Rétro - Verso : La Place du 16 Août d'Oujda, un lieu qui célèbre une épopée    Agents de sécurité, de propreté et de cuisine: Vers un mouvement de protestation pour l'amélioration des conditions de travail    Justice : Coulisses d'une réforme jonchée d'épines    La Bourse de Casablanca termine dans le négatif    GITEX Africa 2026 : Le Maroc mise sur l'innovation numérique avec Dubaï    Fruits et légumes: Le Maroc premier fournisseur de l'Espagne en dehors de l'Union européenne    L'ONDA réforme l'accès aux métiers de l'aérien    Sommet africain sur l'investissement dans l'eau : L'Afrique doit investir 30 milliards de dollars supplémentaires par an d'ici 2030    CHAN 2024 : La FRMF sanctionnée par la CAF    PSG : Donnarumma, un héros invité à prendre la porte    Supercoupe d'Europe : Hakimi et ses coéquipiers visent un premier sacre ce soir    Chefchaouen et Tétouan : situation des incendies de forêts    La FM6SS réalise la première greffe rénale incompatible ABO réussie à l'échelle du continent    Armement : Le Maroc envisage de commander des avions Rafales    Maroc : Les FAR enquêtent sur des violences contre un migrant en mer    CHAN 2024 : Apprendre de la défaite face au Kenya pour être mieux face à la Zambie (Tarik Sektioui)    Sahara : Le passage Amgala-Bir Oum Grine divise le gouvernement mauritanien    La Fondation Hassan II pour les MRE dénonce les attaques racistes en Espagne    Morocco braces for intense heatwave with temperatures up to 47°C    Maroc : Ibtissam Lachgar déférée devant le tribunal en détention préventive    Italie : Arrestation d'un Marocain recherché par l'Espagne pour meurtre lié au trafic de drogue    Salon du livre de Panama : Inauguration du pavillon du Maroc, invité d'honneur    Axe Amgala-Bir Moghrein : La route qui irrite Alger    Le WAC empoche 6 millions de dirhams pour le transfert de Jamal Harkass vers Damac FC    Ballon d'Or 2025 : Hakimi vs Dembélé, Luis Enrique tempère    Bayer Leverkusen : Bournemouth en pôle position pour recruter Amine Adli    Au Royaume-Uni, le Trésor gèle les avoirs de deux ressortissants marocains pour leur rôle présumé dans un trafic international de migrants    Paris-CDG : suspension d'un contrôleur aérien après un message « Free Palestine »    Revue de presse de ce mercredi 13 août 2025    Ligne maritime Agadir-Dakar : Un projet qui stimulera les échanges bilatéraux et panafricains    Maroc : les exportations artisanales progressent de 14 % à fin juillet 2025    Moyen Atlas : Découverte des plus anciennes dents de Turiasauria en Afrique    Un audit de l'USAID conclut à la gestion régulière par Deloitte Conseil de plus de trois millions de dollars alloués au programme de développement socio-économique de Marrakech-Safi    L'AMMPS réfute l'existence d'une pénurie massive de médicaments pour maladies chroniques    Managem maintient un chiffre d'affaires stable à 4,42 MMDH au premier semestre 2025    "Voix de Femmes", Tétouan célèbre les talents féminins    Du citoyen abstentionniste au citoyen juge : la mutation silencieuse de la démocratie marocaine    Maroc : Assidon, le militant anti-normalisation avec Israël, en soins intensifs    Gaza : La quasi-totalité de la bande évacuée de ses habitants ou devenue inhabitable    Droits de douane: Trump prolonge de 90 jours la trêve commerciale avec la Chine    Indonésie : un séisme de magnitude 6,3 frappe la Papouasie    Le fonds souverain norvégien se désengage de plusieurs entreprises israéliennes en raison du conflit à Gaza    La marine indienne conclut la visite de l'INS Tamal à Casablanca par un exercice conjoint    Le Maroc accueillera le tournage du nouveau film bollywoodien «Captain India»    Le Maroc invité d'honneur du 21e Salon international du livre de Panama    Le Festival Voix de Femmes revient à Tétouan pour sa 13e édition    L'été dans le Nord. Maroc Telecom électrise les plages    Le Maroc honore de sa présence le salon international du livre de Panama du 11 au 17 août    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



1811-2011, bicentenaire oublié…
Publié dans Le Soir Echos le 26 - 09 - 2011

Le 3 juin 1811, Mehmet-Ali, gouverneur ottoman de l'Egypte, invita les Mamelouks, la caste militaire égyptienne, à un festin dans la Citadelle du Caire. Il fit fermer les portes de l'allée centrale et massacra les guerriers. Rares s'en échappèrent.
De tels banquets étaient courants dans l'ancien monde. C'est ainsi, par exemple, que les Abbassides se débarrassèrent des derniers Omeyyades d'Orient. En somme, cela correspondait à une dissolution biologique d'assemblée, avec moins de complication et un effet immédiat. Pourtant, le massacre de 1811 fit date. Mehmet-Ali s'attaqua et déracina un système millénaire, ouvrant une nouvelle page dans l'histoire institutionnelle du monde oriental.
Très tôt dans son histoire, l'Etat musulman eut à se confronter à un problème central : gouvernant des populations massivement tribales, il ne pouvait fidéliser une caste de fonctionnaires et de militaires à la seule raison d'Etat. Derrière chaque soldat, chaque conseiller, chaque fonctionnaire, étaient tapis la famille, le clan, la communauté régionale ou religieuse. Le prince se savait à la merci de ces fidélités parasites. Le calife abbasside Al-Mu‘tassim (833-847) inventa une solution, ou, plutôt, il améliora et fit systématiser une pratique qui émergea avant lui et qu'on retrouvait également chez les Byzantins : il établit une armée d'esclaves, des jeunes Turcs importés d'Asie centrale et formés à la guerre et au pouvoir. Arraché aux siens, le Mamelouk vouait à son maître et à la raison d'Etat qu'il incarne la fidélité du chien à son maître. Le problème public central sembla résolu. L'efficacité, la rationalité, la fidélité des Mamelouks à la chose publique étaient indéniables.
Cette « solution » se répandit dans tout le monde musulman. L'Iran eut ses Ghilman géorgiens ; l'Empire ottoman, ses Janissaires balkaniques ; le Maroc, ses ‘Abid el-Bokhari. On aboutit à ce suprême paradoxe : une communauté de croyants libres gérée par des Etats de serfs, à l'inverse des sociétés européennes, composées de serfs gérés par des aristocrates libres.
Le système avait cependant des défauts. Caste autonome, l'armée finit par se comporter comme une colonie étrangère : elle ne partageait avec la société ni langue commune, ni ethnie d'origine, ni culture ni mœurs. Seule la religion cimentait l'Etat et son armée à sa société.
Le massacre de 1811 n'avait pas de ressorts idéologiques. Mehmet-Ali cherchait l'efficacité et crut la trouver dans l'armée des citoyens, plutôt que dans celle des mamelouks. L'armée nationale devint le pilier de l'Etat arabe moderne. Au cours du XXe siècle, ce sont ces armées, tour à tour « nationales », « populaires », « démocratiques », qui firent la révolution et la politique. Au cours des années 1970, il devint évident pour tous que de libératrices, elles devinrent prédatrices. Des observateurs n'hésitèrent pas à appeler les élites alaouites en Syrie et la nomenklatura militaire en Egypte, des « nouveaux mamelouks »…
Ironiquement, c'est dans les pays où l'ancien système subsista, quasi inchangé, que l'armée fut la moins prédatrice, la plus « nationale » en somme : au Maroc, où l'armée est « royale » avant d'être « nationale », et où elle resta longtemps constituée de montagnards imperméables à la politisation venue des villes ; en Jordanie où elle est tribale, dans les pays du Golfe, où elle est constituée de tribus et de recrues étrangères…
Que le Printemps arabe de 2011 renverse le résultat monstrueux et inattendu de la transformation de 1811 nous interroge sur le futur des armées arabes. Institutionnellement, 2011 risque d'être aussi décisive que 1811 : la chute du colonel Kadhafi et du général Ben Ali, le procès du général Moubarak… proclament la fin de l'armée nationale comme pilier central de l'Etat arabe moderne. Dès les années 1970, beaucoup pensèrent remplacer l'armée par la mobilisation religieuse comme fondement de l'espace public. Les développements en cours dans le monde arabe, malgré des apparences trompeuses, laissent penser que c'est plutôt aux institutions civiles qu'on demandera désormais, plutôt qu'à la caserne ou à la mosquée, le fondement du vivre-ensemble.
Aucun article en relation !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.