À l'heure où la transition énergétique devient une priorité mondiale, le Maroc se distingue par une empreinte carbone relativement modeste mais en croissance. Grâce à une analyse complète publiée par Our World in Data, les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre du Royaume révèlent une trajectoire contrastée avec des efforts visibles en matière d'énergies renouvelables, mais encore une forte dépendance aux énergies fossiles. Alors que les appels à la décarbonation mondiale se font plus pressants, le Maroc figure parmi les pays qui affichent une empreinte carbone modeste à l'échelle internationale, mais dont les défis restent complexes à l'échelle nationale. Un panorama détaillé publié par Our World in Data permet de dresser un portrait complet de l'évolution des émissions de CO2 et de gaz à effet de serre (GES) du Royaume sur les dernières décennies. Il en ressort un pays engagé dans la transition énergétique, mais confronté à une croissance structurelle des émissions, notamment liées aux énergies fossiles. Une empreinte par habitant encore faible, mais en progression En 2022, les émissions de CO2 par habitant au Maroc s'élevaient à environ 1,7 tonne, un chiffre bien inférieur à la moyenne mondiale (plus de 4,5 tonnes) ou à celui des pays industrialisés. Ce chiffre masque toutefois une tendance haussière, dans la mesure où les émissions par habitant ont presque doublé depuis les années 1990. Cette progression est liée à la croissance démographique, à l'urbanisation et à l'augmentation de la demande énergétique. Des émissions totales encore contenues Le Maroc émet environ 60 millions de tonnes de CO2 par an, ce qui représente moins de 0,15% des émissions mondiales. Ce volume le place très loin des grands pollueurs mondiaux comme la Chine, les Etats-Unis ou l'Inde. Néanmoins, cette proportion modeste ne doit pas occulter la responsabilité nationale en matière de développement durable et de résilience climatique, notamment dans un pays à forte vulnérabilité hydrique et agricole. Contribution historique limitée Depuis 1751, le Maroc a émis au total environ 1,2 milliard de tonnes de CO2, soit 0,07% des émissions mondiales cumulées. Cela reflète son industrialisation tardive et l'usage limité des énergies fossiles durant la majeure partie du XXe siècle. Cette position historique relativement neutre est un levier diplomatique que le Royaume utilise dans les négociations climatiques internationales pour réclamer un soutien technique et financier à sa transition énergétique. Le rôle des énergies fossiles dans la structure des émissions Les émissions marocaines de CO2 sont encore largement dominées par les énergies fossiles. En effet, le charbon, le pétrole et le gaz représentent près de 90% des émissions. Le charbon, en particulier, utilisé dans la production d'électricité, demeure la première source d'émission. La part des émissions issues du ciment est aussi significative, traduisant le dynamisme du secteur du BTP. La structure par source des émissions évolue toutefois. Le Maroc mise sur les énergies renouvelables et a amorcé une diversification énergétique. Les projets solaires (Noor Ouarzazate), éoliens et de valorisation des déchets témoignent d'un engagement fort en matière de transition énergétique. Gaz à effet de serre : au-delà du CO2 Le profil intègre également les autres GES majeurs. Les émissions de méthane (CH4), liées principalement à l'agriculture et aux déchets, atteignent environ 2,1 tonnes équivalent CO2 par personne. Le protoxyde d'azote (N2O), issu de l'usage des fertilisants agricoles, représente une part non négligeable des émissions, notamment dans les régions à forte production maraîchère ou céréalière. Consommation vs production : un bilan ajusté Lorsque les émissions sont recalculées en tenant compte des biens importés et exportés (consumption-based emissions), l'empreinte du Maroc reste relativement stable. Cela signifie que le Maroc ne délocalise pas massivement ses émissions à travers ses importations — contrairement à de nombreux pays industrialisés. Le pays produit l'essentiel de ce qu'il consomme sur son territoire, ce qui renforce la responsabilité de sa transition interne. Intensité énergétique et carbone par PIB Le Maroc utilise environ 2,5 mégajoules d'énergie par dollar de PIB, un chiffre en baisse lente mais continue, signe d'une amélioration de l'efficacité énergétique. L'intensité carbone de l'économie marocaine (grammes de CO2 émis par unité d'énergie utilisée) reste toutefois relativement élevée, notamment à cause du poids du charbon dans la production électrique. Croissance économique vs émissions : vers un découplage ? Le rapport montre que la croissance du PIB marocain s'est accompagnée d'une augmentation des émissions, mais à un rythme moins rapide. Ce léger découplage est encourageant : il montre que la croissance économique peut se poursuivre sans multiplier les émissions de façon proportionnelle. Pour l'amplifier, il faudra renforcer la place des renouvelables, de l'efficacité énergétique et de l'économie circulaire.