La hausse de 17,5% des créations d'entreprises en huit mois ne relève pas d'un simple rebond conjoncturel mais d'un mouvement de fond. En présentant ces chiffres à la Chambre des représentants, Younes Sekkouri a mis en lumière une dynamique entrepreneuriale soutenue qui s'accompagne d'une profonde transformation des pratiques sociales et de l'appareil de formation. Le signal est fort, tranchant avec une conjoncture internationale encore heurtée. En huit mois, le Maroc a vu naître 72.343 entreprises, soit une hausse de 17,5% par rapport à 2024. Dans un pays où le tissu entrepreneurial constitue un marqueur essentiel de la vitalité économique, ce chiffre, présenté par Younes Sekkouri à la Chambre des représentants, apparaît comme un indicateur de résilience autant qu'un défi. Derrière cette dynamique, une évidence se dessine : le Maroc n'est plus seulement dans une phase de relance, il entre dans une phase de structuration. Une création d'entreprises en forte hausse, un tissu économique plus visible Selon le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, les données de l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale attestent d'un mouvement de fond. Les créations d'entreprises progressent nettement, tandis que les cessations d'activité restent contenues, autour de 15.000 établissements sur la même période. À noter à ce sujet que le débat parlementaire portait sur la hausse des faillites. Les chiffres, eux, montrent un écart significatif entre la perception et la réalité statistique. Cette dynamique s'accompagne d'une évolution notable du comportement des employeurs vis-à-vis de la déclaration de leurs salariés. Les données de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) montrent une montée en conformité. Les entreprises régulièrement déclarantes sont passées de 255.000 en 2019 à 344.000 fin 2024, un bond de 34% qui traduit la formalisation progressive de l'économie et un alignement sur les exigences de protection sociale. Formation professionnelle privée, un secteur en pleine expansion mais sous tension Le même jour, le ministre a apporté un éclairage différent mais tout aussi structurant pour l'économie. Le secteur de la formation professionnelle privée a connu une croissance rapide, atteignant 1.487 établissements répartis sur le territoire. Près de 740.000 jeunes sont aujourd'hui inscrits dans un parcours de formation professionnelle, dont plus de 120.000 au sein du privé. Cette expansion témoigne d'une demande de compétences en forte accélération, mais elle révèle aussi des fragilités. Le secteur médical et paramédical attire à lui seul près de 50.000 stagiaires, conséquence directe des besoins générés par la généralisation de la protection sociale et par l'essor des investissements dans la santé. Le ministre évoque une pression croissante sur les capacités d'accueil et un appétit massif pour ces filières, rappelant qu'une seule formation a enregistré 8.000 demandes. Réformes en profondeur, gouvernance et qualité au centre du chantier Pour accompagner cette croissance, une révision systémique du cadre de gouvernance est en cours. Une étude de terrain menée auprès de plus de 400 établissements a mis en lumière un ensemble d'«anomalies», touchant notamment l'accréditation, l'habilitation des filières ou l'organisation des cours du soir. Plusieurs points ont déjà été corrigés et d'autres évolutions majeures entreront en vigueur dès l'année prochaine, avec l'élargissement des plages horaires de formation, du lundi au samedi. Le gouvernement prévoit également une révision générale des procédures d'accréditation et un ajustement régulier des filières pour mieux coller aux besoins du marché. La coopération public-privé est citée comme une condition déterminante pour soutenir un secteur devenu stratégique. Les pays qui réussissent, a rappelé Younes Sekkouri, sont ceux qui ont opté pour des règles de gouvernance claires et une articulation solide entre les deux sphères. Dynamisme entrepreneurial et montée en compétences, un même cap L'intervention du ministre dessine une cohérence d'ensemble. D'un côté, un tissu entrepreneurial qui s'élargit, se formalise et gagne en visibilité. De l'autre, un appareil de formation en mutation rapide, cherchant à répondre aux besoins d'une économie qui change d'échelle. Le soutien social aux étudiants du privé, aujourd'hui freiné par une procédure complexe, sera lui aussi révisé et articulé au Registre social unifié. Dans les chiffres comme dans les réformes annoncées, une même lecture s'impose. Le Maroc tente d'aligner deux dynamiques essentielles, la création d'entreprises et la montée en compétences, afin de consolider un modèle de croissance fondé sur la qualité, la formalisation et la capacité d'adaptation. Une ambition qui, désormais, se mesure autant dans les statistiques de l'OMPIC que dans les salles de formation. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO