L'opérateur portuaire marocain Marsa réussit une opération très stratégique, avec l'acquisition de 45% de la filiale portuaire du groupe espagnol Boluda Maritime Terminals. Explications. C'est un pas décisif vers l'internationalisation, mais aussi la diversification de Marsa Maroc. En entrant à hauteur de 45%, dans le capital de la branche portuaire du géant espagnol Boluda Maritime Terminals (BMT), l'opérateur portuaire marocain affiche ses ambitions pour les années à venir. «C'est une opération qui tombe bien pour Marsa Maroc, qui doit se diversifier pour ne plus dépendre uniquement de ce qui est presque considéré comme un monopole au port de Casablanca. Le groupe doit diversifier ses activités en passant d'un acteur présent uniquement à quai, à un acteur opérant également en mer. C'est en résumé ce qu'il faut comprendre de cette opération», explique le professeur Najib Cherfaoui, expert maritime, dans une déclaration aux Inspirations ECO. «Au lieu de manutentionner la flotte des autres, Marsa Maroc doit détenir sa propre flotte», poursuit notre interlocuteur. Un pas important semble désormais franchi dans ce sens. L'entrée annoncée dans le capital de BMT s'est faite moyennant un investissement de 80 millions d'euros, soit plus de 800 millions de dirhams. L'équation de la flotte maritime résolue ? Dans cette opération, aussi bien les parties marocaine et espagnole réalisent une bonne affaire. «Marsa Maroc devait trouver un acteur à taille humaine comme Boluda, beaucoup moins immense que Maersk ou CMA CGM par exemple, afin de se mettre progressivement à l'eau. Quant à l'acteur espagnol, il profite du quasi-monopole de Marsa Maroc et confirme son ancrage dans le remorquage de navires au Maroc», explique encore Najib Cherfaoui. Il faut dire que vu du Royaume, l'absence d'un pavillon national depuis plus d'une décennie handicape les ambitions maritimes. Et la nouvelle alliance qui se dessine permettra de profiter d'un certain accès à la flotte de Boluda, sachant que celle-ci, à travers sa filiale de transport maritime, Boluda Lines, offre à ses clients un accès à 11 routes maritimes. Ces lignes assurent des connexions fluides entre la péninsule Ibérique, les îles Canaries, les Baléares, l'Europe du Nord, l'Italie, la côte ouest-africaine et le Cap-Vert. «Au-delà du commerce avec les voisins sud-méditerranéens, c'est plus l'accès facilité aux ports ouest-africains qui constitue une bonne nouvelle pour les exportations marocaines. Car, nous avons presque toujours été à la merci des grands armateurs sur cette question», indique le professeur Najib Cherfaoui. D'ailleurs, tout ceci est confirmé dans le communiqué de Marsa Maroc selon lequel «les deux groupes affichent un alignement stratégique fort, animé par l'objectif commun de renforcer leur positionnement sur le corridor Maroc-Espagne, un axe maritime majeur entre les deux rives du détroit, mais également à l'international, notamment en Afrique». Chainon manquant En attendant la remise à flot du pavillon national, ce premier pas en dit long sur la prise de conscience de la nécessité pour le Maroc de revenir en force sur les lignes maritimes. Avec la montée progressive des échanges extérieurs du Royaume, surtout pour un pays qui se rêve en terre de relocalisation, le chainon manquant de la stratégie maritime se constate malheureusement avec l'absence de cette flotte stratégique. Pour leurs parts, les ports gérés par l'Agence nationale des ports (ANP) réalisent de belles performances, sans parler de Tanger Med, qui rappelons-le, avait déjà absorbé Marsa Maroc depuis plusieurs années. Il faut noter que l'entrée de Marsa dans le capital de BMT demeure soumise à l'approbation des autorités compétentes, annonce un communiqué de l'opérateur portuaire marocain. Stratégique Rappelons, par ailleurs, que BMT est implantée dans neuf ports situés entre la péninsule ibérique et les îles Canaries (Las Palmas, La Palma, Tenerife, Lanzarote, Fuerteventura, Séville, Vilagarcía, Cadix et Santander). En 2024, ses terminaux ont manutentionné un volume de plus d'un million de conteneurs EVP, confirmant leur rôle clé dans le traitement des flux Péninsule–Îles Canaries. Pour sa part, avec 34 terminaux dans 20 ports, Marsa Maroc est fier de sa capacité à établir des alliances stratégiques avec des acteurs mondiaux de premier plan. Dans un contexte où l'Union européenne représente le premier partenaire commercial du Maroc, avec près de 65% des échanges extérieurs, «ce rapprochement prend également une dimension stratégique particulière pour le Maroc», se réjouit l'opérateur portuaire. Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO