«L'œil de la société civile est ouvert sur la gestion publique. Cela ne peut qu'œuvrer dans le sens de la consécration des principes de concurrence». Cette affirmation peut sembler anodine, sauf qu'elle est formulée par le trésorier général du royaume. Noureddine Bensouda, pour le nommer, n'a vraiment plus à faire ses preuves. Celui qui a amélioré sensiblement les recettes de l'Etat, quand il était à la tête de la Direction des impôts, a pris la parole, lors d'une conférence organisée par la Chambre de commerce française, devant un public conquis d'avance et il n'a pas déçu. Ainsi, il déclare, avec le franc-parler qui le caractérise : «Celui qui tient vos comptes connaît toutes vos actions». La Trésorerie générale a donc accès au détail de toutes les actions de l'Etat, à travers chiffrage des recettes et des dépenses. L'exposé du trésorier général portait la stratégie d'investissement de l'Etat et l'efficience des marchés publics et plus précisément sur le nouveau décret sur la réglementation de ces marchés bien particuliers. Ce projet en cours de finalisation entend remédier aux limites et insuffisances du précédent décret datant de 2007. Aussi, il entend s'adapter aux mutations profondes que l'environnement national et international a connues ces dernières années. Car celles-ci «exigent une réelle adaptation du dispositif juridique et technique régissant la commande publique à l'évolution qui a marqué le monde des affaires et les engagements de notre pays pris dans le cadre des accords internationaux», peut-on lire dans le préambule du nouveau décret. Large concertation Pour ce faire, le décret a pris comme socle le colloque national sur les marchés publics organisé en avril 2009. Une démarche qui a été renforcée par une large concertation avec les principaux acteurs et partenaires concernés par la commande publique, qu'ils soient acheteurs publics, entreprises ou fédérations d'entreprises, société civile, organes de contrôle ou institutions internationales intervenant dans le domaine des marchés publics. Le trésorier général du royaume argue : «La réglementation des marchés publics met en action des intérêts assez souvent divergents des quatre principaux acteurs dans le domaine. Le citoyen, l'opérateur économique, l'acheteur public, mais aussi les organismes financiers internationaux». En effet, le citoyen exige l'utilisation à bon escient des deniers publics. L'opérateur économique a comme principal objectif la rentabilité. L'acheteur public, quant à lui, veut assurer un service public au meilleur rapport coût, qualité et délais. Enfin, les organismes financiers internationaux veillent au respect des normes internationales par les Etats, pour permettre aux entreprises internationales d'accéder librement aux différents marchés. «Le dispositif juridique régissant les marchés publics doit de toute évidence refléter, en les conciliant, l'ensemble de ces intérêts divergents et parfois antinomiques», insiste Noureddine Bensouda, qui veut se montrer aussi à l'écoute d'une assistance composée essentiellement de patrons d'entreprises nationales et internationales. Son argument le plus fort c'est la promotion de la transparence à travers le renforcement de la publicité. Le portail des marchés publics est à ce propos un outil puissant qui a le double objectif de transparence et de dématérialisation. Vers un PPP pour le portail ? À ce sujet, l'orateur de cette conférence ouvre le champ de la réflexion et appelle tous les acteurs à se concerter pour trouver la meilleure formule entre gestion par le public, par le privé, ou en partenariat avec les deux. Toujours est-il que désormais tous les ministères, toutes les collectivités locales et 60 % des établissements publics à caractère administratif sont d'ores et déjà inscrits. Toutefois, si la transparence est essentielle, elle n'est pas suffisante et doit être accompagnée d'un meilleur contrôle. Et parfois ce contrôle peut lever le voile sur des pratiques anticoncurrentielles un peu spéciales. «Certains opérateurs avaient l'offre la plus concurrentielle, cela nous a mis la puce à l'oreille et nous avons découvert qu'ils soumissionnaient en hors taxe». In fine et au-delà de ces aspects d'implémentation, c'est la démarche de la nouvelle loi elle-même qui est à retenir. Participative, intégrant l'aspect développement durable et surtout global, «cette nouvelle vision marque une rupture avec la réglementation antérieure considérée comme parcellaire et dispersée», étaye le trésorier qui conclut en évoquant un autre chantier d'ampleur : «La réforme de la loi organique des finances»... On ne demande qu'à voir... A.S «Dans certains pays ce, portail est géré par le privé» : Noureddine Bensouda, Trésorier général du royaume Les Echos quotidien : Le nouveau décret sur la réglementation des marchés publics est en cours de finalisation, pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet ? Noureddine Bensouda : Le décret est en cours de finalisation au niveau du Secrétariat général (du gouvernement : ndlr). Il a été publié sur le portail, et des commentaires, émanant des différentes fédérations affiliées à la CGEM, ont été recueillis. L'objectif est d'en faire un décret qui est accepté par tout le monde et qui permet une amélioration en termes de transparence, mais aussi d'accélération de la dépense publique. Dans quelle mesure cette nouvelle réglementation pourrait-elle mieux encadrer le pouvoir discrétionnaire de l'acheteur public ? Dans toute évolution des sociétés dans le monde, il y a deux logiques qu'il faut absolument prendre en compte. Il y a la logique juridique et il y a la logique de gestion. Le texte de cette nouvelle réglementation a une logique juridique, mais qui intègre aussi la logique de gestion. Il faut bien entendu mettre des balises qui doivent être de rester concentré sur une bonne dépense publique. En même temps, il faut permettre à l'acheteur public d'agir dans les meilleures conditions et lui donner les moyens d'agir rapidement dans le but d'exécuter la dépense publique. Il ne faut pas privilégier une logique au détriment de l'autre. Au contraire, il faut tendre vers un équilibre entre les aspects juridique et économique. En quoi cette réglementation peut-elle œuvrer dans le sens de l'amélioration de l'équité sociale ? C'est le cas dans la mesure où la dépense publique va bénéficier au citoyen et servir à ses besoins essentiels. D'une part, vous avez des ressources qui sont mobilisées de manière équitable et efficiente. D'autre part, vous aurez des dépenses qui s'inscrivent dans le principe d'équité, c'est-à-dire que les biens et services collectifs seront disponibles de manière équitable. Quid du portail, 40% des entreprises publiques n'y sont pas encore enrégistrées, quel calendrier pour le développement ? Au début, il n'y avait qu'un nombre restreint de marchés publics et chaque année cela s'améliore. Mais, de manière globale, si on se base sur un benchmark international. Il y a des pays chez qui ce portail est géré par le public, dans d'autres c'est externalisé au niveau du privé. Enfin, certains optent pour une gestion basée sur le partenariat public/privé. Lors du débat, le problème de la formation a été soulevé. Comment allez-vous faire pour solutionner cette problématique essentielle ? Une spécialité des achats publics existe au sein de l'ENA. Nous serons aussi peut-être amenés à promouvoir cette spécialité dans les universités marocaines. Mais, mieux que cela, en partenariat avec la Chambre de commerce française et les autres Chambres de commerce, la TGR est disposée à assurer des formations pour permettre aux opérateurs de bien connaître la législation en matière de marchés publics pour plus de transparence et une meilleure concurrence. L'acheteur public, pour la bonne marche de son action, a tout intérêt à ce que les différents acteurs soient au fait des détails de la législation.