Lundi, Rabat et Madrid célébraient, jour pour jour, le 20e anniversaire de la signature du traité d'amitié, de coopération et de bon voisinage. Deux décennies plus tard, et malgré des avancées notoires, quelques problèmes continuent d'entacher les relations entre les deux voisins. C'était un 4 juillet 1991, Hassan II et Juan Carlos Premier présidaient la signature du premier «traité d'amitié, de coopération et de bon voisinage» entre le Premier ministre marocain Azeddine Laraki et le président du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez Marques, au palais royal de Rabat. A l'époque, les deux voisins souhaitaient clore 15 années de tensions, dues principalement à la Marche verte et à la récupération des territoires sahariens aux dépends des Espagnols. C'est dire l'étendue de l'espoir que suscitait ce traité pour l'avenir des relations entre les deux pays. Composé de 13 articles subdivisés en deux titres : «Relations politiques bilatérales» et «Relations de coopération», le traité comprend également un préambule comprenant pas moins de 28 paragraphes, traitant notamment du respect des droits de l'Homme, du dialogue entre les deux cultures, ou encore du règlement pacifique des différends. Depuis la signature du traité, neuf réunions de haut niveau ont eu lieu entre les deux pays, la dernière s'est tenue en 2008 à Madrid. Une autre réunion était prévue en 2010, mais le démantèlement du camp de Gdim Izik à Laâyoune en novembre de la même année, allait avoir pour conséquence le report sine die de ladite réunion. Néanmoins, avec la prise de fonction du nouvel ambassadeur marocain à Madrid, le Sahraoui Ahmadou Ould Souilem, les relations se sont apaisées peu à peu, ce qui contribua à la visite du Roi Juan Carlos, le 9 mai dernier à Marrakech. La montée sur le trône du souverain Mohammed VI en 1999 n'aura pas aidé à améliorer les relations entre les deux pays. La crise de l'îlot Leila (Perejil pour les Espagnols) en 2002, lors de laquelle six agents des Forces Auxiliaires avait été enlevés par un impressionnant bataillon de l'armée espagnole, formé de plusieurs navires de guerre et six hélicoptères, a constitué pour les observateurs la plus grave crise qu'ait connue les deux pays depuis la Marche verte. Les protagonistes avaient alors appelé à la médiation des Etats-Unis. Le rocher demeure à ce jour inhabité. Plus proche de nous, l'affaire Aminatou Haidar : cette activiste indépendantiste Sahraouie avait effectué une grève de la fin en territoire espagnol, ce qui avait conduit encore une fois à un regain de tension entre les deux voisins. Les échanges commerciaux entre le Maroc et l'Espagne n'ont, par contre, jamais cessé de progresser. Deuxième partenaire du royaume après la France, le voisin du Nord a augmenté de manière importante ses investissements dans l'économie marocaine. Ceux-ci ont connu en 2010, une progression de 76% par rapport à l'année précédente, alors que le volume d'échanges a atteint l'année précédente 6,2 milliards d'euros, si l'on en croit les chiffres de l'Institut espagnol du commerce extérieur. Quant aux entreprises Ibériques présentes au Maroc, elles sont au nombre de 500. Abdesslam Boutayeb, spécialiste des relations maroco-espagnoles et président du Centre marocain de la mémoire commune et de l'avenir. «Le Maroc a lancé beaucoup de signaux positifs» 20 ans après la signature du traité de bon voisinage entre le Maroc et l'Espagne, où en sont les relations aujourd'hui ? Les relations entre le Maroc et l'Espagne sont très particulières. Cette particularité provient des spécificités historiques, culturelles et politiques de chacun des deux pays. Les relations entre les deux voisins alternent souvent phases d'apaisement et phases de tensions. D'où proviennent ces tensions ? Ces tensions ont leurs propres considérations. Le Maroc a ses propres spécificités, au même titre que son voisin du nord, et les tensions entre les deux pays sont des résidus de l'Histoire, qui résultent d'une incompréhension entre les deux sociétés. Preuve en est l'extrême rareté des études qui devraient être faites pour éclaircir l'histoire des relations entre les deux pays. Le PP et le PSOE ont-il une part de responsabilité dans cette fluctuation des relations maroco-espagnoles ? Le Parti populaire est beaucoup moins tolérant que son rival socialiste envers le Maroc. Il n'hésite pas à utiliser la carte Maroc à des fins électoralistes, véhiculant une mauvaise image du Maroc : terrorisme, trafic de drogue, immigration clandestine, etc… Le parti socialiste, quant à lui, même s'il peut paraître beaucoup plus tolérant dans sa politique avec le Maroc, manque de clairvoyance et de vision stratégique et ne passe que rarement à l'acte. Et le Maroc ? Le Maroc a depuis un moment lancé beaucoup de signaux positifs à son voisin, mais l'affaire du Sahara nuit aux bonnes intentions marocaines. D'ailleurs, l'Espagne a une grande responsabilité dans le blocage de la résolution du conflit du Sahara ; elle a en sa possession suffisamment de documents qui pourraient mettre fin au conflit, mais elle ne souhaite pas les divulguer. Le Maroc souffre d'une mauvaise presse auprès de la société espagnole, à qui la faute ? Ce sont principalement les partis politiques qui n'ont pas su jouer leur rôle, toutes tendances confondues. Il n'y a que 14 km qui séparent nos deux pays et pourtant rares sont les hommes politiques marocains qui se déplacent en Espagne et qui parlent leur langue. Le Centre marocain de la mémoire commune et de l'avenir, que je préside, a tenté de contribuer au rapprochement des deux pays. Nous avons essayé d'organiser un séminaire regroupant les élites politiques des deux pays, en nous déplaçant en Espagne notamment, mais nous n'avons reçu que des refus. Néanmoins, un autre séminaire est prévu le 7 novembre prochain, auquel les deux ex-ministres des affaires étrangères, Mohammed Benaissa et Miguel Angel Moratinos, ont d'ores et déjà répondu présent. Quels sont les partis que vous comptez inviter ? Outre le PP et le PSOE, nous souhaitons aussi inviter la « Izquierda Unidad » (Gauche unifiée) et la Convergencia y union de Catalunya. Nous allons aussi convier quatre partis marocains : deux de la majorité et deux de l'opposition et plus de 50 personnalités qui ont contribué à la coopération entre les deux pays, 25 de chaque côté de la Méditerranée.