Si le Maroc est sous les projecteurs en tant que destination phare pour les événements internationaux dans les domaines politique, sportif et économique, il l'est de plus en plus également pour les rendez-vous artistiques et culturels. Dans cette dynamique, les professionnels du cinéma capitalisent sur un secteur au potentiel d'évolution prometteur, malgré les défis à relever. Incontournable dans l'agenda de cette année pour son potentiel touristique, ou pour être le pays hôte de nombreux rendez-vous mondiaux et régionaux majeurs, dont la Coupe d'Afrique des nations (CAN 2025) qui commence le 21 décembre, le Maroc est sous les projecteurs également des professionnels du cinéma. Pour nombre d'entre eux, le Festival international du film de Marrakech fait partie de ces lieux de rencontres qui, en plus de révéler de nouveaux talents parmi les cinéastes, permettent de créer des liens durables autour du septième art, le marché marocain étant l'un des principaux de l'Afrique. Clôturée le week-end dernier, la 22e édition du FIFM tenue du 28 novembre au 6 décembre constitue une ouverture pour nombre de réalisateurs ayant montré leurs premiers films en projets, dans le cadre des Ateliers de l'Atlas, ou finalisés et dévoilés en première mondiale. Au niveau national, c'est une aubaine pour producteurs, diffuseurs et programmateurs cherchant à investir dans un secteur en évolution. Au sein des acteurs de cette industrie, Tom Abrami, représentant pour Universal Pictures International en Afrique francophone et notamment le Maroc, considère que le royaume est l'un des principaux marchés pour lequel il propose plusieurs sorties. Parmi elles, «Hamnet», le nouveau film de Chloé Zhao dévoilé lors du FIFM 2025, ainsi qu'un large catalogue de productions internationales sorties dans les salles obscures marocaines en même temps que sur le marché européen, ou parfois avant le marché américain. FIFM 2025 : Les Ateliers de l'Atlas, la boîte à projets des cinémas de demain Une synergie entre distributeurs marocains et étrangers Dans ce cadre, Universal Pictures International compte sur Benjamin Turpin, responsable de projet marketing pour Universal Pictures Entertainment, ainsi que son sous-distributeur marocain basé à Oujda, Film Event Consulting, porté sur la distribution des films étrangers. Dans le royaume, le processus est assuré sous la houlette de Mohamed Khouna, également président directeur général de la société Facility Event en France. «Nous travaillons à l'année sur des films parmi ceux projetés lors d'éditions du FIFM, ainsi que sur le reste de notre line-up qui est l'un des plus fournis, avec un grand potentiel au niveau du Maroc», nous dit le diffuseur franco-marocain, par ailleurs président de la Commission du fonds d'aide à la numérisation, la rénovation et la création de salles du Centre cinématographique marocain (CCM). Mohamed Khouna A ce titre, Mohamed Khouna confie à Yabiladi que les défis existent, en termes de rentabilisation des salles de cinéma au Maroc et en matière de calendrier des sorties nationales. Pour autant, il est confiant sur le fait que le tissu des professionnels et des institutions de tutelle convergent les point de vue vers des solutions pratiques et viables. «Nous nous projetons déjà sur 2026, qui sera une année importante en sorties de films avec Universal, promettant un très fort potentiel, tant au Maroc qu'ailleurs», a déclaré pour sa part Tom Abrami à Yabiladi. Maroc : Cinéma Camera à Meknès, la salle qui mobilise les cinéphiles pour sa réouverture En dehors des événements autour du cinéma, Mohamed Khouna et ses associés proposent «une vingtaine de films par an pour des sorties dans salles du royaume, que ce soit Mégarama, Pathé, Cinéatlas, Cinerji, Dawliz, La Renaissance, ou encore les salles indépendantes dans diverses villes, comme Alcazar, Camera et autres». «Nous comptons également sur notre catalogue de plus de 500 titres labellisés Universal Vintage, incluant des films que l'on retrouve plus à la Cinémathèque de Tanger, à la Cinémathèque marocaine de Rabat et dans certaines salles qui souhaitent promouvoir ces œuvres de patrimoine.» Tom Abrami - Universal Pictures International Depuis le début de l'année qui s'achève, pas moins de 43 films ont été distribués au Maroc. Les films marocains ne sont pas en reste, puisque qu'ils sont de plus en plus intégrés à ce catalogue, encore plus pour 2026. «C'est une très bonne chose pour le pays. Etant Marocain résident à l'étranger, on n'a pas d'emblée les codes qui permettent de mieux connaître la réalité du secteur au niveau national, les dynamiques entre les professionnels. Avec le temps, plus on s'investit et plus on maîtrise les manières de faire. On sait alors être à l'écoute et répondre aux attentes, ce qui nous aide à participer au rayonnement de nos productions nationales, en plus de proposer des films internationaux», nous a déclaré Mohamed Khouna. FIFM 2025 : «Sirât», le voyage d'Óliver Laxe au bout du Sahara Outre les films Universal, le diffuseur propose «les films de la Walt Disney Company France, avec les animes, mais aussi beaucoup d'opus cinématographiques de genre et d'auteurs, dont Hamnet, ainsi que Sirât» du réalisateur franco-espagnol Óliver Laxe, en salles au Maroc dès le 10 décembre 2025 et parmi des créations nominées aux Oscars, ou encore «Megalopolis» de Francis Ford Coppola, sans oublier quelques films d'action et des distributions comme «Captain America: Brave New World» de Marvel, ayant dépassé les 8 000 entrées au Maroc. Universal Pictures International France a créé un label pour les films art et essai, avec Céline Demoulin et Tom Abrami «Tous les films ont leur place en tête d'affiche» Autant dire que pour Mohamed Khouna comme pour Tom Abrami, l'idée est de «représenter des productions de tout bord et de tout pays» auprès de toutes les salles, pour faire la part belle à la diversité des créations cinématographiques, plus que le fait de «représenter des œuvres primées ou nominées en elles-mêmes». La diffusion de films étrangers au Maroc et marocains dans le pays comme à l'étranger devrait tirer parti de la prochaine ouverture de salles dans plusieurs villes, dont Kénitra, Rabat, Casablanca, Beni Mellal, Marrakech et Saïdia. Histoire : Cine Alcazar, la salle tangéroise centenaire qui retrouve une nouvelle vie De leur côté, les cinéphiles seraient nombreux à préférer voir des films sur le grand écran. Selon les chiffres rendus publics en février dernier par le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication, les salles cinématographiques du pays ont généré des recettes de l'ordre de 127 millions de dirhams (MDH) en 2024, contre 89 MDH en 2023 et 77 MDH en 2022, soit une hausse de 42% en un an. Par ailleurs, le nombre des spectateurs ayant fréquenté ces espaces en 2024 a atteint 2 200 000, contre 1 700 000 en 2023. Les diffuseurs et les distributeurs s'en réjouissent, avec l'optique de couvrir aussi bien les multiplex que les espaces indépendants et à petits budgets, tout en essayant de trouver un équilibre financier dans ce microcosme hybride. «Avec les ayants droit avec qui nous travaillons, il n'y a pas de frein vis-à-vis du montant du prix d'entrée. Si un film sort, nous le proposons à tout le monde, sans exception», explique Tom Abrami. «Cette question revient souvent par rapport à la création des salles du ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication au Maroc, mais pour un distributeur, elle ne constitue pas un obstacle. Afin de rentabiliser un espace de projection, une balance est nécessaire entre le prix et le nombre d'entrées, mais nous ne considérons pas cela comme un défi, du moment que la distribution rend encore plus accessible une œuvre qui devrait trouver son public.» Mohamed Khouna - Film Event Consulting Pour Mohamed Khouna, «la question porte davantage sur le développement de ces salles, notamment en proposant des avant-premières événementielles, des lancements, des initiatives pour susciter l'intérêt du spectateur sur la salle et sur un film, par ricochet». Dans le même sens, il insiste sur la mise en place nécessaire d'un calendrier des sorties marocaines. Diaspo #316 : Mohamed Khouna, dynamo des sorties en salles de cinéma en France et au Maroc Selon lui, le souci est de concilier ainsi entre la synchronicité ou le décalage des sorties internationales par rapport aux productions marocaines à succès, afin de visibiliser toutes les nouvelles réalisations. De cette manière, celles-ci toucheront encore plus des publics variés à même de «créer de la cinéphilie», avec des retombées palpables. «Nous continuerons à soutenir ce processus, dans les mois à venir», nous ont affirmé Mohamed Khouna et Tom Abrami, en soulignant leur «volonté d'amplifier ce travail et de le poursuivre».