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Finance 4.0 : une mutation profonde encore inachevée
Publié dans Les ECO le 22 - 12 - 2025

Fintechs, intelligence artificielle, blockchain et finance durable redessinent les contours de la finance mondiale. Une étude académique récente analyse cette transition à travers le prisme marocain. Si le Royaume avance rapidement sur le plan numérique, l'inclusion financière progresse plus lentement, révélant un décalage structurel entre innovation technologique et usages réels.
Le système financier mondial est en train de changer de nature. Plus rapide, plus technologique, parfois plus inclusif, il s'éloigne progressivement des modèles bancaires traditionnels fondés sur l'intermédiation physique et la centralisation des flux.
Cette mutation porte désormais un nom, la Finance 4.0. Au Maroc, cette transition est déjà à l'œuvre, mais elle demeure inachevée. C'est le principal enseignement d'une étude scientifique menée par Achraf Ed-Diouri, Ghizlane Ichahrar et Ali Ouchekkir, chercheurs à l'Université Mohammed V de Rabat. Leur travail analyse, chiffres à l'appui, la manière dont la digitalisation financière influence l'inclusion économique du pays, tout en comparant l'expérience marocaine à celle de plusieurs économies de référence.
Le Maroc face à ses propres paradoxes
Le Maroc n'est pas resté en marge de la transformation financière mondiale. Au cours des quinze dernières années, le pays a enregistré une progression notable de ses indicateurs clés. Le taux de bancarisation est passé de 29% en 2007 à 53% en 2022, traduisant une ouverture progressive du système financier à des catégories jusque-là exclues.
Dans le même temps, la connectivité numérique s'est généralisée. Plus de 88% de la population dispose désormais d'un accès à Internet, plaçant le Royaume parmi les pays africains les mieux équipés en infrastructures numériques. Sur le papier, ces deux dynamiques combinées dessinent un terrain favorable à l'essor de la Finance 4.0. Les prérequis techniques semblent réunis, la population est connectée et les services financiers sont plus accessibles qu'auparavant. Mais l'étude met précisément en garde contre une lecture trop linéaire de ces chiffres.
Derrière cette progression apparente, un décalage persistant subsiste entre infrastructure numérique et usages réels. Malgré une connectivité élevée, moins de 10% des adultes utilisent effectivement des services financiers numériques. Les paiements mobiles, les plateformes fintech ou les solutions de financement innovantes restent encore marginaux dans les pratiques quotidiennes.
L'écosystème fintech, quant à lui, demeure embryonnaire, avec une trentaine d'acteurs actifs, loin des centaines de startups recensées dans les hubs régionaux ou internationaux. Les auteurs soulignent ainsi que le système financier marocain reste «encore dominé par l'intermédiation bancaire classique», où la banque traditionnelle conserve un rôle central dans le financement de l'économie.
La digitalisation progresse, mais elle s'opère davantage comme une extension des modèles existants que comme une rupture profonde. Ce paradoxe marocain est au cœur de l'analyse. Le pays avance vite sur le plan technologique, mais plus lentement sur celui de l'appropriation financière, révélant une transition encore incomplète entre modernisation des outils et transformation réelle des usages.
Ce que disent vraiment les chiffres
Le cœur analytique de l'étude repose sur un modèle économétrique appliqué aux données marocaines sur la période 2016–2022, construit à partir d'indicateurs macroéconomiques et sectoriels. L'ambition des auteurs est explicite. Il s'agit d'aller au-delà des discours sur la digitalisation pour identifier, chiffres à l'appui, les facteurs qui influencent réellement l'évolution de l'inclusion financière.
Le modèle mobilise plusieurs variables clés, notamment l'accès à Internet, la densité des agences bancaires, le nombre de fintechs actives et le taux d'urbanisation, afin de mesurer leur impact respectif sur la part de la population disposant d'un accès formel aux services financiers. Les résultats apparaissent sans ambiguïté.
L'accès à Internet joue un rôle déterminant dans l'élargissement de l'inclusion financière. Plus la connectivité numérique progresse, plus l'accès aux services financiers formels s'améliore, en facilitant l'usage des applications bancaires, des plateformes de paiement et des services dématérialisés. Mais l'enseignement majeur de l'étude se situe ailleurs.
Le véritable moteur de l'inclusion financière reste le développement des fintechs. Ce sont elles qui transforment l'infrastructure numérique en services concrets, simples et adaptés aux usages locaux, et qui permettent de toucher des publics jusque-là éloignés du système bancaire classique. À l'inverse, l'extension du réseau d'agences bancaires traditionnelles apparaît de moins en moins décisive.
L'étude montre que le modèle fondé sur la présence physique perd progressivement de son efficacité au profit de solutions financières numériques décentralisées. Ce basculement traduit à la fois une évolution des comportements des usagers et une redéfinition plus profonde du rôle des institutions traditionnelles dans l'écosystème financier marocain.
Les chercheurs résument cette dynamique de manière explicite lorsqu'ils écrivent que «l'inclusion financière au Maroc est de plus en plus portée par les canaux numériques et les innovations technologiques».
Cette phrase condense l'un des messages centraux de l'étude. Elle souligne que l'avenir de l'inclusion financière ne repose plus principalement sur l'extension des infrastructures physiques, mais sur la capacité à développer un écosystème numérique performant, innovant et capable de toucher les populations encore éloignées du système financier formel.
Un Maroc coincé entre modèles internationaux
Pour situer le Maroc dans la transition vers la Finance 4.0, les auteurs ont procédé à un benchmark international en comparant son expérience à celle de la France, des Emirats Arabes Unis, du Kenya et de la Tunisie. Cette approche permet de confronter le modèle marocain à des trajectoires très contrastées, allant de systèmes fortement institutionnalisés à des modèles plus agiles fondés sur des solutions numériques de masse.
D'un côté, la France et les Emirats Arabes Unis affichent des taux d'inclusion supérieurs à 95%, portés par «un environnement réglementaire consolidé», une forte coordination entre acteurs publics et privés et une intégration avancée des technologies financières et de la finance durable.
À l'autre extrémité, le Kenya atteint 84% d'inclusion financière grâce à «la diffusion massive du mobile money», qui a permis d'intégrer rapidement les populations rurales et informelles en contournant les circuits bancaires traditionnels.
Entre ces deux modèles, le Maroc occupe une position intermédiaire. Son cadre réglementaire est jugé solide mais lent, et son écosystème fintech reste limité et concentré sur quelques segments, sans véritable effet d'entraînement à l'échelle nationale. Pour les auteurs, cette situation ne constitue pas un handicap en soi, mais une zone de bascule stratégique.
«Le Maroc dispose d'un potentiel considérable pour devenir un pôle financier digital régional, à condition d'accélérer la mise en œuvre de réformes ciblées», écrivent-ils, avertissant qu'à défaut, le Royaume risque de rester durablement coincé entre des modèles qu'il n'aura ni pleinement rejoints ni véritablement adaptés à ses propres réalités.
Des signaux encourageants sur le terrain
Malgré ces limites, plusieurs initiatives illustrent concrètement la montée en puissance de la Finance 4.0 au Maroc. La digitalisation de CIH Bank, l'inclusion des petits commerçants via Chari.ma ou encore le financement participatif porté par Wuluj montrent que l'innovation existe et qu'elle répond à des besoins réels. Ces expériences confirment un point central de l'étude.
La Finance 4.0 ne progresse pas uniquement par la technologie, mais par l'usage. Elle avance là où elle simplifie l'accès au crédit, fluidifie les paiements et transforme des flux informels en données exploitables.
Au terme de leur analyse, les chercheurs appellent à un changement d'échelle. Gouvernance numérique renforcée, coordination institutionnelle, montée en compétence financière des citoyens et structuration de l'écosystème fintech apparaissent comme des priorités absolues. La conclusion est sans détour. «La Finance 4.0 constitue un outil structurant de développement économique et social, à condition d'être pensée comme un levier d'inclusion durable», écrivent-ils.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO


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