDH, soit 8,35%. Sur ce montant, 11,142 MMDH sont consacrés à la concrétisation des mesures convenues avec les partenaires sociaux. Cette augmentation permettra de financer les revalorisations salariales et la création de nouveaux postes budgétaires, avec un effort particulier en faveur de l'Education nationale, qui bénéficiera d'une dotation additionnelle de 4,876 MMDH. Le PLF prévoit la création de 36.895 postes en 2026, contre 28.906 en 2025, traduisant une montée en puissance du renforcement des effectifs publics. Les principaux secteurs concernés sont la santé et la protection sociale avec 8.000 postes, le ministère de l'Intérieur avec 13.000 postes, l'administration de la Défense nationale avec 5.500 postes et l'Education nationale, qui sera renforcée de 19.344 postes en cohérence avec les objectifs de la feuille de route 2022-2026. Education, un investissement massif Le secteur de l'éducation bénéficie d'une dotation additionnelle de 11,495 MMDH, soit une hausse de 13,43 %, portant ainsi son budget global à 97,107 MMDH. Ce renforcement vise à accélérer la généralisation de l'enseignement préscolaire, avec la création de près de 4.800 nouvelles classes pour l'année scolaire 2026-2027, portant leur nombre total à environ 40.000 et permettant d'accueillir plus d'un million d'élèves. La qualité de la formation sera également renforcée à travers l'extension du modèle des écoles pionnières, qui concernera 6.626 écoles primaires et 1.286 collèges dès 2026-2027, avec une couverture totale prévue à l'horizon 2027-2028. L'offre scolaire sera élargie grâce à l'ouverture de 170 nouveaux établissements et au lancement de la construction de 193 structures supplémentaires. Parallèlement, l'action sociale en milieu scolaire sera consolidée, notamment par l'amélioration des internats, des établissements Dar Taliba et l'extension du transport scolaire, qui devrait bénéficier à près de 730.000 élèves d'ici 2027. Le budget de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation progresse de 5,36 %, atteignant 17,315 MMDH, afin d'accompagner la mise en œuvre du Pacte ESRI 2030. La formation professionnelle dispose, pour sa part, d'une enveloppe de 1,518 MMDH destinée à poursuivre le déploiement des Cités des métiers et des compétences (CMC) et à soutenir la formation par apprentissage. Santé, solidarité, culture et jeunesse Le secteur de la santé connaît une croissance budgétaire particulièrement marquée, avec une hausse de 9,78 MMDH, soit 30,03%, portant les crédits à 42,36 MMDH. Cette enveloppe financera la construction et l'équipement des CHU de Rabat, Béni-Mellal, Guelmim et Errachidia, renforçant la capacité hospitalière nationale de 3.800 lits. Elle permettra également la poursuite des programmes de construction ou de rénovation des hôpitaux régionaux, provinciaux et de proximité, l'amélioration des infrastructures de soins primaires, le lancement de 12 centres régionaux de transfusion sanguine, ainsi que la mise en place progressive des groupements sanitaires territoriaux. Le ministère contribuera par ailleurs au financement du régime AMO Tadamon via le fonds d'appui à la cohésion sociale. Le ministère de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille voit son budget augmenter de 11,89 %, atteignant 1,23 MMDH. Les financements permettront notamment de soutenir les associations œuvrant dans le domaine social, de déployer le système national d'évaluation du handicap, de créer et équiper des espaces Al Ossara dédiés à l'accueil des personnes âgées et des familles, ainsi que de renforcer les moyens de l'Entraide nationale et de l'Agence de développement social (ADS). Le département de la Culture bénéficie de 1,427 MMDH, en hausse de 8,79 %, pour soutenir la restauration du site de Sijlmassa, financer le Fonds national pour l'action culturelle et contribuer à la réalisation du Musée national de l'archéologie et des sciences de la terre. Le ministère de la Jeunesse disposera, quant à lui, de près de 2,33 MMDH, soit une hausse de 9,68%, afin de poursuivre la construction et l'équipement des maisons de jeunes, des colonies de vacances et des centres de protection de l'enfance. Investissements publics La gestion des ressources en eau demeure un chantier prioritaire, avec une enveloppe de 11,33 MMDH en crédits de paiement et de 17,15 MMDH en crédits d'engagement. Ces financements s'inscrivent dans le cadre du programme national pour l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation 2020-2027. Ils permettront la poursuite de la construction de 16 grands barrages et le lancement de deux nouveaux ouvrages, l'accélération des interconnexions hydrauliques entre les principaux bassins, ainsi que la mise en œuvre de la feuille de route pour le dessalement de l'eau de mer, dont l'objectif est la mobilisation annuelle de 1,7 milliard de mètres cubes d'eau. Dans le même sillage, le ministère de l'Equipement reçoit 8,79 MMDH en crédits de paiement, en hausse de près d'un milliard par rapport à 2025, auxquels s'ajoutent 23,3 MMDH en engagements. Ces montants financeront l'appui aux investissements routiers, la réalisation de l'autoroute Guercif-Nador, l'amélioration de la connectivité au port Nador West Med, ainsi que la poursuite de la construction du port Dakhla Atlantique et la protection du littoral de Sidi Moussa ou encore la modernisation des infrastructures du port de Casablanca. Le ministère du Transport et de la logistique est doté de 2,13 MMDH, destinés à renforcer les infrastructures ferroviaires, prolonger la ligne à grande vitesse jusqu'à Marrakech, développer un réseau express régional et construire la liaison ferroviaire reliant Nador West Med. Accès au logement et aménagement du territoire Le PLF 2026 consacre 6,162 MMDH au ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Urbanisme et de l'Habitat, en progression de 3,64%. L'année sera marquée par l'élargissement du dispositif d'aide directe au logement, désormais ouvert aux propriétaires en indivision souhaitant acquérir leur résidence principale. Les financements contribueront également à la résorption de l'habitat insalubre, à la mise en œuvre des projets de politique de la ville et au développement des centres ruraux émergents, tout en renforçant les moyens des agences urbaines. Stratégies sectorielles Le secteur agricole bénéficie d'une enveloppe de 18,83 MMDH destinée à consolider la stratégie Génération Green, notamment à travers le soutien aux projets d'agriculture solidaire, le renforcement de l'irrigation, les partenariats public-privé dans le dessalement à vocation agricole et la poursuite du programme national d'économie d'eau d'irrigation. Le soutien à l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) permettra également de renforcer la sécurité sanitaire du patrimoine animal et végétal. Le ministère de l'Industrie et du Commerce dispose de 2,169 MMDH pour appuyer l'investissement via Maroc PME, développer les chambres de commerce, accélérer le projet Tanger-Tech, renforcer les zones industrielles de Nador West Med, Fès et Kénitra, et accompagner la nouvelle feuille de route 2025-2027 du commerce extérieur. La transition énergétique bénéficie, pour sa part, d'une enveloppe supplémentaire de 22,59 MDH destinée à financer l'aménagement du parc national d'Ifrane, le renforcement du réseau de surveillance de la qualité de l'air et la production de cartes géochimiques, tout en soutenant les missions nouvelles de l'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique (AMEE) en matière de décarbonation et d'économie circulaire. Le numérique mobilise enfin 1,653 MMDH pour soutenir la stratégie Maroc Digital 2030, moderniser l'administration publique, accompagner les startups et promouvoir l'usage du digital en langue amazighe. Développement territorial intégré Le PLF lance une nouvelle génération de programmes de développement territorial intégré, mobilisant 20 MMDH via le Fonds de développement territorial, dont 5 MMDH en charges et 15 MMDH en engagements anticipés. Ces programmes visent à améliorer les services essentiels comme l'éducation, la santé et l'eau, réduire les inégalités territoriales, renforcer la résilience des zones périurbaines, rurales, montagneuses ou oasiennes et stimuler l'emploi local. Dans ce cadre, le programme national dédié aux centres ruraux émergents a identifié 542 centres, dont 77 prioritaires. 36 centres pilotes bénéficieront d'un investissement global de 2,8 MMDH cofinancé par l'Etat et les collectivités territoriales. Promotion de l'emploi et formation L'année 2026 confirme le rôle central des politiques de l'emploi, avec 2 MMDH mobilisés à travers le fonds pour la promotion de l'emploi des jeunes. Les financements visent à renforcer les programmes actifs tels qu'Idmaj, Tahfiz et Taehil, et à accélérer la transformation digitale des services de l'ANAPEC. Le système de formation reçoit par ailleurs 1 MMDH pour élargir l'apprentissage, avec un objectif de 200.000 apprentis sur les années scolaires 2025-2026 et 2026-2027, et pour développer la formation en alternance dans l'enseignement supérieur. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO