La campagne agrumicole marocaine 2025-2026 démarre sous de bons auspices, avec des projections de production favorables pour les tangerines et mandarines, estimées à 1,15 million de tonnes, et une stabilité relative pour les oranges à 970.000 tonnes. L'export reste un moteur stratégique, porté par l'Union européenne, la Russie et les marchés africains en développement, tandis que la filière renforce sa valorisation industrielle. Près de 65.000 tonnes de fruits seront orientées vers la transformation en jus d'orange, contribuant à lisser les revenus des producteurs et à accroître la résilience de la filière face aux pressions concurrentielles et aux contraintes climatiques. La filière agrumicole marocaine démarre la campagne actuelle sous des perspectives favorables. Selon le dernier rapport du Département américain de l'agriculture (USDA), la production de tangerine/mandarine atteindrait 1,15 million de tonnes en 2025-2026, en hausse de 4% par rapport à la campagne précédente. Cette progression s'explique principalement par des conditions climatiques plus favorables durant la phase de croissance, mais aussi par l'effet du cycle biologique des vergers, qui a permis une amélioration des rendements. Les pluies tardives ont par ailleurs contribué à une augmentation du calibre des fruits, renforçant l'offre exportable, notamment pour les calibres 4 et 5, très recherchés sur les marchés internationaux. Sur le plan commercial, la consommation domestique est projetée à 600.000 tonnes, soit une hausse de 7%, soutenue par une offre plus abondante et des prix relativement stables sur le marché local. Côté export, la campagne a démarré avec près de deux semaines de retard, en raison d'une maturation plus lente des fruits. Malgré ce décalage, les exportations marocaines de tangerines devraient atteindre 550.000 tonnes, indique le rapport, en progression de 2% sur un an. L'Union européenne et la Russie demeurent les principaux débouchés, tandis que les marchés d'Afrique de l'Ouest, notamment le Sénégal, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire, gagnent en importance. Le rapport souligne toutefois une concurrence accrue, en particulier de la part du Chili, dont les variétés tardives arrivent sur le marché international durant la fenêtre stratégique de novembre-décembre. Face à ces pressions, les producteurs marocains misent de plus en plus sur des porte-greffes tolérants à la salinité et économes en eau, comme Macrophylla ou Volkameriana, afin de sécuriser la production dans un contexte de stress hydrique persistant. Oranges : entre stabilité productive et pression concurrentielle La campagne 2025-2026 des oranges marocaines s'inscrit plus dans une dynamique de stabilisation que de croissance. D'après les projections de l'USDA, la production nationale atteindrait 970.000 tonnes, en légère progression de 1% par rapport à la saison précédente. Cette évolution modérée reflète à la fois l'amélioration des conditions climatiques lors de la floraison et de la phase de grossissement, et les limites structurelles auxquelles fait face la filière, notamment en matière de ressources hydriques. L'adoption croissante de l'irrigation localisée (goutte-à-goutte) permet à de nombreux producteurs de maintenir les rendements sur des superficies globalement stables, estimées à près de 58.300 hectares plantés et 54.950 hectares récoltés selon les prévisions de l'USDA pour la campagne actuelle (2025-2026). Toutefois, cette optimisation technique ne suffit pas à compenser totalement les effets du stress hydrique récurrent et la hausse des coûts de production, en particulier ceux liés à la main-d'œuvre et à l'énergie. À l'export, les perspectives demeurent contrastées. Les exportations marocaines d'oranges sont attendues à 85.000 tonnes, un niveau identique à celui de la campagne 2024-2025, mais inférieur à la moyenne quinquennale. Le rapport souligne une concurrence particulièrement intense de l'Egypte et de la Turquie, deux pays bénéficiant de coûts de production plus faibles. Dans le cas égyptien, la dépréciation de la monnaie nationale renforce la compétitivité prix sur les marchés internationaux, permettant des offres difficiles à concurrencer pour les exportateurs marocains. Sur le marché intérieur, la consommation d'oranges fraîches est projetée à 820.000 tonnes, en hausse de 1%. Cette progression limitée traduit une demande domestique relativement mature, mais soutenue par des prix accessibles et par l'orientation d'une partie croissante de la production vers la transformation. Les volumes destinés à l'industrie devraient ainsi atteindre 65.000 tonnes, contre 60.000 tonnes la saison précédente, en lien avec l'extension des capacités de transformation, notamment dans le Sud du Royaume. Jus d'orange : la transformation comme relais stratégique de croissance L'un des segments les plus importants de cette industrie reste sans conteste celui du jus d'orange, qui confirme son rôle croissant dans la structuration de la filière agrumicole marocaine. Pour la campagne 2025-2026, l'USDA prévoit une production de 6.500 tonnes équivalent 65° brix, en progression par rapport à la saison précédente et supérieure de 8% à la moyenne des cinq dernières années. Cette évolution repose sur deux leviers majeurs : une meilleure disponibilité de fruits sur le marché local et l'extension des capacités industrielles, en particulier dans les régions du Sud, où opèrent les principaux acteurs du concentré. Il est évident que les 65.000 tonnes qui seront livrées à l'industrie lors de cette campagne traduisent une orientation plus marquée vers la valorisation industrielle des fruits qui ne répondent toujours pas aux standards du marché du frais, mais dont la qualité reste largement compatible avec les exigences de transformation, tant en matière de rendement en jus que de caractéristiques organoleptiques. Ce qui permet de capter de la valeur ajoutée sur des volumes auparavant faiblement valorisés, de lisser les revenus des producteurs et, par conséquent, de renforcer la résilience globale de la filière. La consommation domestique de jus d'orange est estimée à 4.300 tonnes, en hausse de 5%, selon les projections de l'USDA, portée par une offre plus abondante et par un positionnement prix plus compétitif face aux produits importés. Sur le plan commercial, les exportations de jus d'orange marocain devraient atteindre 4.000 tonnes, principalement sous forme de concentré, à destination des marchés du Moyen-Orient et de l'Afrique de l'Ouest. L'un des faits marquants de la campagne reste la forte contraction des importations, projetées à 1.800 tonnes, en recul de 45% par rapport à l'année précédente. Cette baisse est principalement liée à la diminution des achats en provenance du Brésil (-81%) et de l'Egypte (-38%), conséquence directe du renforcement de l'offre locale et de la montée en puissance des unités de transformation nationales. À moyen terme, les acteurs du secteur affichent une ambition claire : réduire, voire éliminer, la dépendance aux concentrés importés et consolider une filière industrielle intégrée. Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ECO