Nous sommes convaincus que le secteur pharmaceutique marocain fait preuve de beaucoup de dynamisme. La concurrence a entraîné ces dernières années une baisse importante des prix des médicaments. Mais la consommation reste faible du fait, entre autres, de la faiblesse de la couverture médicale et du pouvoir d'achat des populations. Ce n'est donc pas seulement l'action sur le prix du médicament qui résout la question. D'ailleurs le médicament ne représente pas grand-chose dans le système de santé. La prévention, la sensibilisation et la couverture sont aussi des volets sans lesquels on ne peut espérer une amélioration du système de santé, quel que soit par ailleurs le niveau de baisse de prix pratiquée. En plus, avant la baisse actuelle, il y avait déjà beaucoup de produits vendus à bas prix (environ 60% des 4.000 produits existants sur le marché). La nouvelle baisse va rendre ces produits non rentables, ce qui risquerait de créer un déséquilibre au sein de l'industrie. Conséquence, les sociétés pharmaceutiques seront contraintes de retirer ces produits du marché pour ne garder que les produits sophistiqués et plus rentables. Nous sommes en train de discuter en ce moment même avec le ministère pour trouver un équilibre, afin que la réduction des prix ne nuise pas à l'industrie. Les Echos : À ce qu'il semble, vous avez mal accueilli la nouvelle concernant la réduction des prix des médicaments... Kamal Belhaj Soulami : Oui, parce qu'elle risque d'être mauvaise pour l'industrie. Il n'y a pas de mesures d'accompagnement mises en place avant l'annonce de la réduction, alors qu'il y a deux mois, le ministère nous a promis de faire le nécessaire. Sur ce plan notre position est donc claire, nous sommes pour toute politique visant à faciliter l'accès des citoyens au médicament, mais à condition qu'elle ne soit pas une décision prise de façon unilatérale. Quand vous parlez de mesures d'accompagnement, de quoi s'agit-il exactement ? Il s'agit avant tout du respect de la loi et aussi d'encourager les officines à mettre en œuvre cette réduction par des mesures simples, à savoir la possibilité de transférer la marge sur les produits génériques, l'inclusion de la TVA dans la composition du prix ou sa suppression pure et simple, la possibilité de vendre les produits vétérinaires et les dispositifs médicaux dans les pharmacies. Il faut également que la pharmacie de la CNOPS ferme ses portes, car c'est une concurrence déloyale qui réalise 1,38 milliard de dirhams de chiffre d'affaires. À côté de cela, il faudrait également que des mesures soient prises pour empêcher les laboratoires industriels et les distributeurs de vendre directement aux associations et aux citoyens, car ils raflent 30% du chiffre d'affaires des officines. Mais toutes ces revendications tiennent-elles la route ? En fait, ces mesures ne sont pas que des revendications, ce sont surtout des questions relatives au respect des textes légaux. Et si les mesures ne sont pas respectées, nous n'allons pas participer à la réduction des prix. Et s'agissant de la TVA, l'Etat doit la supprimer, sinon nous serons contraints de la répercuter sur le citoyen. Aujourd'hui, nous avons plus de 3.000 officines en difficulté, comment pensez-vous qu'elles puissent s'en sortir si on leur demande de réduire les prix sans qu'il y ait des compensations? Donc, nous allons très prochainement tenir une conférence de presse nationale et mettre en place une fédération du médicament puis remettre nos propositions aux autorités, car nous sommes convaincus que l'ère où un politicien peut décider tout seul est révolue. * Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc.