L'entrée en bourse de Cash Plus a suscité un fort engagement auprès des institutionnels comme des petits porteurs. Plus de 81.000 investisseurs se sont rués sur les 3,8 millions d'actions, portant la demande à près de 65 fois l'offre initiale. Dans ce raz-de-marée de souscriptions, nombre de boursicoteurs n'ont été servis qu'à la marge, ce qui a nourri un sentiment de frustration, en décalage avec la promesse d'un marché ouvert au grand public. La cloche en bronze poli de la Bourse de Casablanca n'aura retenti qu'à deux reprises cette année pour saluer une nouvelle admission à la cote, en attendant l'arrivée imminente de la SGTM. Tout juste de quoi raviver le fantasme collectif du jackpot à portée de main. Car, dans l'imaginaire boursier, chaque IPO entretient à sa manière la promesse d'un moment démocratique où le grand public serait convié à la table de la croissance et autorisé à y prendre part. Ce récit, alimenté par la communication financière entourant chaque entrée en bourse, se heurte pourtant à une réalité moins flatteuse pour les petits porteurs. Distribution au compte-gouttes Pour la dernière souscription en date, celle de Cash Plus, le marché a répondu massivement, comme en témoigne l'afflux de la demande. Plus de 81.000 investisseurs se sont rués sur les 3,8 millions d'actions proposées à 200 dirhams l'unité, portant la demande à près de 65 fois l'offre initiale ! Suite à ce raz-de-marée, nombre de boursicoteurs n'ont été servis qu'à la marge, nourrissant un sentiment de frustration en décalage avec la promesse d'un marché ouvert au grand public. En cause, la mécanique d'allocation des titres, qui réserve une part significative de l'offre aux investisseurs qualifiés. En effet, dans les schémas récents d'introduction, une part importante des titres est réservée aux institutionnels, tandis que le reliquat est réparti entre des dizaines de milliers de particuliers, en cas de souscription massive. Structurée en trois tranches, l'introduction de Cash Plus réservait une première poche aux ordres d'au moins 3 millions de dirhams, soit un peu plus de la moitié de l'enveloppe. La tranche dédiée aux personnes physiques non qualifiées ne représentait qu'une part minoritaire du total. Elle a été ventilée selon la méthode dite par itération, ce qui, en l'occurrence, aboutit à des allocations finales de l'ordre d'une vingtaine d'actions par petit porteur. Malgré l'enthousiasme de départ, ce mode de répartition laisse, à l'arrivée, bien des épargnants sur leur faim. «À la base, j'avais demandé 150 actions et je me retrouve avec 19 actions, soit un peu plus de 10%», raconte un souscripteur ayant requis l'anonymat. Après le déplacement jusqu'à l'agence, la demi-journée de perdue et les frais de courtage, il ne reste qu'une plus-value tout juste symbolique. «Le fait que je sois une personne physique ne doit pas me priver du droit de chercher une plus-value», se désole-t-il. Prime de fidélité Ceci dit, ce sentiment d'amertume n'est pas général. Pour certains analystes du marché, la réaction des petits porteurs manque parfois de perspective au regard des montants alloués, qui restent généralement modestes. La plus-value espérée, même limitée, vient s'ajouter à une épargne qui, autrement, serait restée immobilisée. «Pour un épargnant qui laisserait ces sommes dormir sur son compte, une plus-value de 1.500 ou 2.000 dirhams qui tombe du ciel, ce n'est pas de refus», relativise Farid Mezouar, directeur exécutif de FLM Markets. «C'est un peu comme une prime de fidélité à la Bourse de Casablanca». Pour les petits porteurs qui ont profité cette année de l'euphorie autour de l'augmentation de capital de TGCC, très sursouscrite, et du parcours à deux chiffres de Vicenne après son introduction, l'addition se traduit, sur douze mois, par une belle année de rendement. Farid Mezouar le rappelle, une IPO n'est qu'un point d'entrée et l'investissement se joue ensuite sur le marché secondaire, où chacun peut ajuster sa position selon ses moyens. Avec l'arrivée annoncée de SGTM, prochaine introduction très attendue, il n'est pas exclu que la même configuration se reproduise si la demande des particuliers dépasse à nouveau largement le papier disponible. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO